Le Premier ministre et ministre des Finances, Pravind Jugnauth, devrait tenir un discours qui insufflera un nouveau dynamisme dans notre économie, selon l’économiste Swadicq Nuthay. Il est d’avis que l’accent doit être mis sur la concrétisation des réformes et la création d’une espace favorable à l’investissement traditionnel et international.
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Le taux de croissance fait débat en prélude à la présentation du Budget 2017-2018. Sommes-nous sur la bonne voie ?
En 2017, l’expansion économique est estimée entre 3,8 % et 4 %. Dans son dernier Budget, Pravind Jugnauth a fait mention d’une croissance de 4 % en 2016-2017. Ce n’est guère une tâche facile que celle de dépasser les 4 % de croissance. Mais ce n’est pas impossible, non plus. Afin d’atteindre ce palier, nous devons nous donner les moyens. Nous devons secouer l’arbre, prendre des mesures encore plus innovantes et assurer la relance, une bonne fois pour toute, de l’économie. La facilitation des affaires a un rôle important, d’où la nécessité d’une mise à exécution rapide de la Business Facilitation (Miscellaneous Provisions) Act, récemment adoptée à l’Assemblée nationale.
La priorité du Budget doit-elle être l’économie, le social ou un mélange des deux ?
Pour l’année 2017-2018, Pravind Jugnauth est appelé à se concentrer sur la relance et insuffler un nouveau dynamisme à l’économie. Cela doit être sa priorité. Il est nécessaire que le gouvernement vienne de l’avant avec des réformes concrètes – sans effet d’annonce – pour assainir l’administration publique. Par exemple, on n’a rien entendu sur le regroupement des entités œuvrant pour les entreprises produisant pour l’exportation que sont Enterprise Mauritius et la Small and Medium Enterprises Development Authority. En sus du volet institutionnel, on devrait s’attaquer aux chantiers que représentent les réformes structurelles et sectorielles, qui feront de notre pays une économie plus performante grâce à une meilleure allocation des ressources.
Vous faites mention de réformes. Par où devrait-on commencer ?
Aujourd’hui, le pays dispose d’un excédant d’organismes qui octroient des licences. Trop de départements fonctionnement en isolation. On devrait avoir un système centralisé pour s’occuper de tout l’aspect de permis et licences. L’investisseur et/ou ses représentants ne doivent plus courir du Conseil de District et de la municipalité à la Tourism Authority, etc. À l’exception des services financiers, le Budget devrait allouer davantage de fonds afin d’accélérer le processus d’E-licensing centralisé. Ce faisant, les organismes d’État seront obligés de s’y adhérer.
L’accent est mis sur davantage d’investissements venant du secteur privé. Quelle est votre analyse sur la question ?
Maurice ne peut vivre en isolation. Afin de parvenir à un pays à statut de revenus élevés, nous avons besoin d'une croissance économique beaucoup plus importante et un taux d'investissement aux alentours de 25 % du Produit intérieur brut. D’une part, nous avons les investisseurs traditionnels. D’autre part, nous retrouvons les sociétés étrangères qui cherchent un environnement propice pour placer leur argent dans des projets pouvant créer de la valeur ajoutée.
Quel pourrait être l’apport de l’Afrique dans notre expansion économique ?
À quatre heures de vol, on pourrait atterrir en Afrique, un continent assoiffé de projets. Notre économie a un rôle important à jouer en tant que porte d’entrée vers le continent et permettant aux investisseurs d’accéder aux espaces d’échanges commerciaux que représentent la Southern African Development Community et le Common Market for Eastern and Southern Africa. Sur ce plan, si nous – gouvernement et opérateurs privés – jouons pleinement cette carte grâce à une stratégie africaine effective, on pourrait récolter les fruits dès le moyen terme. La Chine a lancé l’initiative One Belt One Road. Notre économie peut se faire belle et attirer les riches investisseurs potentiels de l’Asie.
En 2016, les maîtres-mots ont été rigueur fiscale et discipline, surtout dans un contexte où l’endettement franchit de nouveaux paliers chaque mois. Peut-on occulter ce fait afin de faire la part belle au développement ?
La rigueur budgétaire est toujours de mise tenant compte des derniers développements en provenance de l’Inde. La ligne de crédit de 500 millions de dollars (Rs 17 milliards) octroyée nous rapproche d’un niveau d’endettement direct et indirect, qui sera très élevé. Déjà, quand on prend en considération la méthodologie la plus couramment utilisée par les institutions internationales, on s’approche dangereusement du seuil des 70 % par rapport au Produit intérieur brut. Des spécialistes en finances publiques tirent déjà la sonnette d’alarme, arguant que pour une petite économie comme Maurice, la barre des 60 % est à ne pas franchir.
Et qu’en est-il du déficit budgétaire ?
Le déficit est la différence entre ce que l’État obtient sous forme de revenus et subventions et les dépenses. Or, à chaque fois, on assiste à des dépenses trop élevées par tout gouvernement. Dans la durée, ce sera très difficile de financer ce déficit, car la taxe a ses limites pour faire rentrer de l'argent dans les caisses de l'État sans impacter sur la croissance !
Cela nous ramène à l’ouverture de l’économie. Est-ce un mal pour un bien ?
C’est un mal nécessaire. Nous n’avons pas de choix. Comme j’en ai fait mention au début, Maurice ne peut pas fonctionner sans s’ouvrir au monde. Maurice est une économie orientée vers l’exportation. Nos sous-sols ne disposent pas de grandes ressources, d’où la dépendance élevée sur l’étranger. Aujourd’hui, il a été prouvé que le progrès dans une petite économie comme la nôtre ne peut pas exister sans qu’on sollicite les compétences et investissements étrangers. Maurice doit développer davantage ses secteurs des services ayant un fort potentiel de croissance. Ce sont les services financiers, les technologies de l’information et de la communication et l’économie bleue. Or, nous ne disposons pas de l’écosystème nécessaire pour devenir un centre d’excellence régional dans ces industries. Le développement de ces secteurs ne se fera qu’avec la contribution de l’expertise internationale. D’ailleurs, l’apport de ces personnes pourra contribuer à l’émergence d’une culture de recherche et de développement, comme cela se fait dans les grandes économies et les pays émergents.
Est-ce que cela signifie que Maurice fait face à un sérieux problème d’inadéquation grandissante des compétences ? Comment résoudre cette équation ?
Le pays a accumulé du retard dans la formation planifiée pour répondre à la demande dans tous les secteurs de l’économie. Nous ne produisons pas suffisamment de compétences pour intégrer le monde du travail. Ce pont entre l'université et le monde du travail est plus que jamais une nécessité. Nous devons nous inspirer du modèle français, par exemple.
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