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Textile : la CMT veut délocaliser malgré des profits de Rs 908,9 M sur 2 ans 

cmt L'éventuelle délocalisation de la CMT et la suppression de 5 000 emplois ne laisse personne insensible.

Après avoir remercié 120 personnes en 2018, la Compagnie mauricienne de Textile (CMT) envisage de licencier 5 000 Mauriciens en moins de trois ans et de concentrer davantage ses activités à Madagascar et au Bangladesh. Une annonce qui ne laisse pas insensible. 

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Une onde de choc. Tel a été l’effet de l’annonce de la CMT quand elle a signifié son intention de se délocaliser et de supprimer des emplois. Cette annonce ne laisse pas insensible dans le secteur, mais elle ne surprend pas non plus. « Je ne suis pas surpris! C’est difficile de survivre en tant qu’opérateur de textile », commente Emmanuel Tsang Mang Kin, CEO de Tamak Textile. Surtout, poursuit-il, que le coût de la main-d’œuvre ne cesse d’augmenter et que les opérateurs doivent faire face à la compétition mondiale. 

Ajay Beedasee, un des porte-paroles de la Textile and Apparel Manufacturers Association, abonde dans le même sens. « Le coût de la main-d’œuvre est trop cher, surtout que nous évoluons dans un monde très compétitif », soutient-il. Ajay Beedasee craint que d’autres usines ne se délocalisent comme l’envisage la CMT. « Si une grosse boîte comme la CMT s’en va parce qu’elle ne peut subir les coûts, imaginez-vous ce que vivent les petites et moyennes entreprises dans le secteur. D’ailleurs, rien que l’an dernier, je connais six à sept usines qui ont fermé leurs portes. D’autres PME risquent de mettre la clé sous le paillasson cette année. Par ailleurs, je crains fort que d’autres usines n'opteront pour la délocalisation », avance-t-il. 

Pour l’industriel François de Grivel, l’éventuel départ de la CMT et la suppression de  5 000 emplois est une annonce « sévère pour l’économie mauricienne. » « J’espère que la CMT va réfléchir plus longtemps avant de prendre une telle décision. Ce qui est certain ce qu’elle a déjà pris des dispositions pour s’installer et produire dans d’autres pays », souligne notre interlocuteur. Kendall Tang, directeur de RT Knits y va également de ses commentaires : « Chacun a sa stratégie. RT Knits a fait le choix de rester à Maurice et de continuer à investir et à développer le pays. Évidemment, je souhaiterai que la CMT reste à Maurice. C’est en tout cas dommage pour le pays car nous avons besoin d’un secteur qui reste fort », avance Kendall Tang.

Pour plusieurs opérateurs, cette annonce est une piqûre de rappel pour que les autorités viennent de l’avant avec des mesures. « Il faut des mesures appropriées », recommande Ajay Beedasee. « Il faudrait que le gouvernement vienne de l’avant avec des solutions car la liste des entreprises en difficulté ne cesse de s’allonger », conseille, pour sa part, Emmanuel Tsang Mang Kin.

La performance financière de la CMT 

De 2016 à 2017, la CMT a engrangé des profits de Rs 908,9 millions. On note aussi que si son chiffre d’affaires est en hausse, sa profitabilité est en baisse. 

  2017 2016
Chiffre d’affaires  Rs 5,93 milliards  Rs 5,81 milliards 
Profit avant impôt Rs 196,3 millions Rs 712,6 millions 
Profit distribué aux actionnaires  Rs 79 millions  Rs 564,8 millions 
Actifs totaux  Rs 11,39 milliards  Rs 11,33 milliards 
Source : Top 100 Companies 2018

EN CHIFFRES

10 000. C’est le nombre d’employés que compte la CMT à Maurice. Elle compte également      7 500 employés au Bangladesh et 2 500 ouvriers à Madagascar.

120 employés de plus de 60 ans avaient été remerciés par la CMT l’an dernier. 

22. C’est le nombre de sites de production que compte l’usine à Maurice, Madagascar et Bangladesh.

Faizal Ali Beegun (représentant des employés de la CMT) : «Les employés seront bouleversés» 

Depuis qu’il a entendu l’annonce de la CMT, Faizal Ali Beegun, syndicaliste et représentant des employés de la CMT, ne cache pas son inquiétude. « L’an dernier quand il avait des rumeurs que 800 personnes allaient perdre leur emploi à la CMT, tous les employés étaient bouleversés. Une crainte qui ne s’est pas dissipée surtout que                         120 employés ont perdu leur emploi l’an dernier et qu’une des unités de l’usine a fermé ses portes », avance notre interlocuteur. Pour le syndicaliste, « la peur a toujours été là. »        « Cette annonce va bouleverser et stresser les employés. Or, un bon nombre d’entre eux ont 20 à 30 ans de service. Certains ont même plus de 60 ans et doivent toujours travailler car leur pension ne suffit pas. Il faut que le gouvernement réagisse pour sauver l’emploi de ces Mauriciens », recommande Faizal Ali Beegun.

Une annonce qui embarrasse

L’annonce de la CMT sur son éventuel délocalisation et la suppression de 5 000 emplois embarrassent. Surtout qu’elle a été faite lors de la visite du président du Mozambique, Felipe Jacinto Nyusi, au sein de l’usine le jeudi 31 janvier. « Ce n’est pas la première fois que la CMT fait de telles menaces. L’on se demande si la situation est aussi chaotique que l’on voudrait le faire croire. D’ailleurs, depuis la crise économique, l’industrie du textile a bénéficié de plusieurs incitations fiscales sans parler d’une politique monétaire accommodante pour aider les opérateurs à se restructurer et éponger leurs dettes », soutient-on dans les milieux du gouvernement. 

François Woo : «Le pays ne croit plus au textile»

« Si le pays ne croit plus au textile, comment pouvons-nous y croire ? ». C’est ce qu’a déclaré François Woo le jeudi 31 janvier. Il a aussi annoncé que la direction de la CMT est « en discussion avec les autorités ». « Si nous ne faisons pas attention, le bâtiment risque d’être vide », soutient-il. Il a aussi déclare que la CMT pourrait se retrouver au Mozambique d’ici quelques années « car ce pays possède de la main-d’œuvre, de l’énergie et de l’espace », alors qu’à Madagascar « le gouvernement offre plus de facilités. »

 

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