Avec la propagation du coronavirus – COVID 19, la Chine, considérée comme « l’usine du monde », est paralysée. Une situation qui suscite l’inquiétude, car à Maurice on retrouve du « Made in China » partout, dans nos assiettes en passant par les électroménagers, les vêtements ou encore les matériaux dont nous avons besoin pour la construction. Doit-on s’attendre à des retards d’approvisionnement ? Les produits importés coûteront-ils plus chers ?
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Scénario I : Vers des pénuries et des retards d’approvisionnement
Tony Ah Yu, immediate past president de la Chinese Business Chamber, est catégorique. « Il faudra s’attendre à certaines pénuries, car nous avons tous été pris de court par le coronavirus », prévient-il. Ainsi, le « lead time » – le délai que les produits prennent pour sortir du port de Shanghai ou Hong Kong pour parvenir chez nous – sera plus conséquent. « Il faudra aussi prendre en considération une forme de 'quarantaine' sur les produits qui resteront plus longtemps en mer. Il faut suffisamment de délai dans l’importation des produits pour qu’ils ne soient pas contaminés. Du coup, il faudra s’attendre à deux, voire trois semaines de décalage », explique Tony Ah Yu. Il faut aussi savoir que certaines usines en Chine, où les gens travaillent en masse, sont encore fermées pour limiter la propagation. « Certes, il y a une reprise du travail en Chine, mais certaines activités sont toujours paralysées. Ceci dit, nous ne devons pas craindre une pénurie dans l’immédiat. Tout dépendra de la durée de l’épidémie et des produits qui sont importés », souligne, Ah Kwet Li, ancien président de la Chambre de Commerce Chinoise.
Scénario II : Se tourner vers d’autres pays fournisseurs
C’est un fait ! Pour que leurs activités ne soient pas affectées, plusieurs importateurs se tourneront vers d’autres sources d’approvisionnement. « C’est une réaction logique que les importateurs opteront pour d’autres pays, tels que l’Afrique du Sud, l’Australie et l’Europe », avance Ah Kwet Li. « Certains vont essayer de pallier le manque, mais ce n’est que temporaire, histoire que la situation s’arrange en Chine », rajoute Tony Ah Yu. C’est d’ailleurs la solution qu’a trouvée Muslim Mungralie, gérant d’un magasin d’accessoires de portables à Port-Louis. « Nous nous débrouillons actuellement avec le stock que nous avons de la Chine. Mais, à partir de mars, nous nous rendrons en Inde et à Dubai pour nous approvisionner. Nous n’avons pas vraiment le choix », explique le commerçant.
Scénario III : Vers une hausse des prix
Qui dit d’autres pays d’approvisionnement, dit prix plus élevés. « Les produits chinois ont la réputation d’être moins chers. Ces produits de substitution vont sans aucun doute coûter plus. D’ailleurs, s’ils sont importés de l’Europe, il faudra prendre en compte l’appréciation de l’euro qui a grimpé à Rs 41 », indique Eric Ng, le directeur du Cabinet PluriConseil. Ce n’est pas Tony Ah Yu qui dira le contraire. « Il y a un meilleur rapport qualité/prix en Chine. S’approvisionner dans d’autres pays reviendra à plus cher. Les commerçants vont augmenter leurs prix en raison du manque à gagner, mais aussi pour plus de frais encourus », explique-t-il.
Pour Tony Ah Yu, il est encore trop tôt pour savoir le pourcentage d’augmentation. La hausse, poursuit-il, sera toutefois temporaire jusqu’à ce que la Chine trouve vite une solution.
De son côté, Muslim Mungralie ne cache pas son intention d’augmenter ses prix à son retour de l’Inde et de Dubaï. « Nous n’avons pas vraiment le choix. Là-bas, les produits se vendent plus chers qu’en Chine », fait-il ressortir. Ah Kwet Li attire, toutefois, l’attention sur certains commerces qui ont déjà commencé à profiter de la situation en augmentant les prix. « Le gouvernement est là pour surveiller la situation. La Consumer Protection Unit doit veiller au grain », recommande-t-il.
Scénario IV : Une reprise de l’inflation
Avec des produits importés plus élevés, c’est l’inflation qui sera alimentée. Bhavik Desai, Head of Research chez AXYS Stockbroking, estime que l’inflation nationale devrait passer d’un taux de 0,4 % en 2019 à 2,5 % d’ici la fin de l'année, à cause de nombreux facteurs, comme des importations plus coûteuses qui engendreront une inflation plus élevée. «Les consommateurs vont devoir subir une hausse des prix. Cette inflation sera, cependant, absorbée mais pas totalement par la compensation salariale», explique Suttyhudeo Tengur, le président de l’Association pour la Protection de l’Environnement et des Consommateurs (APEC). Mais, pas seulement. « Je ne crois pas que l’impact du coronavirus à lui seul aura un grand impact sur l’inflation. La baisse des prix des matières premières du pétrole va atténuer l’effet de l’appréciation des devises et les prix plus élevés des produits importés ailleurs », souligne, pour sa part, Eric Ng.
