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Programmés pour échouer

Passionnée de notariat, secteur auquel j’ai consacré plus de la moitié de ma vie, je suis intriguée par le fait qu’aucun candidat n’ait été reçu cette année aux examens de notariat. Même pas ceux de calibre (qui n’ont rien à voir avec cette lettre, qui n’engage que la soussignée). Jusqu’ici, aucun responsable n’a avancé d’explication sur les raisons de cet échec, mais des réponses s’imposent. À mon humble avis, les candidats ont été programmés pour échouer par certains examinateurs, aspirant sans doute au prix imaginaire de Nobel du notariat. Je n’ai jamais vu de questionnaires si compliqués. Pourtant, j’ai étudié les épreuves d’examens de notaires depuis que ceux-ci sont passés à l’écrit (avant, ils étaient oraux après un stage de six ans au moins dans une étude notariale – aujourd’hui, le stage vient après). Actuellement, ces examens comportent huit épreuves surchargées. Ce sont deux semaines de torture pour les candidats, car chaque épreuve comprend plusieurs questions principales auxquelles se greffent des questions subsidiaires, les unes plus complexes que les autres, portant même sur des sujets hors syllabus, par exemple le droit international qui s’applique aux régimes matrimoniaux. Il y a d’autres exemples. Une épreuve avait trait au sujet Civil Procedure. Or, cela concerne principalement les avocats et les avoués et à peine les notaires. Pourtant, les aspirants notaires y ont eu droit. Une autre concernait la Law of immovable property. Il était question de ventes d’immobiliers, de problèmes de saisie de biens par les banques, de conseils à prodiguer à une personne ayant acquis un bien de manière frauduleux… En quoi cela concerne-t-il les notaires, qui ne pourront jamais plaider pour leurs clients en cour et dont les attributions sont bien définies dans la Notaries Act ? Une autre encore nécessitait la soumission de quatre rédactions complexes en trois heures. Même en période de crise, dans une journée normale, aucun notaire n’oserait exiger autant de rédactions d’un clerc. Il y avait aussi l’épreuve concernant l’Opinion Writing. Là, c’est la cerise (pourrie) sur le gâteau. Après les exposés fleuves et soporifiques de neuf pages requis, susceptibles de dérouter les candidats en situation de stress, lorsqu’on arrive aux multiples questions disséminées lors de l’exposé, on en perd le fil. Il aurait fallu aux candidats un véritable fil d’Ariane pour sortir de ce dédale de questions. Obscurantisme notarial, sadisme à 100 nuances… ! Chaque année, les aspirants notaires, dont certains ont des charges familiales, doivent trouver Rs 110 000 pour quelques mois de cours et les examens ! À quelle fin ? Selon moi, le système, incluant le syllabus, demande à être revu. Tout comme les chargés de cours et les cours, d’ailleurs ! Le taux d’échec en est la preuve. Alors que sir Anerood Jugnauth avait presque démocratisé la profession notariale (depuis 1995, grâce à lui, les notaires peuvent exercer aussitôt leurs examens et leur stage terminés), les aspirants notaires sont bloqués avant de pouvoir pratiquer. En véritable conteuse, j’aime rappeler qu’il était une fois dans un pays qui s’appelle Maurice, mon père, ce cher héros, avait attendu 19 ans afin d’accéder à la profession notariale, alors très bloquée. Ce blocage existe (exprès ?) désormais au niveau des examens. L’île Maurice d’antan était célèbre pour ses esclaves marrons. Aujourd’hui, encourageons la prolifération du marronnage notarial. J’aime me rappeler que certains de mes estimés collègues n’ont même pas de certificat de fins d’études secondaires. Alors, mesdames et messieurs les examinateurs, pas de faveurs aux examens, simplement du fair-play ! À bon entendeur, salut. K.D.K. Jhuboo LALLAH Notaire
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