Depuis le 13 septembre dernier, Marie Noëlle, qui habite Les Salines, Cassis, fait l’objet de poursuites judiciaires. Un officier de la Child Development Unit (CDU) a porté plainte contre elle pour abandon d’enfant au poste de police de Bain-des-Dames. Qu’est-ce qui l’a poussé à agir ainsi ? Quel espoir pour cette femme de 32 ans, obligée à vendre son corps pour une bouchée de pain ? La parole à Marie Noëlle qui se livre à cœur ouvert.
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Marie Noëlle a accouché d'un petit garçon le 25 août 2021 à l'hôpital Dr A.G. Jeetoo, Port-Louis, qu’elle a abandonné là-bas. Tout de suite, les officiers de la CDU se sont rendus à son chevet. Pour justifier son geste, elle a expliqué, dans sa déposition, qu’elle s’injecte de la drogue par voie intraveineuse et qu’elle suit un traitement de substitution à la méthadone. Elle a aussi déclaré être séropositive, puis elle a indiqué qu’elle n’a suivi aucun traitement prénatal. Elle a ajouté qu’elle n’est pas en mesure de prendre soin de son bébé et qu’elle n’a aucun parent pour s’occuper de lui. Le nouveau-né a été pris en charge par la CDU suite à l’ordonnance de protection d'urgence (« Emergency Protection Order ») émise par le tribunal de District de Port-Louis Sud. La police a ouvert une enquête où Marie Noëlle risque la prison.
Conditions inhumaines
Quand nous sommes allés à sa rencontre, à Cassis, nous sommes tombées sur une femme qui fait plus vieille que son âge. Ensuite, nous avons été peinés de voir les conditions déplorables, voire inhumaines, dans lesquelles elle évolue au quotidien. Sa maison en tôle, très petite, est dépourvue d’eau et d’électricité. Qu’importe, au moins elle la permet de se cacher de la pluie et du soleil, nous fait-elle remarquer.
Marie Noëlle explique qu’elle mène une existence difficile, mais ne pointe personne du doigt pour ses erreurs. Elle revient sur son parcours de vie, parsemé d'épreuves, et avoue qu’elle a perdu tout espoir, étant gravement malade.
Ayant été rejetée par sa famille et sans aucune ressource, elle s’est tournée vers la prostitution. Elle dormait au Jardin de la Compagnie avec d’autres filles de joie, avant que ce dernier ne soit clôturé. Cependant, elle tient à faire remarquer qu’elle a mis un terme à ses activités quand elle est tombée enceinte. Pour manger, elle recevait des repas chauds des habitants de la localité. Mais il lui est arrivé souvent d’aller dormir l’estomac vide, car elle n’avait pas les moyens pour acheter de la nourriture. Au fil du temps, Marie Noëlle tombe dans la spirale de la drogue. C’est ainsi qu’elle s’est retrouvée en prison à plusieurs reprises.
Maintes et maintes fois, elle a essayé de s’en sortir et recommencer tout à zéro. Cependant, dépourvue de toute aide, elle retombait toujours dans la prostitution pour subvenir à ses besoins et, surtout, s’acheter de la drogue. Malgré le fait qu’elle a contracté le virus du Sida, elle continue à monnayer ses charmes. Pour ne pas transmettre le VIH à ses clients, elle leur demande de porter un préservatif. En revanche, les hommes séropositifs préfèrent ne pas en mettre, mais c’est une situation compliquée. « Si mo dire ene client mo contaminer li pu aller et mo pas pu gagner cash. Mo pas dire zot car ena client kan exige zot prend prekaution, zot enkoler ek dire zot alle rode ene lot prostitue. Mo laisse zot plutot. Kume sa meme mo tombe enceinte. Kisana papa biologique mo bebe mo pas conne », explique Marie Noëlle. Celle-ci a quatre autres enfants, âgés entre 3 à 20 ans, tous de pères différents. Trois d’entre eux, qui sont mineurs, sont sous la garde de la CDU.
L’avenir parait bien sombre pour cette mère de famille. Quid d’un emploi ? Faire rimer prostitution, drogue et séropositivité avec travail s'apparente à une course d’obstacles, tous infranchissables. « Personne ne veut vous offrir un emploi. Mo gagne maltraite par certain dimoune kan ou aproche zot pou ene travay », explique Marie Noëlle. Seul point positif, elle continue à suivre son traitement médical contre le Sida et aujourd’hui elle contrôle sa maladie.
Malgré tous ses défauts et ses nombreuses erreurs, elle lance un appel de solidarité. Elle a besoin de provision et de vêtements pour mener une vie à peu près normale.
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