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Suicide : tous les cris les S.O.S…

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Selon l’Organisation mondiale de la santé, Maurice se trouve en dessous du taux mondial concernant le suicide. Le pays prend la 62e place sur 180 pays. Pourtant, les chiffres officiels démontrent que le nombre de cas a augmenté. Qu’est-ce qui pousse une personne à passer à l’acte ? Comment prévenir le suicide ? Tour d’horizon.

C’était un 11 septembre. V., 36 ans, publie un simple message sur sa page Facebook : « Goodbye ». Ensuite, elle avale des comprimés, 70 au total. « C’était un vrai mélange de tous les médicaments qu’il y avait à la maison », confie-t-elle.

Une fois les cachets dans son corps, c’est le trou noir. « À mon réveil, j’étais dans un état groggy dans la chambre d’une clinique. » 

Pourquoi ce geste ? V. raconte qu’à cette époque, rien n’allait plus, elle voyait tout en noir. Et elle n’avait plus qu’une envie, celle d’en finir, une fois pour toutes, avec la vie. Bien qu’étant entourée, elle ne voyait, ce jour-là, aucune autre issue à sa détresse ni personne vers qui se tourner pour l’épauler. « Je m’étais renfermée », dit-elle.

Aujourd’hui, une dizaine d’années après, V. se réjouit que sa tentative de suicide n’ait pas abouti. « En y pensant, je frissonne encore. Je suis heureuse d’avoir pu être sauvée. » Depuis, mère de deux enfants, la trentenaire explique que le fait d’ouvrir les yeux chaque matin est une chance de mieux faire et de corriger ses erreurs.

Elle a bénéficié d’un suivi psychologique qui lui a permis de remonter la pente. Il y a aussi l’angoisse éprouvée par son entourage qui fait qu’aujourd’hui elle regrette son geste et n’a plus envie de recommencer malgré les aléas de la vie. « J’ai réalisé que malgré les coups durs, la vie vaut la peine d’être vécue. J’ai aussi pris conscience que rien dans ce monde n’est facile. » 

« J’étais une femme battue »

« J’ai quitté mon mari pour ne pas atterrir à l’hôpital psychiatrique. » C’est ainsi que R. commence son témoignage. Sa vie maritale n’était ponctuée que de violence verbale et physique. Et un jour, n’en pouvant plus, elle avale un mélange de médicaments.

« Il y a eu une accumulation de situations qui m’ont conduite à cela car je ne pouvais plus continuer à subir tellement j’étais sous son emprise, alors que je faisais tout pour lui plaire », explique R. 

Son calvaire a commencé à peine quelques mois après avoir donné naissance à leur premier enfant. Elle apprend que son époux est aussi devenu père d’un autre enfant. « J’ai été choquée, d’autant qu’il éprouvait une jalousie maladive à mon égard en limitant mes fréquentations et sorties. Je devais tout le temps lui rendre des comptes quand j’avais des rendez-vous professionnels et lui dire quand je rentrais à la maison. »

Savoir que son époux l’a trompée avec une autre est pénible à vivre pour elle. Tant et si bien que cela finit par avoir un impact sur la qualité de son travail. Une de ses collègues lui conseille alors de se faire aider par un psychiatre avec qui elle fera un suivi médical pendant un certain temps. 

Très porté sur la bouteille, son ex-époux n’hésite pas à la frapper et à lui cogner la tête. Elle est victime de harcèlement moral, même pour un cadeau de fin d’année qu’elle avait pris le soin d’emballer pour lui malgré tout ce qu’elle endurait. « Je voulais lui faire plaisir mais il n’a pas trouvé mieux que de dire que j’avais gaspillé mon argent », raconte R. Lasse de cette situation, elle réduit le cadeau en morceaux avant de le balancer à la poubelle. Fou de colère, son époux tente d’abuser d’elle… comme à son habitude.

À l’issue de cette énième tentative, R. prend plusieurs cachets pour mettre fin à sa vie et au calvaire qu’elle endure. Elle est transportée d’urgence dans une clinique et subit un lavage d’estomac. 

Plus de 20 ans après, ce souvenir la hante encore. Cela, même si après s’être séparée de son époux, elle a rencontré un ami d’enfance qui lui a redonné le goût et l’envie d’aimer. « J’ai connu le vrai bonheur et je me suis sentie aimée auprès de lui, cela même si étant de milieux différents, tout semblait nous séparer », fait ressortir R. 

