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Sans le sou et sans nourriture: l’infortune de huit Bangladais

Les Bangladais ont décidé de faire grève et d’avoir recours à un syndicat pour défendre leur cause.
Ils pensaient avoir obtenu un travail bien rémunéré. Or, la réalité est tout autre. Depuis deux semaines, les ouvriers bangladais sont obligés de consommer des mangues vertes et des noix de coco. Leur patron soutient qu’il est également une victime dans l’affaire. Ses employés et lui auraient été bernés par l’agent recruteur. Agile malgré sa taille, un rat se faufile sur la table de cuisine recouverte de moisissure. D’un mouvement rapide, n’ayant aucun morceau d’aliments à se mettre sous la dent, il se glisse à travers une cloison en plywood au pied de laquelle une eau claire s’est accumulée. Celle-ci suinte d’un vieux réfrigérateur rouillé qui est tout aussi vide que l’estomac des huit Bangladais censés préparer leur repas sur place. Ce mardi soir, de l’étage de cette maison où ils ont été logés, à Beau-Bassin, ces ouvriers guettent le moindre bruit. Ils craignent des représailles de la part de leur employeur, le patron de la société Empire Professionnal Ltd, qui les a recrutés il y a un peu plus de deux mois comme maçons. Venus à Maurice pour une durée d’un an pour construire un bloc d’appartements à Curepipe à raison d’un salaire de Rs 420 par jour, ils n’ont toujours pas été rémunérés. [blockquote]«Le problème des Bangladais n’est pas la nourriture, mais leurs salaires. [...] Ils sont arrivés au pays comme maçons, mais ils ne sont pas compétents dans ce domaine»[/blockquote]

Point de non-retour

Ils ne savent plus quoi dire à leurs proches restés au pays et qui comptent sur leurs salaires. Pour se restaurer, ils n’ont reçu que la modique somme de Rs 4 000 au début du mois de décembre. Pour apaiser leur faim, certains croquent les mangues vertes cueillis à bout de bras de la terrasse. Si ce ne sont pas des noix de coco. Sans le sou, sans nourriture, sans gaz ménager, le point de non-retour a été atteint lorsque la fourniture d’électricité dans la maison a été coupée. Tôt dans la matinée de mardi, les Bangladais ont décidé de faire grève. Ils se sont aussi résolus à se tourner vers un syndicat et à frapper aux portes de plusieurs ambassades pour se plaindre de leur sort. Dans un anglais châtié, ils disent être victimes d’esclavage moderne. Des inspecteurs du ministère du Travail sont bien allés visiter leur logement pour effectuer un constat sur place mercredi, mais les conditions de vie de ces travailleurs étrangers sont loin de s’être améliorées. Les chambres à coucher converties en dortoir ne paient pas de mine. Un pan du mur est recouvert de traces de sang des précédents occupants Bangladais forcés à rentrer à Dacca. Les toilettes sont dans un état exécrable : la cuvette ne tient pas en place et de la mauvaise herbe a poussé à côté du réservoir d’eau. Shaneer Gaungoo, l’employeur des Bangladais, présent au cours de la visite des inspecteurs, dit avoir été berné par un agent recruteur, car deux des Bangladais sont des tailleurs et ceux qui sont censés être des maçons disent ne pouvoir que poser des blocs et non fouiller des fondations. Le patron de l’Empire Professionnal Ltd explique le non paiement des salaires. Il prétend que ces ouvriers refusent de travailler, contrairement à dix autres ouvriers qui habitent sur un chantier dans la capitale. « Ces personnes ont un logement et de quoi se nourrir. On ne peut pas payer quelqu’un qui ne travaille pas. Ils ne respectent pas leurs contrats », lâche Shaneer Gaungoo.

Impuissants

Les Bangladais, eux, sont impuissants face à cette situation. Ils ont dépensé jusqu’à Rs 200 000 pour venir travailler à Maurice et se retrouvent face à une menace de déportation, car ils refusent de travailler pour soutenir leur demande d’être rémunérés. Au ministère du Travail, un rapport des inspecteurs devra être rédigé avant que des mesures ne soient prises. En attendant, ils ont le ventre vide… La Confédération des syndicats du secteur privé (CTSP) suit cette affaire de près. Elle indique que l’argent offert par l’employeur aux Bangladais pour se nourrir est insuffisant. « Pour le mois d’octobre, ces personnes ont obtenu un total de Rs 2 700 contre Rs 8 000 pour le mois de novembre et Rs 4 000 en décembre », fait ressortir un des porte-parole du syndicat, Veer Gukhool. Selon les Bangladais, leur employeur retient leurs passeports et menace de ne pas leur donner d’argent pour s’acheter des vivres, s’ils ne travaillent pas. « Le problème des Bangladais n’est pas la nourriture, mais leurs salaires. Ils ne travaillent pas. Alors, je ne peux pas leur donner un salaire. Ils sont arrivés au pays comme maçons, mais ils ne sont pas compétents dans ce domaine », dit l’employeur. Shaneer Gaungoo compte donc les rapatrier dans les meilleurs délais. « Ces personnes ont été bernées par leur agent. Elles ne sont que des victimes », plaide-t-il.
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