Un « massacre routier ». C’est ainsi que le blogueur moto Sébastien Bigara a qualifié les nombreux drames sur nos routes, notamment impliquant des motocyclistes, sur son blog personnel, The Viking Rider. Afin de contribuer à la sensibilisation, il y partage de précieux conseils.
Une allure de « bad boy » qui ne passe pas inaperçue. Lui, répond avec amusement qu’il est plutôt du style « hooligan assagi ». C’est sur la plage de Tamarin que nous rencontrons Sébastien Bigara, alias The Viking Rider. Blogueur moto, l’habitant de Tamarin âgé de 32 ans sensibilise à la sécurité routière depuis 2020 sur son blog qui compte plus de 2 000 abonnés sur les réseaux sociaux.
Tel un étalon des routes, il arrive avec un vrombissement et descend de sa puissante Suzuki Grand Sport Experimental (GSX) 1400, vêtu d’un T-shirt noir avec des bretelles reliant son jean bleu. Aux pieds, des bottes de moto ICON. Il enlève ses gants, son casque noir comme l’ébène et son blouson en cuir dessinant sa silhouette rebelle avec son petit sac balançant nonchalamment à ses côtés. Un style qui se veut un mélange subtil de rébellion et de raffinement en hommage à la culture des motards connus comme les « Café Racers » dans les années 1960 et qui faisaient la course d’un café à un autre, en Angleterre, explique-t-il.
Assis sur le sable, le regard fixé vers l’horizon, Sébastien Bigara raconte que sa Suzuki GSX 1400, vieille de 19 ans, est sa fidèle alliée depuis cinq ans et demi. « Ma moto, c’est comme mon auto. Je vis dessus », sourit-il. Et si on faisait mieux connaissance ?
Sébastien Bigara raconte que c’est à 18 ans qu’il a fait ses débuts comme photographe, après être sorti précocement du système éducatif un an plus tôt. Avec l’argent obtenu lors de ses précédents anniversaires ou durant les périodes festives, il s’achète un appareil de photos. Sa spécialité : les portraits.
En travaillant à son compte, il parvient, en 2013, à remplacer son appareil de photos par un autre qu’il continue d’utiliser à ce jour. Quelques années plus tard, Sébastien Bigara décide de faire de sa passion pour la moto, son métier.
Cette passion remonte à l’adolescence, confie-t-il. Avec nostalgie, Sébastien Bigara relate qu’il a eu la chance de vivre dans de grands espaces entre champs de canne et flancs de montagnes. Un des gardiens, Creace, dont il se souvient encore, avait une Suzuki TS50. « J’ai piloté sa moto sous sa supervision. En me laissant faire, il n’avait aucune idée de la flamme qu’il avait allumée en moi. C’est une des nombreuses raisons pour lesquelles je lui suis reconnaissant », confie Sébastien Bigara.
Par la suite, il pilote les motos de ses amis. « Monn bien bat bis », dit-il dans un rire. À ses 18 ans, sa mère lui offre une Suzuki EN 125. Comme il avait déjà son « Learner », Sébastien Bigara passe son permis.
C’est en 2020, pendant la période de confinement due à la pandémie de COVID-19 qu’il crée le blog The Viking Rider. Pour cette appellation ? « Avant je faisais 110 kilos et j’avais de longs cheveux. Quand j’avais 24 ans et que je travaillais dans une entreprise maritime, mes collègues m’ont surnommé ‘Viking’. C’est resté. Comme je fais de la moto, ce nom me semblait tout indiqué pour mon blog », répond-il.
Lors de ses sorties à moto, seul ou avec des amis, il prend des photos et vidéos. « Comme on ne pouvait pas sortir à cause du confinement, j’ai créé mon blog The Viking Rider pour y publier bon nombre de ces photos et vidéos. »
Pourquoi filmer ses aventures à moto ? « Cela permet de voir nos performances, nos erreurs et d’y remédier pour une conduite plus prudente. Aussi, les vidéos permettent de partager des expériences avec d’autres motards et parfaire les bonnes techniques, entre autres », dit-il.
Au fur et à mesure qu’il évolue dans ce domaine, il comprend l’importance de bien se protéger et des comportements à adopter pour faire de la moto en toute sécurité. Professionnel dans ce domaine aujourd’hui, le motard est souvent le témoin direct des conséquences tragiques de l’imprudence sur nos routes. D’ailleurs, les victimes des accidents de la route, qui font malheureusement l’actualité quasiment tous les jours, marquent son esprit et renforcent sa détermination à agir en faveur de la sécurité routière à travers la sensibilisation sur son blog. Notamment aux bonnes pratiques.