Désormais seule, R. se considère comme une « célibattante ». Malgré sa solitude et bien que la vie l’ait salement amochée, elle se sent libre. « J’éprouve de la gratitude pour l’univers. Malgré une maladie chronique contre laquelle je me bats, je suis encore là grâce à mon courage. » 

« La pire bêtise »

« Dieu m’a empêchée de faire la pire bêtise de ma vie. » C’est en ces termes que A. raconte sa tentative de suicide qui remonte à une vingtaine d’années. Elle a alors 19 ans et tente de se suicider après avoir été abusée sexuellement à son insu.

À l’époque, elle s’était jurée de rester vierge jusqu’au mariage. Mais elle paiera cher une « erreur » de jugement. « Je venais de subir une déception amoureuse. Mon ex avait respecté mon vœu. Mais quand il m’a quittée, j’ai été tellement bouleversée que je me suis laissée bernée par un autre qui m’a fait croire en ses belles paroles. » 

Elle n’a que de vagues souvenirs de comment ils se sont retrouvés seuls. Quand elle reprend conscience quelque temps après, elle est sous le choc et remplie de dégoût. « J’étais très triste et je ne voyais personne à qui me confier à ce moment-là. » 

Traumatisée, meurtrie au plus profond de son être, A. n’a qu’une idée en tête, mettre fin à ses jours afin que cesse sa souffrance. « J’ai pris le bus pour aller à une plage peu fréquentée dans le sud car je voulais tout simplement disparaître et ne plus souffrir. » Son objectif est de se noyer dans la mer.

Mais avant, elle se rend dans un lieu de culte pour prier et se débarrasser de tous ses effets personnels qu’elle avait mis dans un sac. « Comme c’était un sac particulier, je me suis dite que mes proches sauraient tout de suite que c’étaient mes affaires. » 

En route pour la plage, elle n’a que son baladeur et passe son temps à écouter de la musique. Sur place, elle s’assoit par terre, sur l’herbe, pendant de longues heures tout en continuant à se laisser bercer par le son des vagues et de la musique qu’elle écoute en boucle, dont une chanson de Kaya. Elle ne se souvient plus du titre, mais cette chanson, dit-elle, lui sauvera la vie.
« Cette chanson m’a interpellée alors que je me demandais pourquoi j’étais là et si j’allais me jeter à l’eau. » À ce moment-là, elle était toute seule. Mais selon A., elle ne l’était pas vraiment. « Je suis très croyante et il y a eu comme une voix qui me parlait et qui me disait que cet acte ne me mènerait à rien et que peu importe les erreurs, il est possible de recommencer. » 

Alors, A. reprend l’autobus pour aller chez une proche à qui elle se confie. « J’ai beaucoup pleuré et elle m’a consolée. Elle a ensuite fait venir ma maman qui malgré la gravité de la situation m’a fait comprendre que peu importe ce qu’il s’était passé, elle serait toujours là pour moi. » 

Vingt ans après, elle se dit heureuse d’être toujours en vie. « J’ai passé des moments magnifiques avec ma famille, des moments que je n’aurais pas connus si je n’étais plus là. Pour rien au monde je ne regrette de ne pas être passée à l’acte en me jetant à l’eau. »

Son entourage, poursuit A., lui a permis de remonter la pente. « C’est la compréhension de ma famille qui m’a aidée à avancer. » 

Ibrahim Koodoruth, sociologue : «Le taux de suicide est appelé à augmenter» 

ibrahimAvec tous les changements qui s’opèrent dans la société, le taux de suicide est appelé à augmenter. Affirmation du sociologue Ibrahim Koodoruth. Tout le monde n’a pas la capacité de s’adapter à cette évolution rapide de la société. Certains, prévient-il, risquent de ne pas trouver leurs repères, voire de perdre pied. 

« Ce n’est pas étonnant que le taux de suicide soit élevé à Maurice. Cela va continuer à augmenter en raison du stress, de la vulnérabilité au niveau de l’emploi. Et avec le salaire moyen et un coût de la vie élevé, il faut s’attendre à ce que les gens perdent leurs moyens de survivre. Il ne faut pas s’étonner qu’il y ait plus de suicides », met-il en garde. 

