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Rapport de la commission d’enquête sur l’affaire Britam - Penny Hack : «C’est grave que la NPFL n’ait été qu’un ‘rubber stamp’»

Penny Hack

Les conclusions de la commission d’enquête présidée par l’ancien juge Bhushan Domah sur la mise à l’écart de la National Property Fund Ltd (NPFL) concernant la vente des actions de Britam viennent, selon l’avocat Penny Hack, faire état d’une situation grave au sein de nos institutions. 

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Le rapport de la commission d’enquête vient une nouvelle fois mettre en lumière à quel point une institution où le gouvernement est le seul actionnaire a été complètement prise en otage par un ancien ministre et ses conseillers. Qui doit, selon vous, être blâmé lorsqu’une institution de l’État subit autant d’ingérence ?
Il faut d’abord comprendre que les amendements de l’Insurance Act, à l’époque, avaient créé une situation de trois capitaines dans un navire, avec le ministre, la NPFL et le Special Administrator. La NPFL, gérée par des fonctionnaires, n’était rien de plus qu’un rubber stamp. Cela dit, à ma connaissance, la NPFL et la vente des actions de Britam avaient été mis sous la supervision du ministre en question par l’ancien PM. Je ne pense pas que nous puissions suivre aveuglément tout ce que la commission d’enquête nous dit. 

Valeur du jour, toutes nos institutions sont sujettes à des ingérences, et même la commission n’est pas sans critiques. Le système actuel est un système d’ingérence. Nous tous sommes responsables de cet état de choses. Les gouvernements successifs, toutes nos institutions complices, qui tolèrent ouvertement l’interférence, le secteur privé afin de protéger ses commerces et la grande majorité des citoyens, qui restent les bras croisés. Même « la séparation des pouvoirs » est devenue de simples mots sans signification et ne semble plus vouloir nous défendre.

Il y a eu violation des articles 109 et 215 de l’Insolvency Act. Quelle sanction ?
La contravention de l’Insolvency Act est un délit. D’une façon générale, toute personne jugée coupable d’avoir commis une violation de cette loi est passible d’une amende n’excédant pas Rs 500 000. Par ailleurs, les articles 109 et 215 de l’Insolvency Act, concernent la nomination d’un liquidateur ou administrateur.

La pertinence des articles 109 et 215 de l’Insolvency Act dans l’actuel débat  ?
La commission d’enquête sur Britam, a constaté qu’aucune société n’aurait pu légalement être nommée administrateur spécial et qu’heureusement, aucun cabinet ne l’a été. C’est un associé qui a été nommé, mais même cela n’était pas correct. Le Managing Partner de la société n’aurait pas dû l’être, vu les dispositions de l’Insolvency Act 2009 et que la Financial Services Commission (FSC) a non seulement contredit l’éthique, mais aussi la loi, en procédant à cette nomination.

Par ailleurs, la FSC avait décidé que la société était disqualifiée, mais que le Managing Partner de la société pourrait être nommé et agir en tant qu’administrateur spécial avec le personnel de la société, sans dûment tenir compte des principes d’éthique. La commission d’enquête a été alors très préoccupée par la nomination du Managing Partner de la société, vu que la FSC n’avait pas respecté les articles 109 (1) ,109 (3) et 215 de l’Insolvency Act.

La commission d’enquête a aussi mentionné, dans son rapport, que d’éventuelles infractions liées à la violation des articles 109 et 215 peuvent avoir été commises par deux personnes, le Managing Partner et le Deputy Managing Partner de la société et la société elle-même. Cela, en relation à une interdiction par la loi d’exercer un devoir et une obligation professionnelle en conflit d’intérêts, de donner de fausses informations à la commission sur les dates et de faire de faux témoignages devant la commission.

Le permis d’une société peut-il être révoqué ?
En se basant sur le rapport Britam, la société, en tant que firme de comptabilité, risque de se trouver devant un comité d’investigation, puis un comité disciplinaire du Mauritius Institute of Professional Accountants (MIPA).