« Comme tout le monde, j’ai fait des bêtises lors mes débuts à moto. Il m’est arrivé de rouler en savates pour les trajets très courts et la sensation était inconfortable. La plupart du temps, je portais un short et des chaussures inadaptées à la pratique de la moto », admet Sébastien Bigara.
Comme il connaît les risques sur nos routes et qu’il voit des jeunes qui pilotent des motos de façon de plus en plus imprudente et sans protection, il a décidé de partager ses expériences par le biais des vidéos qu’il poste régulièrement en ligne sur sa page Facebook The Viking Rider. Sur son blog, Sébastien Bigara utilise également son expérience et celle de ses amis motards chevronnés pour promouvoir l’utilisation d’équipements de protection indispensables.
Il est conscient qu’il ne pourra pas changer les choses seul. C’est pourquoi il se dit prêt à collaborer pour les campagnes de sensibilisation menées par les forces de l’ordre, en tant que professionnel de la moto. « Comme moi, il y a de nombreux professionnels dans le domaine automobile et de la moto qui peuvent partager leurs expertise et connaissances pour l’élaboration de stratégies liées à la sécurité routière », souligne-t-il. Et d’insister : « La prudence et le respect du code de la route sont les clés pour une conduite sûre et responsable. »
Les bons équipements sont essentiels
À moto, faut-il s’habiller comme un « astronaute » pour ne pas se blesser ? Dans un rire, Sébastien Bigara affirme que cela coûte cher pour avoir les bons « gears » pour faire de la moto. « Je n’ai jamais roulé sur l’or. À l’époque, je ramassais mon argent de poche. Mes premiers gants de pilote de moto étaient de couleur orange. C’est mon oncle qui me les avait offerts, même si je n’avais pas de moto », révèle-t-il.
En octobre 2009, lorsqu’il a eu sa première moto, il a acheté un casque de la marque Shark et un blouson dans un magasin. Ce n’est que quelque temps après qu’il a investi dans une paire de bottes. Un jour, alors qu’il faisait toutes sortes « d’expériences de pilotage » sur sa Suzuki EN 125, il a loupé un virage et sa moto a atterri dans les « fatak ». Lors du crash, son jean s’est déchiré et il a fini avec plusieurs blessures.
Les chutes à moto, il en a fait beaucoup ? « Sa enn ta sa. Monn bien bengn ar mercurochrome », dit-il dans un rire.
Comprenant l’importance de bien se protéger, il achète un jean de motard et des bottes ICON. « Ce sont des équipements que j’ai achetés à prix élevé à l’époque. Je les utilise depuis cinq ans et demi et ils me protègent encore aujourd’hui, bien que j’aie dû en remplacer certains à cause de mon changement de carrure. »
Selon le motard, il est important d’avoir les bons équipements de protection pour éviter le pire lors de la conduite à moto. Dans la foulée, Sébastien Bigara déconseille aux motocyclistes d’aller acheter des casques en quincaillerie. « Ceux de qualité supérieure coûtent cher mais ils assurent une bonne protection de la tête, du cou et du menton. Ainsi, songez à investir dans une protection maximum. »
En selle pour une conduite responsable !
Rien n’est plus trompeur que l’illusion du risque zéro accident sur nos routes.... Ce dimanche, plongez dans les réalités de la conduite à moto avec Sébastien Bigara, expert en la matière. Prêts à relever le défi de la sécurité sur deux-roues ? En selle !
Accident : le risque zéro n’existe pas
Sébastien Bigara est catégorique : le risque zéro accident n’existe pas sur nos routes et n’existera jamais. « Pour simplifier, un accident peut survenir à cause d’une défaillance mécanique, de l’infrastructure publique et, le plus souvent, d’une erreur humaine. Parfois, ces trois facteurs se combinent dans un même accident. »
En revanche, on peut s’efforcer de réduire la fréquence des accidents, et surtout leur gravité. Il insiste sur l’effort collectif de cette démarche. « Ansam, nou kapav arive. Kouma dialog la dir de lamin bate fer son », souligne-t-il, avant d’ajouter : « Vous imaginez le son que peuvent produire plus de deux millions de mains unies ? »
Ne rien prendre pour acquis
Sur la route, une règle essentielle : ne surtout rien prendre pour acquis. « Il est crucial d’anticiper les scénarios possibles en fonction de la situation actuelle et, par conséquent, de ne jamais se retrouver sans issue », affirme Sébastien Bigara. Pour lui, il est primordial que le motocycliste soit bien visible pour les autres usagers de la route.
