Deux avocats se penchent sur la question de réglementation concernant les sorties en mer ou dans d’autres endroits à risque par mauvais temps. Le décès de la petite Nerya, le 28 janvier 2024, relance le débat sur cette épineuse question.
La noyade tragique de la petite Nerya, à Flic-en-Flac, dimanche dernier, relance le débat sur l’interdiction des sorties en mer par mauvais temps. Le nourrisson de quatre mois campait avec sa famille sur la plage depuis le 27 janvier 2024, malgré l’alerte de fortes pluies et de grosses vagues. Les parents du bébé ont raconté à la police qu’ils se baignaient avec leurs trois enfants quand une vague les a emportés. Deux avocats, Mes Lovena Sowkhee et Vikash Rampoortab, analysent la question épineuse de la réglementation en mer en cas de conditions météorologiques défavorables.
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« C’est vrai que c’est folklorique ici de sortir pour voir les vagues lorsqu’elles déferlent pendant ou après un cyclone, ou encore les rivières en crue », concède d’emblée Me Lovena Sowkhee. « le problème vient aussi du fait que beaucoup de Mauriciens n’ont pas confiance dans la météo et le système d’alerte. Ils ont l’impression que la météo locale n’est pas précise dans ses prévisions », ajoute-t-elle.
Est-elle en faveur d’une législation pour interdire les sorties en mer en cas de météo extrême ? Me Lovena Sowkhee répond par l’affirmative. Elle souligne le danger non seulement pour les citoyens mais aussi pour les sauveteurs et les policiers qui interviennent lors d’incidents en mer.
Dans la foulée, elle ajoute que, le lundi 15 janvier 2024, les autorités n’auraient pas dû demander au public d’aller travailler, alors même qu’il y avait risque d’inondations. « La Réunion est passée en alerte violette ce jour-là, dans le sillage du passage du cyclone Belal. Cela impliquait un confinement strict de l’ensemble de la population, y compris des services de secours et de sécurité », fait valoir l’avocate.
Le problème vient aussi du fait que beaucoup de Mauriciens n’ont pas confiance dans la météo et le système d’alerte»
Toujours est-il qu’actuellement, il n’existe « aucune loi interdisant l’accès aux plages et rivières par mauvais temps », rappelle Me Vikash Rampoortab. « La météo ne peut que déconseiller aux Mauriciens de sortir en mer ou d’éviter les endroits à risque. Nous avons vu, dans le sillage du passage du cyclone Belal, l’imposition d’un couvre-feu. Toutefois, à la lumière de ce qu’on a pu voir sur les médias et les réseaux sociaux, beaucoup ignorent les avertissements, malgré le risque de danger », fait-il ressortir.
Ainsi, l’avocat juge nécessaire de légiférer pour interdire l’accès à la mer et à d’autres endroits à risque, comme les gorges ou les cascades, où certaines personnes choisissent de faire des randonnées par des temps extrêmes. Il estime que, compte tenu « des changements climatiques et des risques accrus d’inondations, l’État doit intervenir avec une législation appropriée ». Il suggère que l’État travaille en collaboration avec des entités telles que le National Emergency Operations Command, la Central Water Authority et la Special Mobile Force pour définir clairement les endroits à risque.
Qu’en est-il des sanctions ? L’application de ces réglementations éventuelles, soutient Me Lovena Sowkhee, doit être juste. Elle insiste sur la nécessité d’imposer des amendes plutôt que des peines de prison. Elle suggère également une campagne de sensibilisation et se demande si les équipements vendus localement, comme les bouées, sont conformes. « Nous sommes, avant tout, une île, donc entourés d’eau. Faire uniquement de la répression ne va pas améliorer sensiblement la situation », fait comprendre l’avocate. Idéalement le public devrait être sensibilisé au danger.
Toutefois, elle note qu’il y a toujours des récalcitrants. « On ne demande pas au public de ne pas s’aventurer en mer à chaque avis de forte pluie. Car certains secteurs travaillent toujours en dépit des fortes pluies. Le service météo dispose de radar et de la technologie pour faire des prévisions. Il faut aussi le personnel qualifié et compétent pour interpréter les données recueillies. Nous avons vu du beau temps alors qu’il y avait avis de fortes pluies, et aussi le contraire, des averses alors même qu’il n’y avait pas d’alerte », déclare l’avocate.
Me Vikash Rampoortab se dit, lui, en faveur d’un couvre-feu pendant les alertes cycloniques de classe III et IV. « On peut envisager un couvre-feu pendant les alertes cycloniques, comme c’était le cas pendant la période de confinement en raison de la propagation de la COVID-19 », avance-t-il. Il reconnaît cependant que les sanctions prévues pour non-respect des règlements doivent être proportionnelles. « S’il est vrai que la majorité des délits prévoient une amende et une peine de prison, les tribunaux ont la discrétion d’imposer une amende appropriée selon la circonstance », argumente Me Vikash Rampoortab.
Concernant l’impact sur la liberté de ces éventuelles réglementations, il estime que « si elles bénéficient à la population, elles doivent primer sur la liberté individuelle ». « Restreindre la liberté de mouvement du citoyen lorsque la sécurité publique est en jeu n’est pas anticonstitutionnel », insiste-t-il.
Restreindre la liberté de mouvement du citoyen lorsque la sécurité publique est en jeu n’est pas anticonstitutionnel»
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