La pauvreté relative y est pour beaucoup également, pense le sociologue. La société et les médias vendent du rêve que tout le monde n’est pas capable de concrétiser, selon lui. De ce fait, certaines personnes n’arrivent pas à se trouver une raison d’être car elles ont du mal à vivre leurs rêves, d’où le risque d’une augmentation du nombre de suicide, explique-t-il. 

Dans la foulée, Ibrahim Koodoruth fait valoir que le suicide est plus commun chez les hommes que chez les femmes car ces dernières ont plus d’attaches, que ce soit dans la famille ou la société. « C’est la femme, en général, qui s’occupe de la famille et elle est plus entourée également. L’intégration des femmes les protège contre le suicide en comparaison aux hommes », dit-il.

Commentant les chiffres de l’Organisation mondiale de la santé qui place Maurice à la 62e place, sur 180 pays, où le taux de suicide est le plus élevé, le sociologue fait remarquer qu’il est difficile de tirer des conclusions quand il y a un amalgame de pays : sous-développés et développés. Pour lui, une analyse plus fine est possible quand la comparaison est faite entre les pays sous-développés d’un côté et les pays développés de l’autre. 

Une étude approfondie permettrait de mieux comprendre la situation, d’autant qu’il y a beaucoup de pression sociale avec les études et la fondation d’une famille mais aussi un marché du travail précaire, ajoute le sociologue. « Une étude approfondie sur le suicide parmi les jeunes et la société dans son ensemble serait la bienvenue pour mieux cerner les structures, mesures et stratégies à développer pour accompagner les personnes vulnérables. » 

Il devrait y avoir des structures pour favoriser l’écoute des personnes en détresse car c’est ce qu’elles recherchent d’abord, selon lui. « Si la personne trouve une raison d’être, elle ne passera pas à l’acte et cela résoudrait pas mal de situations », affirme le sociologue. 

Tous vulnérables

Servesh
Selon les psychologues Musarrat Seekdaur et Servesh Dossoye, il faut comprendre la cause de la détresse de la personne.

Nous sommes tous vulnérables au suicide, selon la psychologue Musarrat Seekdaur. Certaines personnes sont plus susceptibles que d’autres à passer à l’acte, estime pour sa part le psychologue Sarvesh Dossoye. Ils sont tous deux en faveur d’une étude pour mieux comprendre ce phénomène à Maurice.  

Vulnérabilité

« Nous sommes tous vulnérables au suicide, sauf que c’est un sujet tabou », fait observer Musarrat Seekdaur. Toute personne peut avoir des pensées suicidaires, fait-elle comprendre.
Néanmoins, précise le psychologue Sarvesh Dossoye, « l’acte est plus probable chez certaines personnes que d’autres. Cela dépend des mentalités, des croyances et de la culture ». Pour lui, tout dépend également de l’expérience de la personne, de ce qu’elle connaît et ne connaît pas 

« Le suicide survient quand une personne n’arrive pas à gérer les difficultés, que ce soit émotionnelles, financières, une déception amoureuse ou autre, et qu’elle commence à penser qu’il n’y a pas d’autre solution à part le suicide », explique-t-il. Il y a aussi des susceptibilités qui font qu’une personne peut être plus vulnérable qu’une autre face à une certaine situation. 

Selon lui, l’entourage a tendance à se focaliser sur une situation récente alors que la cause du mal-être peut remonter à un événement antérieur. Musarrat Seekdaur abonde dans le même sens. Nombreux sont ceux qui ont tendance à associer le suicide avec une personne qui aurait simplement décidé de mettre fin à ses jours pour une cause « banale ». Or souligne-t-elle, on ne remarque pas que c’est pour une cause plus profonde qui découle de symptômes qui se sont présentés bien en amont. « Quand on évoque le mot suicide, nous ne prenons pas vraiment la peine d’analyser le fait que le suicide est la dernière étape d’une dépression. »

Causes principales

Parmi les causes principales du suicide, il y a les circonstances de la vie, comme une rupture dans une relation ou un divorce qui peut amener au désespoir ; un souci financier ; la perte d’emploi. Il y a aussi les maladies qui s’aggravent où il n’y a pas de véritable prise en charge. 

