Interview

Thomas Guénolé, politologue : «Une taxe carbone favorisera l’industrie locale»

Thomas Guénolé Thomas Guénolé a animé une conférence sur les excès de la mondialisation, le 2 juin, à Maurice.

L’éditorialiste et auteur de ‘La Mondialisation Malheureuse’, Thomas Guénolé, a animé une conférence le vendredi 2 juin à l’hôtel Labourdonnais Waterfront. Le thème abordé : « Les excès de la mondialisation : quel autre système pour Maurice ? ». Dans cet entretien, il revient sur les pistes de réflexion abordées. Extraits.

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Qu’est-ce qui justifie l’introduction d’une taxe carbone sur les importations ?
À partir du moment que l’on décide que la politique économique de Maurice est de devenir le numéro un mondial de la transition écologique,  il faut forcément appliquer une taxe carbone sur les importations. Plus le produit issu de l’étranger a pollué au moment de sa production et de son transport, plus la taxe sera élevée à son entrée sur le territoire mauricien.

Maurice est une économie reposant sur la consommation intérieure. Avec cette mesure, toute l’industrie locale peine à rester attrayante sur le marché, avec l’entrée de produits étrangers ne respectant pas ces mêmes normes. Vu que l’équilibre est rétabli, Maurice pourra se permettre des hausses salariales et fixer le salaire minimum à Rs 10 000 dans le secteur privé.

Comment utiliser l’argent de cette taxe ?
L’argent venant de la taxe carbone pourrait être utilisé pour créer des choses dont le pays semble avoir besoin : un système d’allocations familiales progressives en fonction du nombre d’enfants. Manifestement, il y a un manque de vitalité géographique au niveau du renouvellement. Les allocations familiales semblent être la réforme la plus évidente. Cela a un coût. Il faut donc une source de revenus qui pourrait être la taxe carbone.

Cette vision ne prendra-t-elle pas trop de temps pour s’enraciner dans les habitudes locales ?
C’est une politique de transition écologique complète. Pour qu’une politique économique soit adoptée par les mentalités, il importe d’avoir un plan adopté par le gouvernement et l’Assemblée nationale. Il y a eu des débats clairs et nets durant un an.

Comme ce plan s’étalera sur dix à quinze ans, cela deviendra un élément du décor de vie de n’importe quel Mauricien. Tout le monde est au courant. De plus en plus de gens sont affectés dans leur vie quotidienne : travail ou conditions de travail ; qualité de l’alimentation ; allocations familiales et hausse du salaire minimum. Tout cela sera rendu possible par la politique de protection écologique.

Maurice dépend de l’importation des produits pétroliers pour assurer la fourniture énergétique. Où est la logique quand on affirme réduire cette dépendance à zéro ?
On ne peut ramener tout de suite le taux de dépendance de 85 % à zéro. Il faut être clair. Seul un fou peut affirmer y parvenir en un an. En revanche, il est possible d’atteindre cet objectif politique, fixé graduellement sur la période de dix ans à quinze ans. Si le pays se donnait pour objectif d’interdire les voitures à essence et de passer à des véhicules électriques ou au biocarburant, c’est faisable. En matière d’électricité, on passe à un développement massif en énergie solaire, marine et à partir de la biomasse.

Quand on ajoute tout cela, on peut imaginer une production de 100 % d’énergies renouvelables au quotidien. Rome ne s’est pas bâtie en un jour. La transition énergétique ne se fera pas en un jour.

La population de Maurice s’élève à 1,3 million d’âmes. Le produit intérieur brut s’élevait à USD 13 Md. Comment ce petit pays pourra-t-il devenir un modèle et leader dans la transformation écologique ?
Si Maurice est le premier pays à passer à la transition écologique totale ou quasiment totale, ce modèle sera étudié à travers le monde. Quand un étudiant fait son exposé sur le développement durable, il évoquera Maurice. Les économistes planchant sur la transition écologique viendront au pays pour étudier notre modèle. (…) En termes de rayonnement et de visibilité, nous sommes sur quelque chose d’extraordinaire. Maurice deviendrait la première puissance écologique mondiale.

Donc, nul besoin de copier les modèles de Singapour ou des États européens ?
Quand un gouvernement affirme qu’il faut copier un autre pays, cela veut dire que « nous ne méritons pas de faire confiance à nous-mêmes pour inventer notre propre voie ». Le peuple mauricien a sa spécificité, sa culture, ses valeurs, ses qualités et ses défauts. Par définition, il faut construire un chemin qui soit le vôtre et non procéder à un mauvais copier-coller approximatif.

 

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