Pour les élections générales du 7 novembre prochain, l’Alliance Morisien aligne 12 femmes candidates sur 60 candidats. Idem pour le MMM. Tandis que l’Alliance Nationale place, elle, une dizaine de candidates. Cela malgré les multiples promesses des principaux leaders politiques pour l’introduction d’un quota de femmes candidates dans chaque circonscription de l’ile. Toutefois, nous notons qu’après le Nomination Day du mardi 22 octobre dernier, il y a eu une petite amélioration par rapport aux législatives de 2014 au niveau des femmes candidates. Celles-ci sont toutefois encore sous-représentées pour les législatives 2019 alors que les femmes constituent 50,6 % de l’électorat à Maurice. Pourquoi ce faible engagement des femmes dans la politique ?
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Pooja Jhinni Awotar (30 ans) : « Manque d’une stratégie globale de soutien aux femmes candidates »
« Malgré l’amélioration au niveau de l’éducation des femmes, elles n’ont guère progressé en ce qui concerne leur engagement dans la politique nationale », indique Pooja Jhinni Awotar. La jeune diplômée en relations internationales estime que les efforts visant à améliorer la représentation des femmes en politique se sont souvent concentrés sur les quotas et les parts réservés. « Ce qu’il faut vraiment », dit-elle, « c’est une approche nuancée qui s’attaque aux obstacles sous-jacents et interconnectés auxquels les femmes sont confrontées pour se faire élire et mener des campagnes réussies. Ces obstacles comprennent le système électoral majoritaire, le manque d’accès au financement, les réseaux professionnels plus faibles et les responsabilités extérieures qui rendent plus difficile l’acceptation de conditions de travail imprévisibles qui contribuent à exacerber un déséquilibre », renchérit-elle.
Pour surmonter ces obstacles structurels, Pooja Jhinni Awotar indique qu’il faudrait implémenter une stratégie globale de soutien aux femmes candidates. Car l’un des outils les plus puissants est l’argent. « Au-delà des contraintes financières, les femmes se heurtent à des obstacles sociaux et culturels importants qui les empêchent de participer à la vie politique. En particulier, des obligations de soins plus grandes, renforcées par la perception publique du rôle de la femme, compromettent gravement la capacité des femmes à se porter candidates à des fonctions publiques, » dit-elle. Et d’ajouter que les femmes assument en moyenne de plus grandes responsabilités en matière de soins et sont plus susceptibles d’être découragées de faire de la politique en raison de la difficulté de concilier une carrière politique et des engagements familiaux. « Garantir un accès plus équitable au pouvoir politique exige un effort multiforme pour s’attaquer aux facteurs individuels et systémiques. La représentation politique des femmes demeure un défi à multiples facettes. Aucune réforme ne pourra à elle seule éliminer les obstacles structurels de la sphère politique. Il faut corriger les préjugés à l’égard des électeurs, ce qui va augmenter les chances électorales des femmes », conclut-elle.
Deepshikha Parmessur (23 ans) : «Il faut former de manière égale les dirigeants de demain»
« Cette sous-représentation des femmes candidates est un manque de compréhension des partis politiques à reconnaître que certaines problématiques sociétales sont différemment traitées par les hommes et les femmes », indique Deepshikha Parmessur. Cette jeune diplômée en relations internationales a été la Première ministre pour le National Youth Parliament (NYP)2019. Selon elle, lorsqu’il y a une représentation adéquate des femmes au sein d’un gouvernement, cela permettra de répondre à toutes les préoccupations et à tous les problèmes des femmes mauriciennes, car celles-ci constituent environ 50 % de l’électorat à Maurice. « J’ai récemment participé au NYP où j’ai été élue Première ministre. Au début, on m’a demandé si je pouvais assumer ce rôle ou même si je serais capable de diriger un gouvernement ? Nous devons être honnêtes. Ces mêmes questions ne seraient jamais posées à un homme. »
« Toutefois », dit-elle, « ce sont mes capacités à faire le travail qui se sont révélées, lorsqu’ensemble avec les jeunes femmes de mon gouvernement pour le NYP, j’ai débattu avec succès une motion lors des sessions parlementaires en août dernier. Au-delà de cela, toutes les autres filles de mon gouvernement ont commencé à se présenter pour participer aux débats parlementaires sans craindre le jugement des autres. »
« Bien que le système éducatif mauricien se soit quelque peu amélioré, la parité entre les sexes n’existe toujours pas, car c’est la même chose qui nous est enseignée depuis des générations », renchérit Deepshikha Parmessur. « Les mots que nous utilisons pour un homme sont généralement forts, intelligents et francs, tandis que ceux utilisés pour une femme sont doux et dociles. Dès le début, nous utilisons un langage sexué, ce qui crée une hiérarchie parmi les enfants. En grandissant, de nombreuses jeunes filles croient qu’elles ne sont ni assez bonnes ni suffisamment qualifiées pour entreprendre une carrière en politique. » Et de conclure que ce faible engagement des femmes en politique découle d’une part d’un manque de soutien au sein de la communauté féminine et également de l’absence d’une éducation inclusive de qualité qui aidera à former de manière égale les dirigeants de demain, les hommes comme les femmes.