« Nous devons nous assurer d’être visibles et de rester vigilants face aux angles morts », ajoute-t-il, avant de donner un « conseil d’expert » : « Avant de dépasser un véhicule, jetez un œil dans le rétroviseur du conducteur. Si vous pouvez voir son visage, et surtout ses yeux, cela indique qu’il peut également vous voir. Assurez-vous qu’il soit conscient de votre présence avant d’entamer le dépassement. »
Cependant, Sébastien Bigara conseille de rester prudent car de nombreux usagers de la route, quel que soit le véhicule, ne consultent leurs rétroviseurs qu’occasionnellement, alors que ce qui se passe derrière est tout aussi crucial que ce qui se déroule devant sur la route.
Éviter le « trial and error »
La question de la sécurité sur nos routes en général, et encore plus celle des motos qui sont les plus vulnérables, touche particulièrement Sébastien Bigara. « Moi aussi, j’ai commis des erreurs et mon expérience actuelle est là pour éviter au maximum à d’autres les ‘trials and errors’ que j’ai pu faire, et pour lesquels j’ai parfois payé le prix fort. En réalité, il s’agit de notre expérience collective, car de nombreux autres motards expérimentés partagent mon point de vue sur les sujets abordés dans mon blog », dit-il.
Et d’ajouter qu’il se rappelle avec émotion de son père qui disait à ses collègues : « Nous faisons le même travail, mais j’ai des années d’expérience en plus. Elles sont à votre disposition et gratuitement. Profitez-en. » C’est la philosophie que The Riding Viking applique, affirme le motard.
Le dépassement à gauche
Le dépassement à gauche, une pratique courante chez certains motocyclistes, est bien plus dangereux qu’on ne le croit. « On dépasse par la droite quand c’est possible, sinon on patiente », conseille Sébastien Bigara. D’ailleurs, c’est ce que stipule le code de la route.
« Un conducteur qui doit se décaler à gauche pour une quelconque raison pourrait coincer un motocycliste dépassant du mauvais côté entre son véhicule et une infrastructure routière, ou même pousser la moto dans le décor. Dans les deux cas, le motocycliste sera entièrement en tort car il n’était pas supposé circuler de ce côté-là. Et dans les deux cas, les conséquences seront au minimum douloureuses. »
De plus, fait ressortir Sébastien Bigara, cela ajoute un danger et une pression inutiles sur les autres usagers de la route.
Lane splitting : faites gaffe aux piétons
C’est quoi le « Lane Splitting » ? Sébastien Bigara explique que cela se produit lorsqu’un motocycliste remonte entre les deux files de voitures dans le trafic. Il rappelle qu’en cas d’incident lié à cette pratique, le motocycliste sera entièrement en tort aux yeux de la loi et des assurances.
« Il n’est pas rare de voir les piétons profiter du trafic à l’arrêt pour traverser la route. Techniquement, ils n’ont pas la priorité car ils ne sont pas sur un passage clouté, mais cela peut arriver », fait-il ressortir. Et d’ajouter que c’est pour cela que le « Lane Splitting » doit se faire à faible allure et avec respect par les motocyclistes.
Avoir des réflexes
Comme le temps de réflexe moyen humain est d’une seconde, Sébastien Bigara conseille aux motocyclistes et automobilistes de toujours garder en tête ce mot. « À 100 kilomètres par heure, un véhicule parcourt 27,5 mètres par seconde. C’est l’équivalent de cinq 4x4 alignés et c’est le temps nécessaire pour que vos réflexes se déclenchent, avant même de commencer à relâcher l’accélérateur », dit-il.
Il poursuit : « Je vous invite à considérer les mètres supplémentaires avant que le freinage ne commence. Ni Marquez ni Hamilton ne pourraient éviter une collision à un mètre du véhicule devant eux, ou d’un piéton, ou de tout autre usager dans une zone urbaine encombrée. »
Et d’ajouter que si la conduite sous l’effet de substances telles que les stupéfiants ou l’alcool s’ajoute à ce mélange, cela allongera encore les distances mentionnées plus tôt. Sans oublier la qualité extrêmement variable et la nature imprévisible de notre réseau routier, Sébastien Bigara maintient qu’il n’y a rien à gagner à rouler vite sur nos routes. « Soyez prudent. »
La différence de vitesse
Le motard affirme que la différence de vitesse entre les véhicules est aussi un aspect majeur de la sécurité sur les autoroutes. Il donne l’exemple d’un usager roulant à
60 km/h sur l’autoroute (ce qui est en dessous de la limite légale), alors que beaucoup ignorent que la vitesse minimale autorisée est de 80 km/h.