Il faut ajouter à cela le stress post-traumatique, comme la perte d’un être cher, un accident, un abus sexuel. Ce sont les facteurs les plus communs, selon Musarrat Seekdaur.

Le surmenage n’est également pas à négliger. La personne n’a plus de ressources malgré ses tentatives pour essayer de s’en sortir. Cela mène au désespoir et peut la pousser à tout arrêter au lieu de continuer de souffrir. Mais le suicide n’arrête pas la souffrance, il transmet la souffrance aux autres, soutient Sarvesh Dossoye.

Attention aux signes 

Un message sur les réseaux virtuels : « nepli ena lespwar aster », « je ne vais jamais m’en sortir », « j’aurais aimé ne plus être là » ; un changement drastique de comportement sont autant d’indications ou de signes qui peuvent faire penser qu’une personne envisage peut-être le suicide, expliquent les psychologues. 

Il faut savoir lire entre les lignes et faire preuve d’empathie pour comprendre les émotions de la personne. « Même quand la personne se dit heureuse, cela peut cacher quelque chose. Il suffit de chercher », insiste Sarvesh Dossoye. 

« Il faut prendre la peine de se demander s’il y a une souffrance derrière et si la personne est en train de demander de l’aide à travers une approche directe », renchérit Musarrat Seekdaur.

La pandémie, un facteur aggravant

Il y a un rajeunissement du suicide qui peut survenir vers 14-15 ans et aller jusqu’à 50 ans, selon le vice-président de l’Organisation Befrienders (Mauritius). José Emilien l’explique par un « manque de résilience » de la société, dans le sillage de la pandémie de Covid-19. 

Autre facteur non négligeable : de nombreux jeunes vivent dans un cocon familial où ils sont peut-être trop choyés par leurs parents, ce qui fait qu’ils ont plus de mal à faire face aux difficultés de la vie, indique-t-il. Les conflits familiaux, les séparations, le divorce ne doivent pas être négligés non plus, selon José Emilien. Sans parler de l’incertitude face à l’avenir, le chômage, la perte d’emploi, l’échec scolaire… 

« Nul n’est à l’abri mais à travers la communication, la pratique du sport, entre autres, cela peut aider à mieux faire face aux épreuves de la vie », estime le vice-président de Befrienders (Mauritius). L’organisation, dit-il, prône l’écoute active et sans jugement. 

Hausse du nombre de cas

joseDe 98 en 2016, le nombre de suicides a fait un bond pour atteindre 132 en 2021, selon les chiffres disponibles. Selon le Health Statistics Report, le taux de suicide est plus élevé chez les hommes que chez les femmes. Il était de 114 contre 18 respectivement, en 2021.

Cependant, selon les professionnels de santé, ces chiffres ne prennent en considération que les suicides réussis et non les tentatives. Les hommes utilisant des méthodes radicales, ils ont moins de chance de s’en sortir alors que les femmes, qui privilégient habituellement des méthodes « douces », peuvent être sauvées après une prise en charge. Il y a eu 259 tentatives de suicide chez les femmes en 2021, selon le rapport. 

Les chiffres indiquent aussi qu’il y a eu plus de suicides chez les hommes dans la tranche d’âge de 15 à 29 ans, avec 39 cas contre 34 chez les 30 à 44 ans.


Hausse du nombre de cas

De 98 en 2016, le nombre de suicides a fait un bond pour atteindre 132 en 2021, selon les chiffres disponibles. Selon le Health Statistics Report, le taux de suicide est plus élevé chez les hommes que chez les femmes. Il était de 114 contre 18 respectivement, en 2021.

Cependant, selon les professionnels de santé, ces chiffres ne prennent en considération que les suicides réussis et non les tentatives. Les hommes utilisant des méthodes radicales, ils ont moins de chance de s’en sortir alors que les femmes, qui privilégient habituellement des méthodes « douces », peuvent être sauvées après une prise en charge. Il y a eu 259 tentatives de suicide chez les femmes en 2021, selon le rapport. 

Les chiffres indiquent aussi qu’il y a eu plus de suicides chez les hommes dans la tranche d’âge de 15 à 29 ans, avec 39 cas contre 34 chez les 30 à 44 ans.

suicide

Comment réagir face à une personne suicidaire ?

