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Surenchère politique : entre «labous dou» et réalités économiques

Ashok Subron, Manisha Dookhony et Pierre Dinan.

Un phénomène croissant suscite des inquiétudes dans le paysage politique : la surenchère. Si la rivalité entre les partis politiques atteint des sommets, les annonces, principalement issues du camp majoritaire, sont perçues comme une opération de séduction électorale, qualifiée de « labous dou » par l'opposition et divers observateurs politiques. 

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Lors d'une cérémonie de Noël tenue dimanche dernier, le Premier ministre Pravind Jugnauth a annoncé son intention de continuer à faire des « cadeaux » à la population en prévision des élections générales de 2024 : « Mo mem per Nwel », dira-t-il. Cette approche, bien que teintée de légèreté apparente, soulève des interrogations sur la nature des annonces politiques, les détracteurs suggérant qu'elles visent davantage à gagner la faveur du public qu'à répondre véritablement aux besoins pressants de la population. 

Les récentes annonces de mesures en faveur des salariés, comprenant la compensation salariale de Rs 2000, les bonus de fin d'année sur les allocations sociales, et la promesse d'un rapport sur la relativité salariale par le ministre du Travail, Soodesh Callichurn, suscitent des réactions contrastées et sont aujourd'hui perçues comme « une politisation » de la question. 

Divers acteurs politiques, dont Ashok Subron, expriment leur consternation face à la façon dont les droits fondamentaux des travailleurs sont désormais au cœur d'une stratégie politique. Il souligne que le combat pour le salaire minimal « remonte à 1936 et relève d'une lutte historique. Il est aujourd'hui réduit à une simple manœuvre électorale ». Ce qui le pousse à dire : « Nous sommes clairement en plein processus électoral. Ce qui est regrettable, c'est que les droits des travailleurs et les droits sociaux sont désormais à la merci d'une stratégie électorale ». 

Axant son attention sur des positions à long terme, visant véritablement à faire progresser les droits des travailleurs et des plus vulnérables, Ashok Subron affirme que Rezistans ek Alternativ propose de substituer le salaire minimum national par un salaire vital national ajusté en fonction du coût de la vie. En ce qui concerne les pensions de vieillesse, le parti de gauche plaide pour leur intégration en tant que droits inscrits dans la Constitution. « C’est l'approche de Rezistans ek Alternativ, que nous suggérons aux partis politiques d'adopter afin de ne pas devenir, eux aussi, vulnérables aux stratégies politiques qui sont en cours ». 

« L’électeur, le dindon de la farce » 

L'exploitation des célébrations de fin d'année avec le slogan « labous dou », selon certains observateurs sociaux et économiques, indique que le gouvernement utilise des incitations électorales plutôt que des actions fondées sur une planification stratégique à long terme. « Nous vivons actuellement une situation où les hommes politiques veulent remporter des victoires, et ce, aux dépens de l’électeur. Le grand malheur réside dans le fait que l'électeur devient le dindon de la farce. En échange de quelques promesses, tout est accepté sans évaluer les effets à court, moyen et long termes. Nous sommes dans une situation comparable à celle du fameux roi français qui a formulé l'expression ‘Après moi le déluge’ », soutient l’économiste Pierre Dinan. Ce dernier ajoute que la gouvernance implique la prise en compte de tous les aspects, en se projetant sur le long terme. « Tout comme un parent ne peut pas donner tout immédiatement à un enfant, l'électeur, malgré son désir d'obtenir tout immédiatement, doit comprendre que cela peut dépasser les moyens disponibles en raison de la richesse nationale limitée », dit-il encore. 

Commentant, par ailleurs, la publication prochaine du rapport sur la relativité salariale, Pierre Dinan souligne que lorsque les coûts d'une industrie augmentent, il est essentiel de se demander si cette industrie est suffisamment productive pour améliorer son efficacité. « Cette question revêt une importance particulière pour les industries axées sur l'exportation, car pour rester compétitives, il est crucial de prendre en compte la concurrence avec des pays moins développés, comme Madagascar. L'augmentation des coûts de main-d'œuvre peut être envisagée, mais elle doit être conditionnée par une amélioration concomitante de la productivité », fait-il part. 

Pierre Dinan est d’avis que la relation entre la hauteur des salaires et la productivité des travailleurs est au cœur du problème. « Il est impératif que l'augmentation des salaires s'accompagne d'une augmentation proportionnelle de la productivité. Un exemple concret de cette dynamique est la présence importante de travailleurs malgaches à Maurice en raison des salaires relativement élevés », fait-il ressortir. 

L'économiste Manisha Dookhony examine, quant à elle, cette question centrale de manœuvres électorales sous deux perspectives distinctes. Tout d'abord, elle souligne que le public apprécie les ajustements salariaux et les compensations salariales. « Bien que l'inflation soit passée à 7 % et a, de ce fait, connu une baisse, les prix restent élevés. Ainsi, pour les Mauriciens, ces ajustements salariaux ont une portée positive en compensant la perte de pouvoir d'achat. Même les syndicalistes ne s'attendaient pas à une hausse aussi significative », déclare-t-elle. 

En examinant la question sous un autre angle, notre interlocutrice avance que pour les employeurs, la situation est difficile. « À l'exception des secteurs de l'informatique, du fin tech et financier, habitués à verser des salaires importants à leurs employés, d'autres secteurs ne peuvent se permettre de telles largesses », affirme-t-elle. Par exemple, ajoute-t-elle dans le secteur textile, la croissance cette année est inférieure à 1 %, et le secteur manufacturier éprouve des difficultés à exporter vers l'Europe. D'autre part, elle fait ressortir que les PME, qui emploient une grande majorité de Mauriciens, font face à une hausse directe des coûts de production. Les coûts de production étaient déjà très élevés pour les PME, le financement des augmentations salariales devient difficile pour eux, dit-elle. 

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