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Transplantation rénale au statu quo : pas d’opération à Maurice depuis ces dernières années

Bassant Ramkhelawon : « Je suis heureux d’avoir pu contribuer à la survie de ma sœur ».

40 ans après la première transplantation rénale dans le service privé et 28 ans après ce type d’intervention dans le service public, les choses semblent être au statu quo. Aucune opération ne se fait à Maurice depuis ces dernières années. Les patients sont envoyés en Inde.

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C’est le statu quo actuellement en ce qu’il s’agit de la transplantation rénale. Les opérations, que ce soit dans le service public ou privé, sont en « suspens » avec les révisions apportées à la Human Tissue (Removal, Preservation and Transplant) Act. Mais, en dépit de sa promulgation partielle il y a deux ans, les choses ne semblent pas avoir évolué. 

« On a voté une loi, mais ce n’est qu’une partie qui a été mise en application », s’indigne Bose Soonarane, porte-parole de la Renal Disease Patient Association. Pour lui, deux ans après, les choses auraient dû être bien avancées. Nous avons sollicité plusieurs interlocuteurs qui sont eux aussi dans l’attente d’éclaircissements à ce sujet. Il était aussi question de prélèvement cadavérique. Le tout devait être géré par un « Tissue Donation, Removal and Transplant Board » afin de prévenir le trafic d’organes. La Transplantation Unit, qui devait être installée au Jawaharlal Nehru Hospital, tarde elle aussi à se matérialiser. Ce projet a été annoncé lors des différents exercices budgétaires du présent gouvernement. 

Selon nos diverses sources, le projet est toujours « on » mais il tarde à se concrétiser. Pour elles, cette nouvelle unité sera un atout pour la transplantation rénale car jusqu’à présent, cela a été fait dans l’une des salles d’opération existantes alors que ce type d’intervention requiert une mise en place spécifique et des conditions d’hygiène strictes. 

Nos interlocuteurs, qui n’ont pas souhaité donner leur nom, ajoutent que le pays a également besoin de plus de néphrologues, urologues, chirurgiens spécialisés dans la transplantation rénale ainsi que de médecins et infirmiers formés dans le domaine. « C’est plus pratique pour les patients qu’ils soient opérés à Maurice au lieu d’être envoyés en Inde », souligne un médecin du privé.

Il déplore que depuis plus de cinq ans, la transplantation rénale ne peut être pratiquée dans le service privé en raison des amendements qu’il fallait apporter à la nouvelle loi. Il en est de même pour le service public, font ressortir les autres médecins. Pour eux, tout est une question de volonté politique. « Comment a-t-on pu trouver les équipements nécessaires pour gérer la Covid-19 à Maurice », lance l’un des spécialistes indignés. Ils soulignent qu’environ 300 transplantations rénales ont pu être effectuées à Maurice dans le secteur public depuis 1993, ce qui démontre le potentiel et la possibilité de le faire. Pour eux, le créneau doit être encouragé afin d’assurer qu’il y a davantage de jeunes médecins qui s’intéressent à la néphrologue et se forment pour pratiquer des greffes rénales. « Le nombre de patients sous dialyse augmente d’année en année à vitesse grand « V », il faudrait faire quelque chose pour améliorer leur qualité de vie », explique un de nos interlocuteurs.

Nous avons essayé d’avoir des explications du ministère de la Santé au sujet de la transplantation rénale à Maurice. En réponse à notre mail envoyé depuis le 11 décembre, un cadre nous a fait comprendre qu’il a été dirigé vers le département concerné que qu’on allait revenir vers nous une fois les précisions obtenues.

Heureux d’avoir pu donner un rein

La première transplantation rénale a débuté dans le service public le 11 mars 1992, à la veille de l’accession de Maurice au statut de République. Le pays a alors bénéficié d’une assistance du gouvernement indien qui a dépêché une équipe de chirurgiens indiens à Maurice. Elle était alors dirigée par le professeur Devendra Saksena.  Parmi les premiers donneurs et receveurs, se trouve Bassant Ramkhelawon qui a donné l’un de ses reins à sa sœur, Sharda Devi Ramkhelawon, qui avait 17 ans à l’époque. Après les tests de compatibilité, il s’est avéré qu’il était le seul de la famille à pouvoir lui donner un rein. L’intervention, qui a été effectuée à l’hôpital SSRN de Pamplemousses, a été un succès, se réjouit Bassant Ramkhelawon.  Heureux que l’opération se soit bien passée, il a cependant eu le malheur de perdre sa sœur 20 ans après cette opération. « Malgré son départ prématuré, je suis heureux qu’elle ait pu quand même vivre 20 ans de plus, alors qu’à 17 ans elle n’avait pas beaucoup de chances de survie », dit-il.  Après la visite régulière de chirurgiens étrangers de transplantations rénales à Maurice, des médecins mauriciens du service public ont pris la relève de 1995 à 2015. 

40 ans avec une transplantation rénale

Pour la première fois il y a 40 ans, une transplantation rénale a été effectuée à Maurice. C’était le 17 décembre 1980, à la clinique Mauricienne, par des médecins mauriciens. Grâce à cette intervention, le patient a eu la vie sauve. Le 17 décembre 2020 a marqué le 40ème anniversaire de la première greffe de rein pratiquée à Maurice. Elle a été pratiquée par une équipe de médecins mauriciens : les Drs Mahen Modun (urologue) et Marcello Li Sung Sang (néphrologue). Une opération qui peut être qualifiée de grand succès car la donneuse et le receveur, sœur et frère, se portent bien 40 ans après. Ils avaient 18 ans et 20 ans, respectivement, à l’époque. Ce dernier, qui a souhaité garder l’anonymat, nous a affirmé par personne interposée qu’il est très heureux et fier de porter le rein de sa sœur. « Jamais je n’aurais cru que cela aurait duré 40 ans. Je suis extrêmement et toujours reconnaissant envers elle », confie-t-il. « On m’avait dit que le cross-matching était parfait à 100%. Jamais je n’aurais imaginé que le rein aurait tenu 40 ans ou même 20 ans ! », avoue notre interlocuteur.  Souffrant d’une grave infection rénale, les chances de survie du receveur étaient minces. Seule une transplantation pouvait lui sauver la vie. « Il n’y avait pas de dialyse à l’époque à Maurice, donc c’était la mort certaine », avance-t-il. Selon un néphrologue, les chances de survie sur dialyse sont nettement moindres qu’avec une greffe.

40 ans après, le rein du receveur fonctionne 

toujours ! En outre, il a eu des petits soucis cardiaques pour lesquels il a eu les traitements appropriés. « Je dois prendre plusieurs médicaments pour me garder en bonne santé et avoir un suivi régulier pour la greffe et le cœur », précise-t-il. Malgré cela, il affirme qu’il mène une vie assez normale, qu’il travaille toujours et fait des sorties sans problème. Mais, arrivé à la soixantaine, il appréhende l’avenir. « Je suis un peu anxieux pour l’avenir. Je ne suis plus aussi jeune et le rein greffé aussi », explique notre interlocuteur.

 

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