Début mai, CARE Rating (AFRICA) Private Limited a signé un protocole d’accord avec l’Africain Peer Review Mechanism en vue de développer un système d’évaluation de crédit pour l’Afrique. L’objectif est de créer une agence de notation de crédit régionale.
Une étape importante a été franchie dans le domaine financier africain, avec la signature d’un accord entre l’Africa Peer Review Mechanism et Care Edge Ratings Africa ce mois-ci. Cet accord marque le début d’une collaboration visant à établir une agence de notation de crédit à Maurice.
Hafeez Toofail, expert dans le secteur financier, affirme que la création d’une agence de notation régionale est une initiative potentiellement bénéfique pour renforcer l’évaluation financière au niveau régional et offrir une alternative aux grandes agences de notation internationales telles que Moody’s, Standard & Poor’s et Fitch. « Une telle agence pourrait prendre en considération les particularités régionales africaines, fournissant ainsi des analyses plus pertinentes et se concentrant sur notre réalité spécifique », explique-t-il.
En ayant des participants africains, poursuit Hafeez Toofail, l’agence acquiert une meilleure compréhension des réalités mauriciennes, notamment nos spécificités économique, politique et culturelle. « Elle pourrait adapter sa méthodologie pour mieux tenir compte des pays africains, plutôt que d’appliquer une méthodologie standard. Ainsi, elle pourrait favoriser davantage de transparence, renforçant la confiance des investisseurs sur le marché financier mauricien », commente-t-il. Pour Maurice, souligne l’expert financier, une telle agence pourrait fournir des analyses plus approfondies dans certains secteurs que les grandes agences pourraient négliger.
L’économiste Takesh Luckho ne dira pas le contraire. Une telle agence pourrait proposer des évaluations des risques plus adaptées aux particularités locales que les grandes agences internationales, estime-t-il. « Ceci aurait pour effet d’améliorer la réputation de Maurice sur les marchés financiers internationaux et régionaux », pense-t-il.
En améliorant la transparence et la confiance des investisseurs, une agence de notation régionale permettrait d’accéder à une base d’investisseurs plus étendue et variée, ce qui ouvrirait de nouvelles perspectives de financement, fait ressortir Takesh Luckho.
Sur le plan régional, l’économiste est d’avis qu’une telle agence favoriserait l’intégration économique régionale en améliorant la compréhension mutuelle des risques et des opportunités économiques.
Attention aux risques
Selon nos interlocuteurs, la mise en place d’une agence régionale de notation de crédit présente également divers risques. Takesh Luckho explique que si l’agence dépend des gouvernements locaux pour son financement, il y a un risque de conflits d’intérêts qui pourrait mettre en péril son indépendance. « L’agence pourrait aussi être perçue par les investisseurs internationaux comme étant favorable aux entités locales, ce qui pourrait diminuer la crédibilité des évaluations », fait-il ressortir.
En outre, il souligne qu’il est possible que l’agence manque d’expertise et de ressources similaires à celles des grandes agences internationales, ce qui peut avoir un impact sur la qualité et la rigueur de ses évaluations.
Hafeez Toofail abonde dans le même sens. « Une nouvelle agence régionale pourrait rencontrer des défis pour établir sa crédibilité et sa confiance sur le marché, surtout face à la domination des grandes agences internationales déjà établies », dit-il. De plus, ajoute-t-il, les pressions politiques ou économiques locales pourraient compromettre son indépendance.
Cap sur la crédibilité et la fiabilité de l’agence
Il est essential de mettre en place une gouvernance solide et indépendante afin d’assurer la crédibilité et la fiabilité de l’agence de notation de crédit régionale. C’est du moins ce que propose Takesh Luckho. Selon lui, il est crucial que l’agence publie des rapports annuels qui exposent en détail ses méthodologies et ses décisions. « En adoptant des normes internationales tout en les ajustant en fonction des particularités régionales, il est possible de maintenir des critères rigoureux et stricts », affirme-t-il.
Un avis que partage Hafeez Toofail. L’agence devrait s’engager à mener des analyses périodiques et transparentes de ses propres performances, dit-il. « Cela impliquerait la publication régulière de rapports d’audit et d’évaluation interne, permettant ainsi au public et aux parties prenantes de suivre et d’évaluer la qualité de son travail », argue-t-il.
De plus, l’agence régionale peut également trouver des partenariats stratégiques, même avec des agences établies. « Les trois grandes agences de notation sont bien établies. Elles exercent une influence significative sur les marchés financiers et sont largement considérées comme des références pour l’évaluation du risque de crédit des émetteurs d’obligations », fait-il valoir. Il cite l’exemple en Inde avec CRISIL, qui est maintenant une subsidiare de S&P Global.
Questions à…Kamal Hawabhay, Managing Director de Global Wealth Management Solutions Ltd : «Cela augmentera la confiance dans le marché mauricien»
Comment accueillez-vous l’ambition de créer une agence de notation de crédit régionale ?
D’abord, il faut souligner que les pays africains, y compris Maurice, évoluent dans une région géographique complètement différente des autres. Par exemple, on ne peut pas comparer l’environnement des affaires en Afrique avec celui de l’Europe.
À ce jour, les notations de risque dans l’Union africaine sont attribuées par les grandes agences de notation internationales, et les mêmes critères utilisés pour les pays développés sont appliqués aux pays africains. En conséquence, les nuances des pays en développement et les réalités africaines ne sont pas pleinement prises en considération.
Avec la mise en place d’une agence de notation régionale, les notations refléteront de manière plus appropriée la situation réelle en Afrique.
Comment Maurice peut-il tirer parti de cette agence de notation de crédit régionale ?
Une agence de notation régionale augmentera la transparence et la confiance des investisseurs dans le marché mauricien, ce qui peut attirer plus d’investissements étrangers directs (IDE). D’autre part, des entreprises et des investisseurs à Maurice souhaitent investir dans certains pays africains. Mais en considérant les notations de crédit attribuées par des agences internationales, ils se montrent réticents car ces notations sont souvent plus négatives. Avec une agence régionale dont les notations reflètent les réalités économiques, ils peuvent être plus confiants.
Comment s’assurer que l’agence est crédible et fiable ?
Dans n’importe quelle activité économique, il y a des risques. Une société de notation récemment mise en place risque d’émettre des notations « trop favorables ». Ainsi, pour assurer sa crédibilité, il est essentiel que l’agence soit proprement réglementée.
Les régulateurs doivent suivre de près les notations émises par l’agence et s’assurer qu’elles sont conformes aux exigences internationales. Le recrutement des membres de l’agence doit se faire de manière transparente. Ces personnes doivent être crédibles et posséder toutes les compétences et l’expérience nécessaires.
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