Les informations dévoilées par le Premier ministre, Navin Ramgoolam, sur l’ampleur des écoutes téléphoniques révèlent une pratique instaurée dès l’accession de Pravind Jugnauth au poste de Premier ministre
La révélation fait l’effet d’une bombe. En réponse à une question parlementaire, le Premier ministre a confirmé qu’un audit préliminaire, mené par des experts étrangers, a mis au jour un système de surveillance illégale des communications à Maurice. Ce dispositif sophistiqué aurait permis l’interception massive des appels téléphoniques fixes et mobiles, ainsi que du trafic Internet.
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Le système en question, PertSol, comprenait plusieurs stations installées à travers l’île et connectées au réseau local, capables d’intercepter et d’enregistrer, sans distinction, les communications de milliers de citoyens. Parmi les services espionnés figuraient Facebook, TikTok, WhatsApp, Signal et les courriels, dont les données étaient stockées, analysées et exploitées.
Ces révélations soulèvent de graves interrogations sur les atteintes à la vie privée, la légalité des opérations menées et l’usage final des informations collectées. Cependant, il s’avère que cette pratique aurait été instaurée dès l’accession de Pravind Jugnauth au poste de Premier ministre.
L’affaire prend sa source en 2017, année où l’ancien gouvernement du Mouvement socialiste militant a fait l’acquisition d’un dispositif de surveillance de pointe auprès de la société israélienne VERINT. Cette technologie a permis la mise en place d’un système d’interception à grande échelle, couvrant l’ensemble des communications téléphoniques et du trafic Internet à Maurice. Une nouvelle vague d’acquisitions d’équipements de surveillance a eu lieu au troisième trimestre de 2022, renforçant encore davantage les capacités d’interception des autorités.
Les équipements de surveillance auraient, selon nos recoupements d’informations, été acheminés par le biais de la Counter Terrorism Unit (CTU) et installés dans les infrastructures de tous les principaux opérateurs télécoms opérant sur l’île. Bien que ces dispositifs aient été intégrés aux installations des opérateurs, ils restaient pleinement accessibles non seulement à la CTU, mais aussi aux services de renseignement nationaux, notamment les National Security Services (NSS). Ce dispositif offrait ainsi aux autorités un accès sans précédent aux échanges numériques de la population, en l’absence de tout contrôle indépendant sur l’utilisation qui en était faite.
Selon une enquête préliminaire menée par des experts étrangers, plusieurs sites auraient été mobilisés pour ces opérations d’interception. Il apparaît que l’ancien gouvernement MSM aurait mis en place un véritable réseau de surveillance numérique tentaculaire. Toutes les communications téléphoniques, qu’elles transitent par des lignes fixes ou mobiles, auraient été systématiquement interceptées.
Mais la surveillance ne s’arrêtait pas là. Les publications sur les réseaux sociaux comme Facebook, TikTok, et les applications de messagerie chiffrée telles que Signal, étaient également interceptées. De plus, l’ensemble des courriels et échanges numériques, envoyés ou reçus, étaient redirigés vers des serveurs gouvernementaux, où ils faisaient l’objet d’analyses approfondies.
L’un des aspects les plus inquiétants de cette affaire réside dans les conclusions des experts internationaux collaborant avec la Mauritius Police Force. Alors qu’ils cherchaient à établir la nature des données collectées, ils ont découvert que celles-ci avaient été effacées au moment même où les résultats des dernières élections générales ont été annoncés.
Ce timing, pour le moins suspect, soulève des interrogations majeures : quelles étaient les informations stockées sur ces serveurs ? Pourquoi ont-elles été supprimées précisément au moment où le paysage politique se redessinait après les élections ? S’agissait-il de masquer certaines activités illégales ? Les autorités en place avaient-elles connaissance de cette destruction de données ?
Alors que l’enquête suit son cours, des voix s’élèvent pour exiger des explications sur l’utilisation de ces technologies et pour demander des comptes aux responsables. La destruction des données après les élections ajoute une dimension encore plus opaque à cette affaire, rendant impératif un examen approfondi des pratiques en vigueur au sein des instances de surveillance de l’État.
Le débat est désormais lancé : faut-il sacrifier la transparence et la protection des libertés fondamentales sur l’autel de la sécurité nationale ? Ou assiste-t-on à la révélation d’un scandale d’État dont les ramifications pourraient bouleverser durablement le paysage politique mauricien ?
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