  • Écouter attentivement la personne en détresse sans minimiser, dramatiser, juger ou condamner.
  • Éviter de culpabiliser
  • Parler honnêtement et ouvertement
  • Chercher l’aide d’un professionnel de santé

Services d’écoute

  • LIFE PLUS : 188 
  • Befrienders (Mauritius) : 800 9393 (appel gratuit d’une ligne fixe) / 467 0160 et 5483 7233 (WhatsApp). Il est possible d’envoyer des messages sur la page Facebook également. 

LIVE LIFE

Il est possible de prévenir le suicide. Certaines mesures peuvent être prises tant au niveau collectif qu’individuel. LIVE LIFE est l’approche que préconise l’Organisation mondiale de la santé à travers les interventions suivantes se basant sur des études :

  • Limiter l’accès aux médicaments, armes, pesticides ;
  • Interagir avec les médias pour un reportage responsable du suicide ;
  • Développer les compétences de vie des adolescents ;
  • Détection précoce, prise en charge et suivi de quiconque présente un comportement suicidaire. 

Questions au…Dr Sandya Beedassy, consultante en charge (Psychiatrie) à l’hôpital Brown Séquard : «Pour chaque suicide accompli, il y a plus de 20 tentatives»

sandyaIl y a de plus en plus de cas de suicide à Maurice. Y sommes-nous tous vulnérables ?
Chaque année, plus de 700 000 personnes meurent par suicide dans le monde. Et pour chaque suicide accompli, il y a plus de 20 tentatives de suicide. Tout le monde ne présente pas la même vulnérabilité au suicide. Il existe des facteurs de risque qui peuvent inciter une personne à passer à l’acte.

Qui sont les personnes qui sont les plus vulnérables, justement ?
Le suicide est un phénomène complexe et multifactoriel. C’est une combinaison de facteurs de vulnérabilité aussi bien que des moments critiques dans la vie d’un individu. Ces facteurs de risque peuvent être regroupés en trois catégories : primaires, secondaires et tertiaires.

Concernant les causes primaires : il y a un antécédent de suicide dans la famille, une maladie mentale telle que la dépression, la schizophrénie ou autre, ou encore une personnalité hautement impulsive.

Les facteurs secondaires sont plus prédictifs s’ils sont associés aux facteurs primaires tels la perte d’un parent à un jeune âge, le chômage, l’isolement émotionnel ou des événements de vie négatifs.

Dans les causes tertiaires, on retrouve des éléments épidémiologiques tels que l’âge (adolescent ou plus âgé) et le genre, avec une plus grande vulnérabilité chez les hommes.

Une personne contemplant le suicide donne généralement des signes de détresse annonciateurs»

Quelles sont les principales raisons qui poussent au suicide ?
Il y a une combinaison de facteurs de risque qui peuvent précipiter un passage à l’acte : des expériences de vie négatives, de conflits, d’abus, de violence, de perte, d’isolement. Mais le facteur primordial reste, de loin, un antécédent de suicide.

Y a-t-il eu, au fil des années, un changement dans le profil des personnes qui tentent de se suicider ?
Il y a un rajeunissement dans le profil du patient suicidaire, en particulier chez ceux souffrant d’un abus de substances. Il faut aussi faire ressortir le fait que l’impact du post-Covid a fait augmenter le risque de suicide. Le Covid-long, la perte d’un être cher, la perte d’emploi ainsi que les soucis financiers ont eu un effet catalyseur.

Une personne ne décide peut-être pas d’attenter à sa vie du jour au lendemain. Quels sont les signes à ne pas négliger ?
Une personne contemplant un suicide donne généralement des signes de détresse annonciateurs ou des indices qui peuvent alerter. Il y a l’utilisation d’un certain type de vocabulaire : « ce serait mieux que je ne sois pas là », « je préfère être mort », « la vie ne vaut pas la peine d’être vécue », sont quelques-unes des indications.

Certains comportements peuvent aussi nous alerter, tels que l’isolement par rapport aux autres ; mettre de l’ordre dans ses effets personnels ; un intérêt accru pour les médicaments / armes ; faire don de ses effets personnels ; écrire un testament ou message d’adieu ; abuser de substances ou médicaments. 

