Le drame ayant coûté la vie, jeudi, à deux pèlerins qui revenaient de Grand-Bassin remet sur le tapis la réglementation des kanwars et l’aspect sécuritaire du pèlerinage. Certains parlent de « wake up call » et soulignent, qu’outre la question de taille des structures, il faudrait revoir la manière dont se déroule le pèlerinage.
Le débat est lancé. Faut-il introduire un cahier des charges pour ce qui est de la construction des kanwars, leurs dimensions, ainsi que les matériaux utilisés ? Bhojraj Ghoorbin, le président de la Mauritius Sanatan Dharma Temples Federation (MSDTF) a été sollicité pour une réaction. « C’est un grand débat. Rappelez-moi après les célébrations du Maha Shivratree », nous a-t-il dit.
N’empêche, Rajendra Ramdhean, ex-président de la MSDTF, est, lui, d’avis qu’il faut lancer un débat sur le sujet. Ce débat, précise-t-il, devrait comprendre la participation des dévots, des religieux de foi hindoue, des représentants des associations socio-culturelles, ainsi que des temples et autres délégués. « Il faut le consentement de tout un chacun. Bizin pran konsantman tou dimoun avan met enn lalwa, parski se enn zafer sansib. Il faut des débats dans ce sens, puis entamer un processus de référendum afin d’aboutir à un consensus », souligne-t-il.
Lors de son intervention sur Radio Plus, durant l’émission Au cœur de l’Info vendredi, Navin Unoop, le vice-président de la Voice of Hindu (VoH), s’est dit favorable à la réglementation de la dimension des kanwars. Faisant notamment remarquer que nos routes sont d’une largeur spécifique et que les structures qui sont transportées par les pèlerins ne doivent pas les obstruer. C’est la raison pour laquelle, précise-t-il, il faut « réglementer » la dimension des kanwars.
Anil Bachoo, qui a été président du Task Force dans le cadre de la fête de Maha Shivratree pendant une quinzaine d’années, exhorte les dévots à « construire des structures d’une dimension raisonnable afin de ne pas obstruer les rues ». « Je demande aux autorités, aux prêtres hindous, mais surtout aux organisations socio-culturelles de sensibiliser les dévots sur l’importance de construire des kanwars d’une dimension raisonnable », déclare-t-il.
Même son de cloche au niveau de la Hindu House. « Des campagnes de sensibilisation doivent être menées afin de décourager les dévots à construire de grands kanwars à l’avenir », fait-on comprendre.
Une vigilance accrue recommandée à proximité des lignes de haute tension
Le Task Force institué dans le cadre de la fête de Maha Shivaratree est montré du doigt. La présence des officiers du Central Electricity Board (CEB) et du Mauritius Fire and Rescue Service (MFRS) est remise en question.
« Tout comme les policiers de l’Emergency Response Service et ceux de la force régulière ont été déployés à travers le pays durant le pèlerinage, des membres du personnel du CEB et du MFRS auraient dû être postés à divers points sur le trajet menant au lac sacré de Grand-Bassin, notamment là où il y a des lignes de haute tension. Il semblerait que tel n’a pas été le cas », soutient une source policière.
« L’événement tragique de jeudi à Mare-Longue est définitivement un wake up call. Il faut à tout prix revoir le déroulement des pèlerinages au Ganga Talao pour la sécurité de tout un chacun. Primo, une déviation routière de quelques jours serait la bienvenue. C’est-à-dire allouer une voie uniquement aux pèlerins. Secundo, il faudrait proposer aux pèlerins de prendre la route une fois la nuit tombée afin d’éviter les embouteillages », propose un haut gradé basé à la Traffic Branch de la police.
