Economie

Taux de croissance : indicateur de bien-être ?

Taux de croissance À Maurice, le débat économique est souvent axé sur le taux de croissance et les différents protagonistes arrivent difficilement à se mettre d’accord sur le taux réel.
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Le taux de croissance revient dans l’actualité après la sortie virulente de l'ex-ministre des Affaires étrangères, Vishnu Lutchmeenaraidoo, sur le sujet. Maurice veut devenir un pays à haut revenu et pour y arriver, il faut absolument que le taux de croissance augmente drastiquement. Mais le PIB est-il un parfait indicateur de bien-être et de progrès social?

Le Produit Intérieur Brut (PIB) mesure la performance économique d’un pays et le taux de croissance, généralement exprimé en pourcentage et son évolution d’une période à l’autre.  Alors que le PIB mesure la valeur de tous les biens et services produits dans un pays sur une année, il ne donne aucune indication sur comment les revenus ou la richesse sont répartis dans la population ni sur d’autres aspects importants de la qualité de la vie, tels que la santé, l’éducation, l’environnement, le logement, la sécurité ou encore le social, la qualité de l’emploi ou le temps libre.

À Maurice, le débat économique est souvent axé sur le taux de croissance et les différents protagonistes arrivent difficilement à se mettre d’accord sur le taux réel. Pourtant, une infime augmentation ou baisse de la croissance, souvent en fraction de pourcentage, ne dit rien sur l’état de l’économie.

Le PIB ne fait que mesurer l'ensemble des transactions réalisées au cours d'une période donnée.

Taux de croissance

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L'économiste Zohra Gunglee explique que le PIB est souvent pris,
à tort, pour la richesse nationale.

Mais pourquoi le taux de croissance n’est-il pas un bon indicateur de bien-être ? L’économiste Zohra Gunglee explique que le PIB ne fait que mesurer l’ensemble des transactions réalisées au cours d’une période donnée, mais ne divulgue rien sur la répartition des ressources économiques. « Le PIB ne comptabilise pas certaines activités qui contribuent pourtant au bien-être matériel de la population, par exemple, le travail bénévole, le travail domestique, etc. Il y a aussi certains coûts qui peuvent gonfler le PIB, mais cela n’équivaut pas au progrès, par exemple, les dépenses liées  à lutter contre la pollution, la criminalité ou le combat contre la drogue. » Elle ajoute que le PIB est souvent pris, à tort, pour la richesse nationale. « Le PIB, c’est l’argent dépensé pendant une année, alors que la richesse nationale, c’est la valeur de nos actifs. »

Les acteurs économiques mondiaux ont essayé de trouver des indicateurs alternatifs pour mesurer le bien-être des populations. Le World Economic Forum (WEF) a proposé un nouveau indicateur, l’‘Inclusive Development Index’ qui prend en compte, outre la croissance, plusieurs paramètres comme la pauvreté, l’espérance  de vie, la dette publique, le revenu médian, l’inégalité de richesse, l'épuisement des ressources naturelles et les dommages causés par la pollution. Plusieurs indices mesurent le bien-être de la population d’un pays. Par exemple, Maurice se classe 57e sur 156 pays dans le World Happiness Report 2019, devançant même des pays comme le Japon.  Dans le Human Development Index 2018, Maurice occupe la 65e position, sur un total de 189 pays.

Ce que le PIB ne révèle pas

Le PIB ou le taux de croissance ne vont pas révéler les inégalités dans la distribution de richesse. Le PIB par tête d’habitant ne donnera pas non plus une idée précise du bien-être des gens s’il y a une grande disparité entre les plus riches et les pus pauvres.

L’indicateur ne reflète pas également les inégalités ou discriminations, par exemple le fait que seulement 50 pour cent de la population soit sujet à la taxe municipale. Une augmentation des activités économiques entraîne une expansion du PIB et la croissance, mais ne révèle pas l’augmentation des externalités, comme la pollution. Par exemple, l’expansion de la flotte automobile, de 366 520 en 2009 à 556 000 en 2018 démontre une prospérité accrue de la population, mais en même temps le nombre d’accidents a augmenté par plus de 10 000 et la congestion routière rallonge le temps des trajets, causant un stress additionnel aux travailleurs.  Une plus grande consommation entraîne la production d’un volume additionnel de déchets, dont la gestion coûte cher, mais qui s’ajoute au PIB !


Le bien-être

L’économiste britannique Cecil Pigou est souvent considéré comme le pionnier de l’économie du bien-être. Il argue que le bien-être de la société est exclusivement défini à partir du bien-être de chacun des individus. Mais c’est l’économiste indien Amartya Sen, qui a reçu le prix Nobel, en 1998, qui a vraiment donné sa place à l’économie du bien-être. Il avait dit que les États doivent réguler l'économie en fonction du bien-être et de la liberté des populations. Selon lui, les indicateurs de production ou de consommation de marchandises ne disent pas grand-chose de la liberté et du bien-être. Amartya Sen et ses théories sont peu connus auprès de nos politiciens, qui plutôt, parlent souvent du plan Marshall pour combattre la pauvreté. Or, le plan Marshall, c’était pour la reconstruction après la Guerre mondiale.


Le Welfare State

Amartya Sen se réjouira d’apprendre que le ‘Welfare State’ est bien ancré dans nos mœurs. Outre la gratuité de l’éducation, la santé et les allocations sociales, l’État mauricien subventionne aussi le riz, la farine et le gaz ménager. Ces subsides coûtent environ Rs 800 millions annuellement. Le transport gratuit aux étudiants et personnes âgées coûte environ Rs 1,3 milliard annuellement. Au niveau du logement, le gouvernement débourse Rs 100 millions pour subventionner les dalles. L’État subventionne aussi les sociétés religieuses et culturelles.

 

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