Scénario V : Vers une baisse des importations
Une baisse de nos importations annuelles est également à craindre. « Les importations de produits venant de Chine et excluant les carburants et la nourriture ont augmenté de 17 % à 27 % durant la dernière décennie. Si nous assumons que les disruptions des échanges ne durent pas plus qu’un trimestre et que nous ne trouvions pas d’autre sources d’importation, nous pourrions nous attendre à une baisse d’environ 3 % des importations annuelles, dans le pire des cas », explique Bhavik Desai dans un rapport axé sur l’impact du coronavirus.
Ail : une cargaison arrivera de la Chine ce dimanche
Chaque année, le pays importe près de 1 900 tonnes d’ail principalement de la Chine. Avec le coronavirus qui sévit en Chine, a-t-on du souci à se faire au niveau de l’approvisionnement de ce condiment ? « Que la population se rassure. Il n’y aura pas de pénurie d’ail sur le marché local », indique Beny Ramcharan, Assistant General Manager à l’Agricultural Marketing Board (AMB). Le board dispose de suffisamment de stock d’ail de la Chine. « Ce dimanche 16 février, une cargaison de 84 tonnes d’ail en provenance de la Chine arrive au pays. Par mesure de précaution, nous avons aussi importé 336 tonnes d’ail de l’Espagne qui est le deuxième pays producteur d’ail dans le monde. La cargaison arrivera au pays vers la mi-mars. Il n’y aura donc aucune rupture dans la fourniture de ce produit », annonce Beny Ramcharan. Faudra-t-il s’attendre à une hausse de prix ? « L’ail de l’Espagne est beaucoup plus cher, mais nous allons maintenir nos prix pour que la population ne soit pas affectée », indique notre interlocuteur.
À partir de mars, l’AMB se tournera vers l’Inde et l’Egypte pour s’approvisionner en attendant que la situation s’améliore en Chine. « Actuellement en Chine, les producteurs n’ont pas le droit de « process » de l’ail. Le pays veut éviter le travail en groupe pour limiter la propagation du virus », conclut Beny Ramcharan.
LE SAVIEZ-VOUS?
Certains maraîchers font grimper les prix de l’ail. Ils en vendent à Rs 100 le demi-kilo. Or, à l’AMB, l’ail se vend à Rs 110 le kilo, soit Rs 55 le demi-kilo. « Ils créent une psychose qu’il y aura une pénurie pour vendre plus cher » déplore Beny Ramcharan.
Chaque semaine, l’AMB met 38 tonnes d’ail sur le marché. « Pour empêcher la psychose créée par les maraîchers sur une éventuelle pénurie, nous mettrons exceptionnellement sur le marché 45 tonnes d’ail », indique Beny Ramcharan.
L’ail est récolté en mai et en juin en Chine.
La méfiance gagne les consommateurs
« Il y a des clients qui ont déjà affiché une certaine méfiance vis-à-vis des produits chinois », constate Ah Kwet Li. Du coup, il se retrouve à sensibiliser les consommateurs. « Le vecteur, ce n’est pas l’air. Il faut d’ailleurs 20 jours, voire un mois pour qu’un conteneur arrive à Maurice. Il n’y a donc aucun risque », fait-il ressortir. Pour Ah Kwet Li et Tony Ah Yu, c’est la méconnaissance sur ce virus qui engendre la méfiance. « Cette méfiance est, toutefois, non justifiée. Les gens doutent des produits chinois par manque d’information et de connaissance sur le coronavirus. C’est dommage, car on ne devrait pas avoir cette réaction envers les produits importés », avance Tony Ah Yu. Mais, une fois que les gens ont compris, renchérit Ah Kwet Li, ils continuent à consommer. « Espérons qu’on trouve rapidement un remède », conclut notre interlocuteur.
Interdiction d’importer des animaux vivants de la Chine
- 3 février : Le ministère de l’Agro-industrie impose une restriction sur l’importation des animaux, des poissons et d’autres produits dérivés d’animaux (fruits de mer réfrigérés, surgelés et séchés incluant la sauce de poisson, la sauce d’huitre, les objets à base de poil d’animaux, la laine, de la nourriture pour animaux, etc.) en provenance de la Chine.
- 7 février : Une nouvelle décision est prise. La restriction, qui est temporaire, est limitée simplement aux animaux vivants et aux poissons.
Des produits totalisant Rs 24 milliards importés de Chine | |
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Années | Valeur totale des produits que Maurice a importés de Chine |
2017 | Rs 29,6 milliards |
2018 | Rs 31,8 milliards |
2019 (janvier à septembre) | Rs 24 milliards |
Source : Statistics Mauritius. |
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