Selon le CEB Act
Les lignes de haute tension doivent être à 7,5 mètres de haut
Le Dimanche/L’Hebdo est en présence d’un extrait du CEB Act. Le Regulation 21 (2) et (4) de la loi stipule que les câbles de haute tension de 66 000 volts (NdlR : Exceeding 33,000 volts but not exceeding 132,000 volts) doivent être placés à une hauteur d’au moins 7,5 mètres au-dessus de la voie publique. Et non à une hauteur de 7 mètres, comme souligné par le CEB. L’organisme, rappelons-le, a fait comprendre que ces lignes se situent à une hauteur variant entre 7 et 9 mètres.
Patrick Assirvaden : « Le représentant du CEB siégeant sur le Task Force doit s’expliquer »
L’ancien président du conseil d’administration du CEB, Patrick Assirvaden, est catégorique. Le représentant du CEB siégeant sur le Task Force institué dans le cadre de la fête de Maha Shivaratree doit fournir des explications. C’est ce qu’il affirme dans une déclaration à Le Dimanche/L’Hebdo.
Le CEB ou tout autre autorité compétente a-t-il déjà sévi contre les pèlerins qui soulèvent les lignes électriques à l’aide d’un bâton ? « C’est le travail du Task Force. Les représentants auraient dû se rendre compte que des gros kanwars allaient être transportés au lac sacré de Grand-Bassin. Je suis d’avis que des officiers du CEB auraient dû être en stand-by dans les régions où il y a des lignes de haute tension. Le représentant du CEB siégeant sur le Task Force doit s’expliquer. Il est vrai que certaines structures sont volumineuses, mais le Task Force aurait dû prévoir », avance-t-il.
Patrick Assirvaden est, du reste, d’avis que ce n’est pas la hauteur du kanwar ayant été la proie des flammes, jeudi à Mare-Longue, qui est à l’origine de l’accident. Il souligne également que la structure était « dépourvue » de générateur.
Les câbles de haute tension sont-ils généralement isolés ? « Non. Les câbles de haute tension de 66 000 volts (66 kV) ne sont pas isolés », précise-t-il.
Matériaux, design et dimensions
La construction d’un kanwar prend entre deux semaines et cinq mois, en fonction de la dimension et du design de la structure. Certains sont entièrement construits en bambou ou en bois. Des tiges en métal sont toutefois utilisées pour construire la base des kanwars volumineux. Ce genre de kanwars, fait-on comprendre, « pa poz lor zepol sa, met anba lerla roul lor koltar, ouswa tini li nivo zenou ».
« Chaque pèlerin exprime sa foi en Shiva à sa façon. Si ena fer bann kanwar ki sinp, ena al rod bann model lor internet ek zot fer parey. C’est la raison pour laquelle il y a une panoplie de designs de kanwar chaque année », apprend-on.
Qui dit design dit aussi dimension. Ceux qui confectionnent les plus beaux et grands kanwars sont-ils récompensés ? Y a-t-il une compétition entre les pèlerins ? Anil Bachoo et Rajendra Ramdhean démentent avec force.
« La construction des kanwars doit se faire sous l’œil vigilant de la police et des chefs spirituels des sociétés hindoues. Ces derniers doivent suivre le processus de construction et ensuite donner leur aval avant que les structures ne prennent la route », avance un chef religieux.
Mais quelle doit être la dimension « raisonnable » des kanwars ? La police explique que les kanwars volumineux font visiblement obstruction à la circulation et de ce fait, les dévots auraient tendance à commettre deux délits : obstruction de la voie publique et de la circulation, et non-obéissance aux panneaux de signalisation, causant ainsi des embouteillages monstres.
« Les pèlerins doivent construire des structures d’une dimension raisonnable afin d’éviter tout accident sur les routes », fait ressortir la Hindu House. « Un kanwar raisonnable doit être de la taille d’une voiture afin d’éviter tout empiétement sur la voie inverse lors du pèlerinage, mais aussi pour des raisons de sécurité », précise une source policière.
Quid de la hauteur ? Notre intervenant est d’avis que la structure doit être de 5 mètres de haut au maximum. « Ainsi, une fois sur les épaules, le kanwar ne frôlera aucun câble électrique », souligne-t-il.
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