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Subventions aux associations religieuses : l’État doit-il poser des conditions ?

S’assurer que l’argent octroyé aux religions soit utilisé à bon escient.
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D’un côté, pour certains observateurs, les associations religieuses n’assument pas pleinement leur rôle dans notre société qui est à la dérive. De l’autre, l’État débourse près de Rs 100 millions en guise de subventions annuellement. Doit-il continuer ? On fait le point avec les mouvements religieux.

Rajen Suntoo.
Rajen Suntoo.



Les religions ont un grand rôle à jouer dans la société moderne, estime le sociologue, Rajen Suntoo. Il considère que la majorité des associations religieuses à Maurice fait un bon travail, malgré certaines brebis galeuses. « On ne peut pas mettre toutes les associations dans le même panier, car il y en a qui font un excellent travail. De ce fait, ce ne serait pas bien d’enlever les subventions  qui leur sont accordées du jour au lendemain », indique-t-il. 

Le sociologue concède qu’il manque la culture de responsabilité (« accountability »), mais il est catégorique. « Le gouvernement ne peut pas mettre son nez dans la gestion des associations religieuses ». Il soutient qu’il existe des instances qui sont là pour veiller à ce que la bonne gouvernance prime. « Ces institutions ont le devoir de s’assurer que l’argent octroyé aux religions soit utilisé à bon escient.

Ibrahim Koodoruth.
Ibrahim Koodoruth.

D’ailleurs, ce sont les membres de ces instances qui doivent lancer l’alerte en cas de maldonne ou de mauvaise gestion », indique-t-il. De leur côté, les  associations religieuses doivent réaliser que l’argent donné par le gouvernement est pour le bien-être de la population et la promotion de nos cultures et valeurs, fait-il ressortir. 

Pour sa part, le sociologue, Ibrahim Koodoruth est lui aussi d’avis que la question de responsabilité doit être au centre de tout dans notre société. Selon lui, il faut avoir un cahier des charges pour déterminer si les associations religieuses qui perçoivent des subventions respectent à la lettre les tâches qui leur sont confiées. 

« Les subventions sont offertes à plusieurs entités oeuvrant dans le secteur éducatif, de la santé, le social et aussi les religions. Est-ce que nous avons un performance-based management, qui se fait pourtant dans les firmes privées, pour déterminer si les associations religieuses jouent leur rôle ? Malheureusement, tel n’est pas le cas et c’est pourquoi il est important que cette culture soit instaurée », avance-t-il. Or, notre société se dit moderne, mais Ibrahim Koodoruth se demande où est la rationalité. « Si on a envie que tout un chacun assume pleinement son rôle, il faut instaurer le performance-based management, ce qui permettra d’évaluer si les associations religieuses assument leurs responsabilités ou pas », indique notre interlocuteur. 

Le père Philippe Goupille.
Le père Philippe Goupille.

De son côté, le père Philippe Goupille, le président du Conseil des Religions, pense à un audit comme cela se fait dans les corps paraétatiques. « Un audit permet de voir comment on utilise les fonds qui sont offerts. Il est important que le gouvernement sache si on utilise bien l’argent, comme c’est le cas pour les corps paraétatiques », préconise-t-il. 

Notre interlocuteur trouve dommage que la plupart du temps, ce soient uniquement les religions qui sont utilisées comme bouc émissaire pour dire que la société est à la dérive. « On ne peut pas tout mettre sur le dos des religions. Le principal problème reste la famille qui est un peu bouleversée et chahutée avec les récents événements, dont la Covid-19. Il y a aussi une seconde influence sur nos jeunes, soit les réseaux sociaux », se désole le président du Conseil des Religions. 

Il est d’avis que les torts sont partagés et que ce ne sont pas que les religions qui sont les fautifs. « Je pense que la famille, l’école et la religion doivent travailler en symbiose. L’un ne remplace pas l’autre.

Chacun a une importance. On doit pouvoir accompagner les personnes, les encadrer et faire leur formation religieuse, en particulier les jeunes qui sont en manque de repères », indique le Père Philippe Goupille. 


Des associations religieuses se défendent 

Le président de la Mauritius Sanathan Dharma Temples Federation (MSDTF), Bushan Ghoorbin soutient que 82 % des fonds obtenus de l’État sont partagés avec les membres de l’association. Il existe des critères pour bénéficier de cette aide, dont la promotion de la religion, des cultures et des valeurs. 

« Nous avons des baitka à travers le pays qui ont pour but de valoriser nos cultures et de permettre aux enfants d’apprendre le hindi, entre autres. Nous assumons notre rôle. Il y a des parents qui ne sont pas intéressés et qui n’envoient pas leurs enfants à nos sessions, car ils préfèrent que ces derniers se concentrent uniquement sur le côté académique », fait-il comprendre. 

Une opinion que partage Shivajee Dowlutrao, secrétaire de la Mauritius Marathi Mandali Federation (MMMF). « Il est faux de dire que nous n’assumons pas notre rôle. C’est la société qui devient matérialiste. Les religions continuent à promouvoir les valeurs. La participation des personnes pose problème, car il y a un désintérêt et nous n’arrivons pas à atteindre la masse », déplore-t-il. 

Il précise que « la responsabilité est partagée », surtout de la part des parents qui ne soucient guère de la religion, sans oublier la pression des pairs ou encore des réseaux sociaux. « De notre côté, on organise pas mal d’activités sociales, sportives, religieuses et pour la promotion du mauriciannisme. C’est aux personnes d’en tirer profit », conclut-il.

Jonathan Ravat : « On doit assumer nos responsabilités ensemble »

Pour Jonathan Ravat, Chef des Études sociales à l’Institut Cardinal Jean Margeot et anthropologue des religions, ces dernières « sont un fait. Dans le modèle de République de Maurice, les religions sont subventionnées comme d’autres acteurs de la société ». Cependant, considère-t-il que les religions qui reçoivent des allocations et celles qui n’en ont pas ont des relations avec le pouvoir politique ? C’est le cas, selon lui. « Il n’y a rien de malsain. C’est un rapport uniforme avec l’autorité qui l’est. Chacun honore les religions en ayant une relation différente », explique-t-il. 

Concernant l’effritement des valeurs à Maurice, il est d’avis « que les religions ont constamment besoin de se renouveler, de se questionner quand la société change ». Il considère qu’il est impératif qu’ « on prenne ensemble nos responsabilités. Il faut venir avec de nouvelles propositions, autrement les jeunes iront chercher ailleurs, comme la drogue, le plaisir facile, le renfermement sur soi, l’individualisme et l’égoïsme ». 

11 fédérations religieuses perçoivent une aide de l’État

Selon un document déposé au parlement la semaine dernière, le gouvernement a déboursé près de Rs 100 millions pour aider les organisations religieuses sous deux « schemes ». 

Des 11 fédérations religieuses qui reçoivent l’aide de l’État, c’est l’Église catholique qui est le plus gros bénéficiaire, soit Rs 96 409 000 sous le Per Capita Subsidy Scheme. La Mauritius Sanatan Dharma Temples Federation  a reçu Rs 31 346 000 et le Board of Waqf Commissioners a obtenu Rs 15 444 000. Le gouvernement mauricien a aussi accordé une enveloppe de Rs 1 065 000, dans le cadre du Fixed Grant Scheme, à six organisations religieuses non affiliées. Parmi, Shri Sanatan Dharma Mandir Parishad qui a eu droit à une aide financière de Rs 399 000. Les cinq autres organisations ont reçu une enveloppe de Rs 133 000 chacune. 

 

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