Economie

Traité Maurice-Inde: la fin d’une époque ?

La renégociation entre l’Inde et Maurice du traité de non-double imposition fait débat. Ce dénouement représente un développement majeur pour les deux pays, mettant fin aux litiges qui ont pendant longtemps affecté les relations économiques et politiques entre l’Inde et Maurice. Mais, cela a aussi soulevé un tollé parmi les principaux acteurs du secteur et la classe politique. Est-ce un mal pour un bien ? Depuis mardi dernier, le secteur offshore se retrouve avec de nouvelles dispositions entourant le ‘Double Taxation Avoidance Agreement’ (DTAA) avec l’Inde. Désormais, l’Inde pourra appliquer la ‘Capital Gains Tax’. Cette décision a surpris le ‘Global Business Sector’, mais aussi la classe politique et le monde des affaires. Le Premier ministre, sir Anerood Jugnauth, quant à lui, se dit convaincu qu’avec le traité de non double imposition entre Maurice et l’Inde, le secteur financier mauricien deviendra encore plus solide. Affirmant être totalement satisfait de la signature de ce traité, il a précisé que l’Inde avait prévenu qu’il y aurait un ‘termination notice’ seulement si les négociations n’aboutissaient pas. Le ‘Double Taxation Avoidance Treaty’ a été signé avec l’Inde le 24 août 1982. Les ‘Regulations’ ont été promulguées par le ministre des Finances le 17 juillet 1983 et le traité est entré en opération le 11 juin 1985. En mars 2012, le Budget de l’Inde a introduit le ‘General Anti-Avoidance Rule’ (GAAR). Ce règlement donne plus de pouvoirs à l’Income-Tax Department de refuser l’exemption fiscale dans certains cas. Par exemple, si un investisseur étranger transite ses fonds à travers Maurice dans le seul but d’éviter la ‘Capital Gains Tax’ en vertu du DTA Maurice-Inde, les autorités indiennes auront le droit de refuser l’exemption accordée sous le traité.

La subvention indienne

Le traité actuel arrive à expiration le 1er avril 2017. Toutefois, tous les investissements qui ont été faits avant le 1er avril 2017 seront sauvegardés et les compagnies qui utilisent Maurice comme une plateforme d’investissement vers l’Inde, dans le cadre du traité, continueront à ne pas payer la ‘Capital Gains Tax’ en vigueur en Inde, en conformité avec l’article 13 du traité de non-double imposition. L’Inde a aussi agréé à une période de transition qui s’étendra du 1er avril 2017 au 31 mars 2019. Tous les investissements faits à cette date vers l’Inde, en passant par l’offshore mauricien, seront sujets à une ‘Capital Gains Tax’. La Grande péninsule accordera une subvention de l’ordre de Rs 12,7 milliards à Maurice. Cette « importante subvention jamais reçue par Maurice d’un autre pays », selon le ministre Roshi Badhain, servira à financer quatre projets de développements qui verront le jour dès cette année. Cette somme sera utilisée pour financer quatre projets : (1) Rs 3,7 milliards seront consacrés au Heritage City, projet infrastructurel qui abritera des ministères, le Bureau du Premier ministre et le Parlement ; (2) Rs 1,8 milliard pour l’’International Convention Centre’, qui accueillera de grands événements locaux et internationaux ; Rs 3,6 milliards de la subvention seront utilisés pour une ‘Financial Services City’ et les Rs 3, 6 milliards restants seront utilisées pour un projet qui sera dévoilé par le Premier ministre lors de la présentation du prochain Budget.

Types de sociétés offshore

Selon un opérateur du milieu offshore, c’est un fait que des centaines de sociétés offshore sont inactives et ne font que payer leurs licences annuelles. « Il n’y a rien d’illégal dans cela. Les sociétés offshore qui n’ont pas eu de transactions pendant une année n’ont aucune taxe à payer. Elles n’ont également pas ou très peu d’opérations administratives à Maurice », explique notre interlocuteur. Selon lui, il faut définir le concept même d’une société offshore. La loi prévoit un minimum de ‘substance’ et toute société offshore doit encourir certains frais à Maurice, comme la licence, l’audit, le ‘management fee’, etc. « Cette situation est comparable au secteur port franc, où il y a des milliers d’opérateurs inscrits, alors qu’une centaine seulement est en opération. Le reste ne fait que payer leurs licences annuelles. Dans les deux cas, il faut séparer les sociétés inactives ou peu actives et dresser une liste des sociétés performantes pour ne pas donner une image erronée du secteur », explique notre source. Il existe deux types de société offshore : la Global Business Company Category I et Category II.  La première catégorie est considérée comme une compagnie locale alors que la seconde ne fait pas de transactions locales, donc ne paie pas de taxe. Les revenus générés à l’étranger ne sont pas taxables. À noter que l’Inde a exigé qu’un fonds d’investissement dépense au moins Rs 1,5 million annuellement à Maurice comme frais d’opérations pour prouver qu’il ne fait pas que du ‘treaty shopping’.  
 

Arvind Nilmadhub, économiste: « Je vois ce dénouement comme une bénédiction déguisée »

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/div> Quel est l’impact de nouveaux amendements au DTAA ? Ces amendements étaient attendus. Tôt ou tard, l’Inde aurait agi dans ce sens et nous n’avons pas vraiment d’options. Il faut accepter, car je vois mal Maurice aller à l’encontre du souhait de l’Inde. L’Inde est un pays ami et a toujours aidé Maurice. Les récents Premiers ministres successifs de l’Inde ont toujours déclaré que l’Inde ne ferait rien qui nuirait à nos intérêts. La conséquence directe de l’imposition de la ‘Capital Gains Tax’ est que les sociétés qui n’étaient implantées chez nous que pour bénéficier des avantages fiscaux vont plier bagages. Mais, on nous a toujours dit qu’elles étaient une minorité. Si c’est le cas, tant mieux. Quel sera l’impact sur l’emploi et l’économie ? L’étendu de l’impact ne peut être mesuré immédiatement, il faut attendre un peu pour voir comment le secteur va évoluer et comment les sociétés réagiront face aux nouveaux amendements. Il se peut que l’impact soit minime comme il peut tout aussi être conséquent. Le secteur offshore est-il en danger ? Je ne dirai pas que le secteur est en danger. Loin de là. Je vois ce dénouement comme une bénédiction déguisée. Le secteur offshore ne peut dépendre éternellement sur le DTAA indien pour sa survie. Il faut que le secteur diversifie ses activités et ses marchés. On ne peut faire comme l’industrie sucrière ou l’industrie textile, où on a presque attendu la fin des mesures protectionnistes pour agir. Je suis persuadé que le secteur trouvera d’autres débouchées intéressantes. Nous devrons aussi revoir nos produits, mais surtout nos campagnes de promotions. Le retour de la ‘Financial Services Promotion Agency’ arrive à un moment opportun. Quelles solutions préconisez-vous ? Ce genre de choses arrive dans n’importe quel secteur, qu’il soit l’offshore, l’agriculture, le textile ou l’immobilier. Il faut s’y préparer et s’y adapter. Ce n’est pas la fin du monde. Maurice a toujours pu rebondir face à de tels chocs, et je suis convaincu que nous surmonterons la présente turbulence.
 

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