On peut retrouver également des troubles du sommeil et d’appétit, des sautes d’humeur, un soudain regain d’énergie ou de changement d’humeur après une période de découragement extrême.

Il y a un rajeunissement dans le profil du patient suicidaire»

Les personnes en détresse émotionnelle sont souvent dans le déni et rechignent à chercher de l’aide auprès d’un professionnel, psychologue ou psychiatre. Pourquoi ?
Malheureusement, c’est une triste réalité. Ces personnes n’acceptent pas qu’elles sont malades et ont besoin de soins. La pathologie mentale reste stigmatisée et taboue. Bon nombre de personnes qui meurent d’un suicide n’ont jamais vu un professionnel de santé mentale ou n’ont jamais été diagnostiquées.

Comment les inciter à se faire aider ?
La solution reste la déstigmatisation des troubles mentaux. Il faut éduquer la population et parler ouvertement des troubles mentaux. Il faut constamment en parler. Ce faisant, les personnes en détresse émotionnelle hésiteront moins à aller vers les professionnels de santé mentale ou vers leurs proches pour de l’aide.

Il y a aussi ceux qui ont peur du qu’en dira-t-on, d’être « gavés » ou considérés comme « fous » s’ils vont voir un psychiatre. Que préconisez-vous ?
La psychoéducation de la population reste le maître mot. Le terme « fou » est stigmatisant, d’où l’importance de la déstigmatisation comme je disais plus tôt. Il faudra arriver à faire comprendre que la maladie mentale est comme toute autre maladie telle que l’hypertension ou le diabète par exemple. Elle est engendrée par une perturbation dans les neurotransmetteurs qui doit être corrigée par des médicaments avec succès et soulager la souffrance émotionnelle.

« Gaver » de médicaments est un terme péjoratif. Les pathologies légères peuvent être traitées sans médicaments avec de la psychothérapie. De plus, avec l’avènement des médicaments de nouvelle génération, le traitement des troubles mentaux a connu un changement.

Quels sont les services vers lesquels la personne en détresse émotionnelle peut se tourner pour se faire aider ?
Les services de santé à Maurice sont bien décentralisés pour un meilleur rapprochement vers la communauté. Les personnes en détresse émotionnelle peuvent se tourner vers les centres de santé primaire tels que les Area Health Centres et Mediclinics pour une consultation. Après évaluation par un médecin, la personne sera référée, si nécessaire, à un professionnel de santé mentale.

Il faut éduquer la population et parler ouvertement des troubles mentaux»

Un service de psychiatrie est aussi disponible dans les cinq hôpitaux régionaux. Trois psychiatres et deux psychologues y sont basés en permanence. Si la pathologie est sévère et nécessite une prise en charge renforcée, la personne en détresse émotionnelle sera orientée vers le centre tertiaire, le Brown Sequard Mental Health Care Centre.

Vous l’avez dit plus tôt, nombre de ceux qui se sont suicidés n’ont pas été diagnostiqués ou ne se sont jamais tournés vers un professionnel de santé. Qu’est-ce qui peut être fait pour améliorer la prise en charge des personnes à tendance suicidaire afin qu’elles se tournent vers les services existants ?
Il y a la psychoéducation et la déstigmatisation, ainsi que la promotion de la santé mentale. Il faut aussi pouvoir faire des détections précoces et le suivi des personnes à risque. Bien que les services soient déjà disponibles dans divers centres de santé, il faudrait aller encore plus vers la décentralisation pour plus de proximité. 

Que faire pour ceux qui ne souhaitent pas se retrouver dans des structures trop formelles ?
Ce n’est pas dans tous les cas que des personnes ayant des tendances suicidaires nécessiteront une hospitalisation. Cela dépendra de l’évaluation du risque suicidaire par le médecin. 
Si le risque suicidaire est très fort, une admission est recommandée pour la protection de l’individu. S’il est moindre et que le soutien familial est solide, la personne peut être vue en consultation rapprochée en ambulatoire.

Hormis une étude sur le suicide chez les jeunes, il n’y a pas eu d’enquête approfondie sur le suicide à Maurice. Pourquoi ?
C’est malheureusement une lacune qu’il faudra combler dans le futur. Mais il faut aussi faire ressortir que les études sur le suicide peuvent être challenging pour la collecte des données en raison de la stigmatisation. 

 

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