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Questions à…Dr Mehjabeen Beebeejaun : «La malbouffe bouleverse nos hormones et fragilise toute notre santé»

Le Dr Mehjabeen Beebeejaun est endocrinologue, diabétologue et spécialiste en médecine interne.

La malbouffe ne se contente pas d’augmenter l’obésité : elle perturbe aussi le système hormonal, avec de lourdes conséquences pour la santé. Le Dr Mehjabeen Beebeejaun, endocrinologue, diabétologue, spécialiste en médecine interne et présidente de l’Endocrinology and Diabetes Association of Mauritius, explique les mécanismes en jeu et insiste sur l’importance du dépistage précoce.

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Sur le plan endocrinien, comment la consommation excessive de malbouffe agit-elle sur le métabolisme et les hormones régulant le sucre, comme l’insuline ?
L’insuline est une hormone clé produite par le pancréas pour réguler le métabolisme. Son rôle est d’aider l’organisme à générer de l’énergie et à contrôler le taux de sucre dans le sang. Des niveaux adéquats d’insuline permettent également de stocker l’énergie sous forme de graisses.

Une alimentation riche en sucres, en glucides et en graisses, mais pauvre en fibres, provoque de fortes poussées d’insuline, entraînant des pics de glycémie et un stockage accru des graisses, ce qui mène à l’obésité. À Maurice, plus de 400 000 personnes sont en surpoids ou obèses. L’accumulation de graisse viscérale et la stimulation chronique de l’insuline conduisent à une résistance à l’insuline : le corps produit alors des niveaux très élevés de cette hormone, ce qui augmente le risque de diabète de type 2.

Chez la femme, la résistance à l’insuline est associée à des déséquilibres hormonaux, comme le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK), qui impacte l’ovulation, la fertilité, la peau (acné, pilosité faciale excessive) et accroît le risque de cancer de l’endomètre. Chez l’homme, une accumulation de graisses dysfonctionnelles entraîne une baisse du taux de testostérone, favorisant la dysfonction érectile, l’ostéoporose et une diminution du bien-être général.

L’obésité est souvent décrite comme une maladie hormonale autant que nutritionnelle. Pouvez-vous expliquer ce lien et en quoi l’alimentation industrielle accentue ce déséquilibre ?
L’obésité est généralement définie par l’indice de masse corporelle (IMC ≥ 30 kg/m²). Mais une définition plus précise est celle d’une « maladie chronique, récidivante et progressive, caractérisée par une accumulation anormale ou excessive de graisse corporelle qui nuit à la santé ». Elle augmente le risque de diabète, de maladies cardiaques, d’hypertension, d’insuffisance rénale, de stéatose hépatique et de certains cancers comme ceux du sein, de l’endomètre ou colorectal.

L’obésité ne se résume pas à « manger trop ». De nombreux facteurs entrent en jeu : prédisposition génétique, déséquilibre hormonal, mode de vie et signaux du cerveau. Les aliments ultra-transformés stimulent non seulement l’insuline, mais aussi la dopamine, une molécule de « récompense » qui favorise l’addiction. Ils perturbent également les hormones de la faim, entraînant une sensation constante d’appétit, des fringales et une absence de satiété, ce qui pousse à trop manger. Enfin, les tissus adipeux en excès produisent des signaux inflammatoires qui accroissent les risques cardiovasculaires.

Quelles complications endocriniennes, au-delà du diabète de type 2, observez-vous chez vos patients en lien avec de mauvaises habitudes alimentaires ?
De mauvaises habitudes alimentaires, associées à une vie sédentaire, perturbent plusieurs hormones : insuline, leptine, ghréline, cortisol et hormones sexuelles. Cela conduit à l’obésité, au diabète de type 2, au SOPK, à l’infertilité, à des troubles osseux, à des déséquilibres thyroïdiens et au syndrome métabolique.

La résistance à l’insuline est de plus en plus fréquente chez des personnes jeunes et parfois même minces. Comment expliquez-vous ce phénomène dans le contexte mauricien ?
La résistance à l’insuline peut être causée par de rares mutations d’un seul gène ou par l’effet combiné de plusieurs gènes. C’est l’interaction entre la génétique et l’environnement – notamment le mode de vie – qui détermine le risque de développer cette condition. La nutrition maternelle pendant la grossesse peut également influencer le risque de résistance à l’insuline chez l’enfant.
Nous, Mauriciens, avons une prédisposition génétique à la résistance à l’insuline. Or, la plupart d’entre nous menons une vie sédentaire et dépendons fortement d’une alimentation très transformée, riche en sucres, en sel et en graisses.

Avec votre expérience, pensez-vous que le dépistage précoce devrait être systématisé pour les personnes à risque exposées à la malbouffe dès l’adolescence ?
Nous voyons aujourd’hui apparaître le diabète de type 2 et le syndrome métabolique chez des enfants. Cela impacte leur croissance, leur développement, leur santé générale et aussi leur estime de soi. Le dépistage devrait commencer dès l’enfance, surtout chez ceux qui ont de forts antécédents familiaux d’obésité et de diabète.

Une alimentation saine, l’exercice et des changements de mode de vie peuvent prévenir ou réduire ces risques. Les symptômes qui devraient alerter les parents sont : l’énurésie fréquente (pipi au lit), une prise de poids rapide, un assombrissement de la peau autour du cou et des aisselles, une fatigue constante, des règles irrégulières ou encore une puberté retardée. Tous ces signes doivent être explorés très tôt.

 

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