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Promesses électorales - générosité «calculée» : une équation à double tranchant

Certaines mesures du gouvernement suscitent des débats sur leur véritable pertinence.

Alors que le Premier ministre s’est lui-même autoproclamé le « Père Noël » de la population, des préoccupations émergent à plusieurs niveaux concernant la série de mesures annoncées semaine après semaine. La pertinence de ces annonces ainsi que la capacité d’un pays dépourvu de ressources naturelles à les financer, sont remises en question.

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Comment concilier l’assistance aux plus vulnérables avec leur accompagnement vers une sortie durable de la pauvreté ? Depuis la pandémie de COVID-19, le gouvernement a multiplié les initiatives pour soutenir financièrement les segments les plus vulnérables de la population. Parmi ces mesures, on trouve les allocations sociales, l’introduction de la relativité salariale, et la proposition de prêts immobiliers sans intérêt, entre autres. Ces actions visent à offrir un répit économique immédiat, mais elles suscitent également des préoccupations concernant le risque d’encourager une dépendance accrue à l’assistanat.

À Maurice, comme ailleurs dans le monde, les débats sur l’efficacité de ces aides font souvent débat. Les allocations sociales sont indéniablement un filet de sécurité crucial pour ceux qui se trouvent au bas de l’échelle sociale. Cependant, d’autres acteurs essentiels dans la lutte contre l’extrême pauvreté soulignent que ces aides financières, bien qu’importantes, ne suffisent pas à sortir les individus de la précarité. Ils plaident pour une approche plus holistique, où l’accompagnement social et professionnel joue un rôle central pour permettre aux plus vulnérables de retrouver leur autonomie.

Patricia Adèle Félicité, secrétaire générale de l’ONG Caritas, exprime un regret face à l’approche adoptée par le gouvernement dans la mise en œuvre des mesures sociales. Selon elle, il aurait été préférable que le gouvernement engage un dialogue constructif avec les ONG et les travailleurs sociaux avant de procéder à des annonces de politiques sociales. Elle souligne que c’est par le biais de ces consultations que les autorités pourraient mieux appréhender les besoins réels des plus vulnérables.

« Ce dialogue préalable permettrait non seulement d’approfondir la compréhension des difficultés auxquelles sont confrontées les populations les plus défavorisées, mais aussi de concevoir des mesures plus ciblées et adaptées à la lutte contre la pauvreté », dit-elle, insistant sur l’importance de cette collaboration pour élaborer des solutions durables, en phase avec les réalités du terrain. « En ouvrant la voie à une concertation plus large, le gouvernement pourrait non seulement renforcer l’efficacité de ses interventions, mais aussi trouver un terrain d’entente autour des actions à entreprendre pour réduire la pauvreté de manière concrète », dit-elle.

Patricia Fidèle rejette fermement l’idée selon laquelle le gouvernement encouragerait l’assistanat en offrant des allocations et autres aides sociales aux plus vulnérables. Elle estime qu’il est réducteur et méprisant de considérer ces mesures comme un simple encouragement à la dépendance. « Je suis convaincue que l’État doit soutenir financièrement les plus pauvres, car il est le seul à disposer des ressources nécessaires pour le faire. D’un autre côté, il est indéniable que les plus vulnérables ont besoin d’un soutien pour pouvoir se relever et démarrer quelque part. Ceux qui réduisent cela à de l’assistanat ne comprennent pas la réalité de l’extrême pauvreté », affirme-t-elle.

Toutefois, en tant que secrétaire générale de Caritas, Patricia Fidèle insiste sur l’importance d’un suivi efficace des bénéficiaires de ces aides sociales. C’est là, selon elle, que réside le véritable défi. « Je pense qu’il est crucial de mener une campagne nationale de sensibilisation pour éduquer les bénéficiaires sur la manière d’utiliser judicieusement ces allocations. Sans une telle initiative, les efforts risquent de ne pas produire les effets escomptés », souligne-t-elle.

Patricia Fidèle plaide également pour la réalisation d’études d’impact afin d’évaluer l’efficacité des mesures mises en place par le gouvernement. « C’est en procédant ainsi que les autorités pourront identifier les domaines nécessitant des améliorations et apporter les corrections nécessaires, si elles sont réellement sincères dans leur lutte contre la pauvreté », conclut-elle.

Bénéficiaires mal identifiés ?

Certaines mesures sociales récemment annoncées, bien que populaires, sont vivement critiquées pour ne pas vraiment tenir compte des personnes à qui elles devraient s’adresser. En effet, plusieurs de ces mesures selon certains observateurs, bénéficient à des personnes qui n’en ont pas réellement besoin. L’annonce de l’octroi d’Internet gratuit aux jeunes de 18 à 25 ans en est un exemple frappant. Selon de nombreux observateurs, cette initiative aurait été plus pertinente si elle avait été destinée spécifiquement aux écoliers et collégiens, pour qui un accès à l’Internet est crucial dans leur parcours éducatif.

Dans ce contexte, l’ancien éditorialiste et observateur politique Yvan Martial ne mâche pas ses mots. Il estime qu’il est illusoire de s’attendre à ce que le gouvernement propose des mesures véritablement ciblées en période électorale. « Nous sommes en pleine surenchère électorale. Tous les coups sont permis, et le gouvernement ne se privera pas d’annoncer des mesures dans le seul but de nuire à ses adversaires », déclare-t-il. Pour lui, la stratégie du gouvernement ne relève pas d’une véritable préoccupation pour le bien-être des citoyens, mais plutôt d’une démarche opportuniste visant à séduire le plus grand nombre d’électeurs.

Yvan Martial va plus loin en qualifiant d’aberrant le discours du Premier ministre, qui se targue de s’occuper des enfants dès leur naissance, jusqu’à l’université. Il considère que ces déclarations sont déconnectées de la réalité économique du pays. « C’est aberrant de voir un Premier ministre se flatter de tout cela alors que nous savons pertinemment que nous manquons de ressources naturelles et que notre production nationale est insuffisante », affirme-t-il.

Jusqu’où ira la surenchère politique ?

Dans un climat préélectoral où chaque promesse compte, la tentation de basculer dans l’assistanat semble de plus en plus présente. À quel point peut-on pousser cette logique d’annonces populistes, sous couvert de venir en aide aux plus vulnérables, sans franchir la ligne rouge de la démagogie pure ? Pour l’observateur Abdallah Goolamallee, les récentes mesures prises par le gouvernement ne relèvent pas de l’assistanat, mais d’une réponse nécessaire à la crise post-pandémie. « Ces initiatives n’ont rien à voir avec l’assistanat », insiste-t-il. « La COVID-19 nous a mis à genoux. Deux ans après, les répercussions sur la vie sociale sont encore palpables. Pendant trois ans, le gouvernement a tenté de redresser la barre après cette épreuve sans précédent, et aujourd’hui, il cherche à alléger le quotidien des citoyens », explique-t-il.

Abdallah Goolamallee reconnaît par ailleurs que ces mesures s’inscrivent dans un contexte particulier, où les séquelles de la pandémie continuent de peser lourdement sur la société. « La population est encore frappée par les effets de la crise sanitaire, et l’intervention du gouvernement trouve tout son sens dans cette optique », affirme-t-il. Toutefois, il met en garde contre l’idée d’une solution miracle. 
« Bien que ces mesures soient nécessaires, elles ne constituent pas une réponse durable. Il ne faut pas les voir comme une solution à long terme », nuance-t-il. Abdallah Goolamallee précise ainsi que « l’enjeu réside donc dans la capacité à construire une véritable stratégie de sortie de crise, au-delà des aides ponctuelles, afin de garantir une relance économique solide et pérenne ».
 

 

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