Si les allégations sont établies devant un comité disciplinaire, celui-ci peut imposer une ou plusieurs des sanctions suivantes : (a) l’annulation de l’inscription en tant que membre et le retrait du certificat d’exercice ou du certificat d’enregistrement ; (b) la suspension de l’adhésion auprès du MIPA pour une période juste, raisonnable et proportionnée ; (c) des avertissements verbaux et écrits.

Quel est l’impact d’un délit criminel sur une société… 
À priori, les délits criminels vont s’appliquer à une personne ou employé de la société qui a commis le délit de faux, usage de faux, selon le Code pénal, ou une violation de l’ Insolvency Act. Pour une société, dans un cas extrême, le MIPA peut finalement la retirer complètement de la profession, comme firme de comptabilité.  

Vous avez, vous-même dans le passé, servi comme vice-président de la GRA. Quels sont, selon vous, les garde-fous dont dispose le CEO ou le Board d’un organisme de l’État pour dire non à l’ingérence excessive d’un ministre ou de ses conseillers ?
Généralement parlant, le CEO d’un organisme ou un membre d’un Board est protégé par la loi et les règlements en vigueur. La seule question qui reste est de savoir si l’officier en question a le courage et l’honnêteté d’appliquer ces lois protectrices contre un ministre ou un politicien et puis d’en subir les conséquences. Dans la plupart des cas, la réponse est non. Quand nous regardons la composition de nos institutions et les différentes nominations, peut-on vraiment parler d’indépendance ou d’une volonté de lutter contre l’ingérence ?

Les fonctionnaires, sont-ils suffisamment mis au-devant de leurs responsabilités, lorsqu’ils témoignent d’ingérence ?
Conformément aux principes de bonne gouvernance, les fonctionnaires sont tenus de résister à toute ingérence politique dans leur travail et de dénoncer fermement un tel comportement. Ils le savent pertinemment bien maintenant, surtout que nous avons ironiquement un ministère de la Bonne gouvernance qui ne cesse d’organiser des formations en ce sens. Malheureusement, dans la pratique, certains participent volontairement l’ingérence, en particulier les officiers qui ont été nommés politiquement, et les autres ont trop peur de faire autrement.

Le rapport de la commission d’enquête a également fait état de négociations entre l’ancien ministre concerné et les repreneurs des actions de Britam Holdings « behind closed door », alors qu’on est en train de parler de transaction impliquant des milliards de roupies. Quelle lecture faites-vous de cette observation ?
La mention de négociations à huis clos semble être liée à la déclaration de la Commission que, dans le cas contraire, un certain nombre de failles dans l’argumentation kényane auraient été révélées, plus précisément celle de l’impact de l’effondrement de l’empire Rawat, afin de persuader de passer de Rs 4,3 milliards à Rs 2,4 milliards. Valeur du jour, on est toujours aveugle sur la question et les Kényans ne sont pas venus de l’avant pour justifier leur argument. La Commission aurait dû faire plus afin d’expliquer cette réduction énorme ou démontrer les failles possibles dans l’argument.

Selon beaucoup d’observateurs, l’absence totale de ‘recordings’ et de procès-verbaux de ces négociations va, au final, faire que nous ne saurons jamais ce qui s’est vraiment passé. Partagez-vous cet avis ?
Ce que nous savons, c’est que la chute de la BAI a été un désastre monumental pour le pays dans son ensemble. Il n’y avait pas de Ponzi Scheme. L’effondrement a été provoqué par vengeance politique, avec les conséquences et les souffrances dont nous sommes tous témoins. La suite, négociations et autres, n’étaient rien de moins qu’une chaîne de mauvaise foi, d’abus de pouvoir et d’incompétence, sous la responsabilité collective du gouvernement. Il est injuste de ne tenir que quelques individus responsables. Et n’oublions pas que la Commission Britam a été instituée par le même gouvernement.

 

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