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Relativité salariale : avis d’experts

Me Miguel Ramano (à g.) et Me Taij Dabycharun.
  • Me Miguel Ramano : « Les employeurs ne peuvent pas être plus royalistes que le roi » 
  • Me Taij Dabycharun : « C’est à Business Mauritius de démontrer comment le gouvernement est dans l’illégalité » 

Que ce soit du côté de Business Mauritius ou du ministère du Travail, on brandit la loi pour étayer sa position. Mais que pensent les hommes de loi sur ce bras de fer sur fond légal ? Le point.

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Selon Business Mauritius, les règlements ne sont pas conformes à la législation en vigueur. Du côté du ministère, on avance que c’est Business Mauritius qui est dans l’illégalité en recommandant à ses membres de ne pas payer la relativité salariale. Qui est dans le faux ? Qui est dans le vrai ? 
Me Miguel Ramano : Les règlements ont effet de loi. Pour « challenge » une « regulation », il y a des procédures qui sont valables pour tout le monde, que ce soit pour Business Mauritius, pour vous et pour moi. Si Business Mauritius dit de ne pas payer, il va à l’encontre de la loi. Business Mauritius ne peut pas déterminer la légalité d’un règlement. Une réglementation n’est pas illégale simplement parce que Business Mauritius le prétend. Cependant, s’il est convaincu de sa démarche, il y a des procédures à suivre. Il a tous les droits de le faire, mais il ne peut pas dire à ses membres de ne pas payer sans avoir recours à ces moyens. 

Me Taij Dabycharun : S’il y a des règlements qui ont été « gazetted », ils ont force de loi. C’est Business Mauritius qui est dans l’illégalité en recommandant à ses membres de ne pas payer les réajustements à leurs employés. C’est carrément inacceptable ! 

 À quelle procédure le patronat peut-il avoir recours ? 
Me Miguel Ramano : Tout d’abord, nous devons nous demander si Business Mauritius a le « locus » pour contester une quelconque réglementation. Vous pouvez agir si vous êtes concerné d’une manière ou d’une autre par la réglementation. Vous pourriez bien prétendre parler au nom de toutes les entreprises. C’est très bien, tout cela. Mais vous ne devriez pas leur conseiller d’agir illégalement, surtout si vous n’avez pas la capacité de contester vous-même les réglementations. « To be specific, an employer wanting to challenge the regulations can do so by way of judicial review. It can also ask that the regulations are not implemented, pending the determination of the Court on matter. » En d’autres mots, il demande à la Cour qu’on n’aille pas de l’avant avec la mise en œuvre des règlements tant que le judiciaire n’a pas tranché dessus. Mais, ce que fait Business Mauritius est assez malsain. Car, demain, n’importe qui pourra dire qu’il/elle ne suivra pas tel ou tel règlement car il/elle le juge illégal.  

Me Taij Dabycharun : Business Mauritius aurait dû mettre une injonction et avoir recours à la Cour quand les règlements étaient recommandés et pas encore promulgués. Ce n’est pas quand la décision est en phase d’application qu’on vient la contester. C’est à Business Mauritius de démontrer comment le gouvernement est dans l’illégalité.  

Si les employeurs refusent de payer, que risquent-ils d’un point de vue légal ? 
Me Miguel Ramano : Tout d’abord, nous devons nous rappeler que la principale législation, l’Employment Relations Act, érige en infraction le non-respect par les employeurs du Règlement. Ces infractions sont traitées par le tribunal du travail qui, en plus de la sanction infligée à l’employeur, condamne ce dernier à verser au travailleur la différence entre le montant qui aurait dû être payé à titre de rémunération et le montant effectivement payé. Ces règlements ont un effet rétroactif. Les employeurs doivent faire les réajustements en fonction de la relativité salariale, mais en sus de cela ils doivent payer le « back pay » et ils ont jusqu’à décembre pour le faire. 

Si un employeur refuse de payer le réajustement ainsi que le « back pay », il devra s’acquitter de tous les arriérés si la Cour ne lui donne pas gain de cause. Il faudra aussi ajouter les arriérés qui s’accumuleront tant que la Cour n’a pas pris sa décision. Cela peut être de six mois, voire un an. 

Business Mauritius fait le difficile, mais il va dans le bon sens qu’il faut payer car c’est la loi, même si on comprend que certains employeurs auront des difficultés financières à le faire. Les employeurs ne peuvent pas être plus royalistes que le roi.  

Me Taij Dabycharun : Il y a des procédures. Le ministère entamera des poursuites. Il faut, au préalable, qu’il y ait des doléances de la part des travailleurs qui n’ont pas reçu leur dus pour qu’il puisse agir.   

Si Business Mauritius décide de contester ces règlements, à quoi doit-on s’attendre concrètement ? 
Me Miguel Ramano : Comme je l’ai dit plus haut, vous devez vous assurer que vous disposez de la possibilité de contester la décision. Business Mauritius peut-il le faire seul ? Il faudra voir. Du moment que les règlements ont été « gazetted » (NdlR : dans ce cas précis, la publication à l’Officiel s’est faite le 13 septembre dernier), nous avons des délais très stricts à respecter dans les « judicial reviews ». « In any event », il y a un « requirement of promptitude ». En d’autres mots, il doit le faire le plus vite possible et ne pas attendre la dernière minute. 
D’abord, la Cour décide si c’est un « arguable case ». Ensuite, s’il a respecté cette première étape, le judicial review « is taken on the merits ». Il devra alors démontrer que la décision prise est irrationnelle ou illégale, en d’autres mots, que les procédures n’ont pas été suivies. Mais, ce n’est pas aussi évident de prouver que le « décision making process was flawed ». 

Me Taij Dabycharun : Si Business Mauritius décide de contester ces règlements, il doit montrer comment le ministre a utilisé son pouvoir de façon abusive. Mais la question se pose : comment se fait-il que dans le secteur public, on est en train d’appliquer la décision, alors que dans le secteur privé, on donne des directives pour qu’on ne l’applique pas ? Quel est le raisonnement ? Pourquoi quand le gouvernement a décidé de revoir les salaires, le patronat n’a rien dit et qu’après sa publication à l’Officiel, on parle d’illégalité. C’est à ne rien comprendre !  

Normalement, quand une loi est contestée, c’est sur la base que celle-ci est anticonstitutionnelle. Or, il n’y a rien d’anticonstitutionnel dans les règlements publiés à l’Officiel. Vos commentaires ? 
Me Miguel Ramano : Dans ce cas précis, je ne vois pas en quoi ces règlements sont anticonstitutionnels dans la mesure où il est question de réajuster les salaires de bien plus de 100 000 employés. Cela me paraît, de prime abord, farfelu de vouloir démontrer que ces règlements vont à l’encontre de notre Constitution.  

Me Taij Dabycharun : Business Mauritius doit montrer comment le ministre est en train d’abuser de son pouvoir en introduisant n’importe quels règlements et les imposer aux employeurs. 

  • salon

     

 

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