Pendant ce temps, un autre conducteur peut rouler légalement à 110 km/h. Une différence de 50 km/h les sépare. Selon lui, une collision potentielle ou une manœuvre d’urgence serait plus difficile à gérer que si la différence de vitesse était de 30 km/h, soit entre 80 km/h et 110 km/h.
« Conduire trop lentement dans les mauvais endroits est tout aussi risqué, car cela crée un écart de vitesse qui peut s’avérer dangereux, même si le véhicule le plus rapide respecte la loi », fait-il savoir.
L’importance de la formation
Bien que la formation soit à la base de tout, le jeune motard trouve que dans ce domaine, c’est malheureusement, pour ainsi dire, le néant. « Mis à part notre cher instructeur de moto, il n’y a tout simplement rien. Cette équipe fait vraiment un excellent travail. Leurs apprentis sortent de leur moto-école avec des bases bien plus solides que celles que nous avions à l’époque. » Pour Sébastien Bigara, il faut mettre en place davantage de formation de ce type, ainsi que de l’espace pour apprendre, pratiquer et approfondir ses connaissances de la conduite et du pilotage. Cela passe par la création de circuits. « Bien que la liste de leurs avantages soit longue, je peux vous assurer qu’ils profiteraient à tous, pas seulement aux passionnés de moto mais aussi aux piétons. »
L’indiscipline dans les zones de haute densité
Selon Sébastien Bigara, les zones de haute densité, comme le trafic arrêté ou les zones urbaines, malgré un rythme plus lent, sont de loin les plus dangereuses. « Par une interprétation erronée, on accuse souvent la vitesse dans les accidents, alors que le véritable problème réside dans l’indiscipline générale, et nous sommes à un point critique à ce niveau. »
Il estime que le cœur du problème réside dans ce terme : l’indiscipline, et les conséquences peuvent être catastrophiques. « Une vitesse excessivement élevée n’améliorera jamais la situation. Cela fait la différence entre un effleurement et un choc violent. C’est pourquoi conduire à une vitesse d’autoroute en ville ou suivre de trop près le véhicule devant soi sont de très mauvaises pratiques », affirme le motard.
Prévention et répression
La prévention, dit le motard, c’est offrir l’accès et l’espace pour la formation ainsi que l’information, puis punir les comportements abusifs. La répression, c’est simplement punir l’action quand la formation n’a pas été offerte, alors qu’elle aurait pu prévenir, en théorie, l’infraction. « C’est comme ne pas enseigner à un enfant à compter, puis le réprimander parce qu’il ne sait pas le faire ! Vous voyez le problème ? » commente Sébastien Bigara.
Les initiatives prises par l’État saluées mais…
Sébastien Bigara salue les initiatives prises par l’État, comme les campagnes télévisuelles de sensibilisation sur la sécurité routière. « L’adoption du ‘nouveau’ permis moto, basé sur le modèle des examens français, qui est bien plus complet que l’ancien examen trop simpliste que beaucoup d’entre nous ont passé, permet réellement d’évaluer l’aptitude d’un motocycliste », estime-t-il.
Selon le motard, c’est l’une des nombreuses idées qui, au fil des années, avaient été proposées par des organisations. « Les autorités ont reconnu leur pertinence et les ont mises en œuvre. Nous sommes parfois tellement en retard sur certains aspects de la sécurité routière que, dans la plupart des cas, il suffit de solliciter des conseils et de tirer parti de l’expérience d’autrui, ainsi que de reproduire les procédures adoptées par d’autres pays », affirme Sébastien Bigara. Il ajoute que, dans tous les cas, la communauté motarde sera présente pour offrir son soutien. « Il suffit de nous solliciter. »
Le partage des connaissances
Selon le motard, ils sont nombreux à avoir des connaissances solides et saines en matière de conduite, de pilotage et de technicité. « Nous sommes simplement là, prêts à apporter notre aide. Et nombreux sont ceux parmi nous qui contribuent déjà. » Il salue notamment Reshad, Ikhlas et les amis du Moto Club, « qui non seulement se réjouissent de contribuer au développement du sport mécanique, mais nous représentent aussi lors des compétitions internationales. Ils ont fréquemment aidé à sensibiliser le public. »
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