
Présenté comme une solution innovante contre la dépendance, le Buvidal soulève déjà de vives interrogations à Maurice. Cette version injectable du Subutex pourrait remplacer la méthadone, actuellement distribuée gratuitement. Mais son coût élevé et les risques liés à son usage inquiètent les professionnels du secteur.
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Le Dr Siddick Maudarbocus, du centre de traitement Les Mariannes Wellness Sanctuary à Congomah, se montre sceptique : « Le Buvidal n’est pas une révolution, c’est un rebranding. » Pour lui, cette nouvelle approche thérapeutique ne fait que recycler une molécule déjà connue : « On est en train de parler du Buvidal comme étant une potion magique, mais en fait, c’est ce qu’on a connu dans le passé sous le nom de buprénorphine, plus connu comme Subutex. »
Selon ce médecin spécialisé en réhabilitation, il ne s’agit que d’un nouveau conditionnement, sous forme injectable, d’un traitement qui existe depuis des années. Et ce changement soulève plus de questions qu’il n’apporte de solutions.
Depuis que la National Agency for Drug Control (NADC) envisage la possibilité de remplacer la méthadone par le Buvidal, le débat est lancé. À Maurice, où les moyens sont limités et les cas de toxicomanie en hausse, le coût du traitement pose un vrai problème. Sam Lauthan, directeur de la NADC, reconnaît que « son coût sera élevé compte tenu du nombre important de toxicomanes ». Mais il va plus loin, en alertant sur les dangers d’une mauvaise utilisation : « Le mélange d’une drogue synthétique avec cette piqûre peut s’avérer mortel. Si un toxicomane prend cette injection tout en continuant à consommer des drogues de synthèse, cela peut être grave. »
Le Dr Maudarbocus partage cette inquiétude. Il parle d’un « cocktail à haut risque » : « La même dose que les consommateurs prenaient aura 10 fois le même effet. Le cerveau est une usine de produits chimiques naturels en équilibre. Quand on consomme des substances illicites, le système se retrouve déséquilibré d’un seul coup. »
Sur le plan pharmacologique, le Buvidal agit comme le Subutex : il bloque les récepteurs des opioïdes dans le cerveau, empêchant ainsi les drogues d’avoir un effet. « Du coup, les patients sous traitement n’auront aucune dépendance », explique le médecin.
Mais pour lui, le véritable danger réside dans l’absence de suivi global. « La meilleure façon de désintoxiquer un patient est de le placer dans un lieu de réhabilitation tout en lui prodiguant l’encadrement nécessaire. » Il précise aussi que « les instances internationales qui ont eu recours au Buvidal ont fait comprendre que le patient doit être suivi pendant au moins trois mois, cela afin de s’assurer qu’il n’y ait pas de rechute », et ce, dans un cadre strictement médicalisé.
Autre limite importante : la buprénorphine n’agit que sur les opiacés. « La buprénorphine, molécule présente dans le Subutex et le Buvidal, n’agit que contre les opiacés, mais ne couvre pas l’ensemble des addictions. Or, à Maurice, les cas de polyaddictions sont nombreux, ce qui complexifie considérablement la prise en charge », affirme-t-il.
Et de conclure : « C’est pourquoi il est essentiel d’avoir recours à un travail en profondeur sur soi, impliquant des thérapies cognitives, du conditionnement, voire ce que certains appellent du ‘brainwashing’. Le risque de rechute reste permanent. D’où l’importance de s’attaquer à la racine du problème : l’état d’esprit. »

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