Le contexte électoral risque de tuer dans l’œuf la réforme du système de retraite suggérée par le FMI. L’enjeu est cependant d’une portée nationale avec le défi démographique.
Publicité
Le Fonds monétaire international (FMI) met Maurice en garde contre les coûts des pensions qui devraient continuer à se faire sentir sur les dépenses globales du pays. Le rapport de l’institution dans le cadre de l’Article IV sur Maurice indique que les prestations versées pour l’année 2022/23 sont d’environ 7 % du Produit Intérieur Brut (PIB). Les cotisations sont estimées à environ 2 %. Les données publiées par Statistics Mauritius donnent raison au FMI. En effet, ils étaient 266 402 pensionnés à avoir touché le Basic Retirement Pension (BRP) en avril dernier contre 256 226 lors de la période correspondante de l’année dernière et 264 601 en janvier 2024, selon les chiffres de Statistics Mauritius.
Radhakrishna Sadien, président de la State Employees’ Federation, fait observer que le vieillissement de la population à Maurice ne date pas d’hier. Les derniers rapports qui ont été effectués, que ce soit par les actuaires ou le FMI, démontrent que le ratio des contribuables et des pensionnaires est disproportionné. C’est en somme l’une des raisons avancées par le FMI pour souligner la nécessité de réformer le système de retraite à Maurice.
L’économiste Manisha Dookhony ajoute que le système de retraite du pays n’est pas soutenable dans le long terme. Une révision s’impose, selon elle, car la CSG finance directement le budget pour la pension. « Il faut une réflexion pour venir de l’avant avec un fonds pour le long terme. Le FMI a raison de suggérer une réforme. Maurice a besoin de consultants, pourquoi pas du FMI, pour une analyse détaillée de ce qui est approprié pour Maurice en termes de réforme et la meilleure façon de financer cela », poursuit l’économiste. Le Budget 2024-25 est-il opportun pour résoudre cette problématique ?
Un actuaire du privé craint que les chances que le ministre des Finances applique ce que dit le FMI concernant la réforme du système de pension soient infimes, voire inexistantes. Selon lui, la pression populaire est trop grande. « Le gouvernement a ignoré les recommandations de l’institution durant les dernières années. Pourquoi les prendra-t-il en considération maintenant ? Avec les élections en ligne de mire, ce serait se tirer une balle dans les pieds pour le gouvernement de froisser les aînés », argue-t-il.
Les pensionnés représentant un électorat non-négligeable, Manisha Dookhony est d’avis que le gouvernement ne touchera pas au système de retraite cette année. Pour l’heure, avance-t-elle, chaque gouvernement renvoie la balle dans le camp de leur successeur pour une éventuelle réforme. « Il faudra néanmoins que cette réforme se fasse tôt ou tard. Bien qu’étant impopulaire, une réforme de notre système de retraite est un mal nécessaire pour le pays. D’un point de vue économique, c’est une problématique qui doit être adressée », souligne l’économiste.
Pension de retraite
Face aux mesures phares annoncées par l’Alliance de l’Opposition, toutes les attentes sont permises pour le Budget 2024-25 dont certains estiment sera une réponse à l’Opposition. Dans cette optique, les bruits d’une nouvelle révision de la Basic Retirement Pension (BRP) face au coût de la vie vont bon train. L’indice des prix à la consommation pour avril 2024 était de 103,2, selon Statistics Mauritius. Les prix des biens et services ont augmenté de 3,2 % par rapport à la période de base de janvier à décembre 2023. L’actuaire du privé concède qu’en dépit de la hausse du salaire minimum, le montant actuel n’est guère suffisant face à la cherté de la vie. Il propose de ce fait de soutenir ceux qui sont au bas de l’échelle.