Déception
« Je suis très déçue que les dirigeants des principaux partis politiques n’aient pas aligné au moins une femme candidate dans chacune des 20 circonscriptions du pays pour les législatives 2019. Maurice a encore un bon bout de chemin à faire pour arriver à une meilleure représentation féminine au sein du gouvernement. Il faut que la société patriarcale dans laquelle nous vivons encourage davantage de femmes à faire de la politique. Cela tout en lui offrant des opportunités pour évoluer dans cette arène longtemps dominée par les hommes. C’est en ce faisant que les femmes pourront contribuer au développement du pays.» Anushka Virahsawmy, Genderlinks.
Teenah Jutton (33 ans) : «Femme-candidate, c’est contribué au développement du pays»
« Davantage de femmes doivent prendre part au dialogue politique, car c’est ce qui rendra le gouvernement plus démocratique et plus représentatif des femmes », fait ressortir Teenah Jutton (33 ans). Selon elle, cela donnerait aux femmes capables dans divers domaines, la possibilité de démontrer leurs capacités de leadership tout en ayant leur mot à dire sur les questions d’importance nationale et internationale. « Avec un meilleur pourcentage de femmes au Parlement qui sont actuellement en majorité à Maurice, elles auront voix au chapître dans la planification stratégique et la prise de décision pour le pays. La participation de plus de femmes dans la politique présentera ainsi de multiples avantages allant d’une perspective économique à une perspective sociale », soutient Teenah Jutton. Cette dernière sera à sa première participation aux législatives 2019, le 7 novembre prochain. Sous la bannière de l’Alliance Morisien, elle briguera les suffrages dans la circonscription No. 11, Vieux Grand-Port/ Rose-Belle. « Étant moi-même une jeune femme candidate, c’est un immense honneur et un privilège de pouvoir participer au changement. En posant ma candidature, j’espère inspirer d’autres femmes à intégrer la politique à l’avenir. »
Géraldine Secondis : «C’est encore compliqué pour une femme de faire de la politique»
« Malgré le fait que les femmes représentent un peu plus de 50 % de la population, il est triste de constater la faible participation des femmes dans cette joute électorale 2019 », indique Géraldine Secondis, une citoyenne engagée. Selon elle, c’est encore toujours compliqué pour une femme de se faire une place dans cette arène politique, trop longtemps dominée par la gent masculine. « Avec Women In Networking (WIN) et Women In Politics (WIP), nous avons milité longuement pour encourager les femmes à se faire connaître et à les encourager à faire de la politique. Même si certaines femmes sont encore réticentes à intégrer un parti politique, il est important de les encourager à ne pas avoir peur de s’engager au niveau de la politique », fait ressortir Géraldine Secondis. Et de dire comme il y a eu du changement au niveau du government local avec une représentativité de 30 %, elle ose espérer que dans un futur proche, les femmes auront plus d’opportunités et qu’elles seront mieux accueillies afin qu’elles puissent contribuer encore plus au développement de Maurice.
Hindavi Ramlochun (32 ans) : «Combien d’entre elles seront élues ?»
Âgée de 32 ans, Hindavi Ramlochun est Contract Analyst de profession. Elle estime que cette sous-représentation des femmes dans la politique à Maurice n’est pas seulement la faute des partis politiques. En fait, il s’agit d’une culpabilité partagée. « Nous vivons dans une société où la femme est toujours considérée comme celle qui effectue les tâches ménagères, met au monde des enfants et qui passe toute sa vie à les nourrir et à prendre soin de son mari », fait ressortir Hindavi Ramlochun. Cela tout en partageant son constat que politiquement, il n’y a pas eu d’initiatives prises pour changer cet état d’esprit. « Pour les législatives 2019, nous avons plus de candidates que nous avions auparavant. C’est, certes, un tremplin pour atteindre l’objectif d’une meilleure représentation féminine à l’avenir, mais combien d’entre elles seront élues ? » Pour Hindavi Ramlochun, ce sera déjà un miracle si toutes ces femmes candidates sont élues vu la manière dont la politique est structurée à Maurice. « Pour changer la donne, nous avons besoin de partis politiques prêts à prendre en compte les réalités des femmes candidates. Nous avons aussi besoin d’une société et d’un environnement médiatique moins axés sur ce que portent les candidates, mais plutôt sur ce qu’elles peuvent faire pour apporter leur contribution au développement du pays. Réveillez-vous, ayons nos propres Angela Merkel et Indira Gandhi », conclut-elle.
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