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Sri Lanka : des manifestants défient le couvre-feu

Plusieurs centaines de manifestants ont défié le couvre-feu et les forces de l'ordre mardi au Sri Lanka, en proie à une crise économique historique, au lendemain des plus meurtriers affrontements depuis des semaines qui ont précipité la démission du Premier ministre.

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L'ONU a dénoncé l'escalade de la violence sur cette île de 22 millions d'habitants, et demandé aux autorités d'empêcher de nouvelles violences et d'entamer le dialogue avec la population, excédée par des mois de graves pénuries de nourriture, carburant et médicaments.

La Haute-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Michelle Bachelet, s'est dite mardi dans un communiqué "profondément troublée" après que des supporteurs du Premier ministre "ont attaqué des manifestants pacifiques à Colombo le 9 mai, ainsi que par "les attaques de foules contre les membres du parti au pouvoir qui ont suivi".

Des groupes anti-gouvernementaux ont bloqué mardi le trafic sur la route principale menant à l'aéroport de la capitale Colombo pour s'assurer que des membres et des partisans des Rajapaksa ne tentaient pas de quitter l'île, selon des témoins.

"Les gens sont en colère après les attaques lancées contre nous hier. Et malgré le couvre-feu, nous avons beaucoup de volontaires qui viennent nous apporter de la nourriture et de l'eau", a déclaré à l'AFP l'un des manifestants, Chamal Polwattage, ajoutant: "Nous ne partirons pas tant que le président ne s'en ira pas".

Le numéro deux de la police nationale a été agressé et son véhicule incendié par la foule près de la résidence officielle du Premier ministre à Colombo, ont indiqué les autorités.

L'inspecteur général adjoint Deshabandu Tennakoon, par ailleurs patron de la police de Colombo, a été brièvement hospitalisé avant de pouvoir rentrer chez lui, a déclaré à l'AFP un haut responsable de la police, ajoutant que des policiers avaient tiré des coups de semonce en l'air pour disperser la foule.

Lundi, les affrontements avaient fait cinq morts et plus de 225 blessés, la journée la plus meurtrière depuis le 19 avril, lorsque la répression d'une manifestation antigouvernementale avait fait un mort et plus de 24 blessés dans le centre du pays.

Les manifestants et les chefs religieux sri-lankais ont reproché au Premier ministre Mahinda Rajapaksa, qui a annoncé sa démission dans la journée, d'avoir incité les partisans du clan familial à provoquer ces violences. 

"Arrêtez les responsables de l'instigation de la violence, indépendamment de leur position politique", a ordonné à ses troupes Chandana Wickramaratne, le chef de la police. Cette dernière a, comme la commission locale des droits humains, annoncé l'ouverture d'une enquête sur le sujet.

"Mauvaise passe" 

Le pays est secoué depuis plusieurs semaines par des manifestations quotidiennes contre le gouvernement des Rajapaksa après des mois de pénuries marquant la plus grave crise économique depuis l'indépendance en 1948.
Les autorités ont annoncé que le couvre-feu serait levé mercredi matin, tandis que bureaux, magasins et écoles ont dû rester fermés mardi.

L'armée a exfiltré tôt mardi l'ex-Premier ministre Mahinda Rajapaksa de sa résidence officielle à Colombo, pour le placer en sécurité après que des milliers de manifestants en ont forcé un des portails et tenté de prendre d'assaut la bâtisse principale de deux étages où le frère du Président Gotabaya Rajapaksa s'était retranché avec sa famille.

"Mon père est en sécurité, il se trouve dans un endroit sûr et il communique avec la famille", a déclaré à l'AFP son fils aîné, Namal Rajapaksa, 35 ans, avocat de formation.

Il a ajouté que son père resterait député et entendait jouer un rôle actif dans le choix de son successeur.

"De nombreuses rumeurs disent que nous allons partir. Nous ne quitterons pas le pays", a-t-il insisté, qualifiant la colère nationale manifestée à l'encontre de sa famille de "mauvaise passe".

Lundi, à Nittambuwa, à une cinquantaine de kilomètres au nord de la capitale, un député du parti au pouvoir, Amarakeerthi Athukorala, s'était suicidé après avoir ouvert le feu sur deux manifestants anti-gouvernementaux qui bloquaient sa voiture. 

Une des deux victimes, âgée de 27 ans a depuis succombé à ses blessures, et le garde du corps du député a été retrouvé mort.

Deux autres personnes avaient été tuées dans la journée dans la ville de Weeraketiya (sud), par un membre du parti au pouvoir qui a tiré sur les manifestants.
Tentatives de pourparlers 

Le président Gotabaya Rajapaksa est toujours en fonction, jouissant de pouvoirs étendus et du commandement des forces de sécurité. Même avec un gouvernement de coalition, il pourra nommer et destituer les ministres ainsi que les juges, et bénéficiera de l'immunité. 

Les partis d'opposition ont déclaré mardi avoir annulé les pourparlers en vue d'une coalition avec le gouvernement après l'explosion de la violence. 

Mais selon des sources politiques, des tentatives étaient en cours pour organiser une réunion en ligne entre le président et tous les partis politiques. 

Le principal parti d'opposition, le SJB, a indiqué étudier ses options.

Pour Akhil Bery de l'Asia Society Policy Institute, il est difficile d'anticiper la conduite du président Rajapaksa devant la contestation.

Mais quoi qu'il arrive, le prochain gouvernement devra prendre des "décisions impopulaires" pour redresser l'économie en ruine, a-t-il ajouté.

Tout renflouement par le Fonds monétaire international (FMI), actuellement en négociation, signifierait "une augmentation des impôts et une diminution des dépenses publiques, ce qui est une combinaison politiquement toxique".

AFP

 

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