Néanmoins, met-il en garde, une nouvelle augmentation universelle de la pension et une hausse unilatérale des salaires auront des conséquences économiques. « Le gouvernement va-t-il utiliser la même ruse en dévaluant la roupie et en créant l’inflation pour financer une nouvelle hausse ? Toute augmentation artificielle de la BRP n’aide pas les plus démunis, car les prix vont grimper par l’inflation, la taxe et les bénéfices des grandes sociétés. Le ciblage n’est certes pas une mesure populaire, mais elle peut être efficace », argumente l’actuaire.
Pour sa part, Manisha Dookhony écarte la possibilité qu’une mesure concernant une hausse de la BRP soit renfermée dans le Budget 2024-25. Pour cause, explique-t-elle, le gouvernement ne pourra se permettre une telle révision, ayant d’autres dépenses qui sont en cours.
L’âge de la retraite fait débat
À Maurice, l’âge de la retraite est à 65 ans. Ceux qui ont 60 ans perçoivent néanmoins la pension de vieillesse. Faut-il abaisser l’âge à 55 ans ? L’actuaire du privé est d’avis qu’il serait irresponsable de baisser l’âge de la retraite et d’aller à l’encontre de ce que propose le FMI. L’institution suggère de réformer la pension à Maurice, notamment par l’entremise d’un relèvement progressif de l’âge d’éligibilité à la pension de retraite de base (BRP) de 60 à 65 ans. Le rapport du FMI dans le cadre des consultations pour l’Article IV indique qu’une telle mesure représente une économie potentielle d’environ 1,4 % du Produit Intérieur Brut (PIB) de Maurice. Cela permet également de cibler les prestations sur les personnes âgées les plus vulnérables.
« Rabaisser l’âge de la retraite sera un signal insensé. Cela signifierait que ceux qui souhaitent poursuivre leur travail au-delà de l’âge révisé de la retraite vont bénéficier de leur salaire et d’un montant supplémentaire sous forme de pension. Et pour ceux qui choisiraient de prendre leur retraite, cela aura un impact sur la productivité », insiste l’actuaire.
De son côté, Radhakrishna Sadien évoque l’importance d’avoir plus de travailleurs. De nombreux Mauriciens, fait-il remarquer, optent pour un emploi à l’étranger. « Il faudrait instaurer les conditions nécessaires pour que ces derniers restent dans le pays. Les étrangers qui viennent travailler sur le sol mauricien ne sont pas dans le plan de pension. La pension est un fonds renouvelable », préconise le président de la State Employees’ Federation.
Questions à…Kevin Ramkaloan, CEO de Business Mauritius : «Toute allocation additionnelle devrait être ciblée»
Le bruit court que l’âge de la retraite sera ramené à 55 ans. Quel pourrait être l’impact d’une telle mesure si elle s’avère ?
Il faut savoir qu’à l’international, la tendance est plutôt vers la hausse de l’âge de la retraite. Selon les observations récemment faites par l’Organisation Internationale du Travail (OIT) et l’OCDE, il est même prévu que l’âge de la retraite, de manière globale, augmente par au moins deux ans jusqu’en 2060, et cela, suivant le vieillissement de la population mondiale. Cependant, il est aussi compris que certains secteurs spécifiques, tels que ceux où le travail physique est le plus sollicité, demandent une révision différente de l’âge de la retraite. Pour Maurice, il sera important de s’assurer qu’une telle décision soit prise après consultations et analyses d’éléments économiques ainsi que sociales.
Certains s’attendent à ce que la pension de retraite soit de nouveau révisée à la hausse. Est-ce une nécessité pour permettre aux aînés de faire face au coût de la vie ?
La dernière augmentation dans la pension de vieillesse à Maurice s’est faite cette année, et cela presque en parallèle avec l’augmentation du revenu minimum garanti. Afin que nous puissions continuer à soutenir notre économie à long terme, et avec elle les protections sociales, il sera important d’équilibrer les impacts sur la dette publique. À mon avis, toute allocation additionnelle devrait être ciblée et pas nécessairement à travers la pension universelle qui est, rappelons-le, payée à partir de 60 ans pour une personne faisant toujours partie de la population active.
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !