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Projet de loi - Fin du «crime passionnel» : une réforme majeure du Code pénal

Me Shameer Hussenbocus estime qu’on se débarasse d’un vestige du passé. Me Yuvir Bandhu explique que l’argument du crime passionnel ne sera plus recevable.

Un projet de loi en gestation prévoit de supprimer l’excuse légale pour les homicides commis en cas d’adultère. Mes Shameer Hussenbocus et Yuvir Bandhu abordent les implications de cette réforme longtemps attendue. 

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Le gouvernement a annoncé, dans sa décision du Conseil des ministres du vendredi 4 avril 2025, l’introduction prochaine d’un projet de loi pour modifier le Code pénal. L’objectif principal est d’abolir ce que l’on appelle communément le « crime passionnel ». Il s’agit d’une disposition qui permet à une personne ayant tué son conjoint ou l’amant/l’amante de celui-ci, surpris en flagrant délit d’adultère, de bénéficier d’une excuse légale. Ce changement répond aux recommandations du Comité des Nations unies contre la torture.

La législation actuelle, héritée du Code pénal français de 1810, considère l’homicide commis dans un contexte d’adultère comme un homicide involontaire « excusable ». Cette qualification permet à l’auteur du crime, même reconnu coupable, de ne risquer qu’une peine maximale de dix ans d’emprisonnement. Un nombre significativement inférieur aux sanctions prévues pour d’autres formes d’homicide.

« Cette loi date d’une époque où l’adultère était un crime puni par la loi. La France l’a abrogée depuis des décennies. À Maurice, elle subsiste malgré les recommandations de l’ONU, notamment en 2017, où le Comité contre la torture avait exprimé son inquiétude », explique Me Shameer Hussenbocus.

Avec la réforme annoncée, la notion de « crime passionnel » disparaîtra entièrement du cadre juridique mauricien. « Désormais, ce type d’homicide ne sera plus excusable. La peine maximale pourra aller jusqu’à 45 ans de prison », souligne-t-il.

En effet, cet amendement mettra définitivement fin à l’utilisation de la défense fondée sur la passion comme circonstance atténuante automatique, précise, pour sa part, Me Yuvir Bandhu. « L’acte serait traité comme un cas ordinaire d’homicide volontaire, sans réduction de peine fondée sur une provocation émotionnelle », dit-il. En d’autres termes, tuer son conjoint après l’avoir surpris en train de commettre un adultère ne constituera plus une justification légale pour obtenir une peine réduite.

La suppression de cette excuse légale transformera fondamentalement le traitement judiciaire des homicides commis dans un contexte passionnel. Les tribunaux ne pourront plus appliquer automatiquement une atténuation de peine pour ces cas spécifiques. Selon Me Shameer Hussenbocus, la qualification juridique dépendra désormais entièrement des circonstances propres à chaque affaire. Il explique : « L’accusé pourra être poursuivi pour coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de tuer, pour homicide volontaire ou pour crime si la préméditation est prouvée. La peine sera déterminée en fonction de la gravité des éléments. »

Ce que confirme Me Yuvir Bandhu : « La Cour pourra toujours prendre en compte les facteurs émotionnels comme circonstances atténuantes, mais il n’y aura plus de défense automatique liée à la passion. Cela signifie que des crimes auparavant considérés comme partiellement excusables pourraient désormais être punis plus sévèrement. »

Cette réforme du « crime passionnel » s’inscrit dans un effort plus large de lutte contre les violences faites aux femmes, « car ce type de meurtre est majoritairement perpétré par des hommes sur leur conjointe ou ex-conjointe », soutient Me Shameer Hussenbocus.

Paradoxalement, bien que la notion de « crime passionnel » soit ancrée dans l’imaginaire collectif, elle semble avoir été rarement invoquée avec succès devant les tribunaux mauriciens. « Je n’ai connaissance d’aucun cas, ces dernières décennies, où cette disposition a été utilisée avec succès par la défense », révèle Me Shameer Hussenbocus.

Pour Me Yuvir Bandhu, l’élimination de la défense basée sur le « crime passionnel » marque un tournant significatif. « Les tribunaux garderont une certaine marge pour reconnaître des circonstances atténuantes, mais la suppression de la défense basée sur le crime passionnel rendra ces cas plus difficiles à plaider ». En conclusion, Me Shameer Hussenbocus salue cette avancée juridique : « On se débarrasse enfin – et heureusement – d’un vestige d’une époque lointaine ».

 

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