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Prison : ces mesures qui mettent le feu aux poudres

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Les nouvelles mesures prises par le Commissaire des prisons ne font pas l’unanimité. Si l’autorité pénitentiaire estime que ce sont là des mesures recommandées pour le bien-être de la société, d’autres mettent en avant les droits humains de ceux qui sont déjà privés de leur liberté.

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La polémique ne cesse d’enfler depuis l’annonce de la mesure visant à interdire la consommation de cigarettes dans les prisons. D’un côté, le service pénitentiaire dit s’être appuyé sur les recommandations du rapport de la commission d’enquête sur la drogue pour prendre une telle décision. De l’autre, les proches de nombreux détenus parlent d’une atteinte à la liberté des prisonniers. Raison pour laquelle plusieurs familles ont porté plainte à la National Human Rights Commission.

Pourquoi l’annonce de cette mesure cause-t-elle autant de remous ? La question a été abordée dans Le Grand Journal de la semaine dernière. Jean-Luc Émile a reçu Arvin Juwaheer, avocat exerçant dans le privé, Lindley Couronne, responsable de l’organisation non-gouvernementale DIS-MOI, Josian Babet, responsable de communication à la prison, Nelvy Naiken, responsable par intérim de la prison de Grande-Rivière Nord-Ouest et Riyad Bissessur, qui a passé 24 ans derrière les barreaux.  

Me Alvin Juwaheer a expliqué que quatre familles de détenus ont sollicité ses services. Elles souhaitent savoir si les droits de leurs proches sont respectés depuis l’entrée en vigueur le 1er février de certaines mesures. Outre le ban de la cigarette en prison, il y a la réduction de la liste des produits de consommation disponibles à la cantine ainsi que l’interdiction aux proches de verser de l’argent sur les comptes des détenus.

« L’interdiction de la cigarette a été l’étincelle qui a enflammé ce débat aujourd’hui. Il ne faut pas oublier que Maurice est signataire de la Convention des Nations Unies contre la torture. Nous avons demandé à la National Human Rights Commission de vérifier si les mesures prises par les autorités respectent les législations du pays », explique l’avocat. Me Alvin Juwaheer ajoute que la Reform Institutions Act de Maurice définit les pouvoirs du Commissaire des prisons, les conditions de détention ainsi que les droits et privations des détenus.

Nelvin Naiken a fait ressortir que la mesure portant sur l’interdiction de la cigarette a été prise en tenant compte du rapport Lam Shang Leen afin que la prison devienne une « smoke-free zone ». «Du point de vue social et économique, c’est une bonne chose. Selon le rapport, c’est la cigarette, utilisée comme monnaie d’échange, qui est à la base des transactions pécuniaires en prison », dit-il.

Lindley Couronne explique qu’il faut faire une réflexion sur le système carcéral de Maurice et qui va au-delà de ces mesures arbitraires prises récemment. « Le système carcéral de notre pays a certaines fois effectué des zigzags parfois incompréhensibles. Le Commissaire des prisons, je le vois personnellement comme un instrument politique. Le ministre Mentor a décidé d’amener une politique répressive et autoritaire. La cigarette est une mesure qui est contestée, mais il y a également toute une série de mesures qui peuvent être contestées dans les prisons. Il ne faut pas oublier qu’il y a un système politique derrière. Cette politique est vouée à l’échec, selon moi. Cela m’étonnerait que cette politique perdure », explique Lindley Couronne. Il poursuit en disant qu’il y a beaucoup de privations d’un prisonnier dans notre système carcéral.

Josian Babet, responsable de communication à la prison, explique pour sa part que les décisions ont été prises à un autre niveau. « Nous avons commencé par diminuer graduellement la cigarette à partir des mois de novembre, janvier et février. La consommation de la  cigarette  a été réduite au plus bas. Pour les fumeurs invétérés, il a fallu leur trouver des alternatives. Les activités ont été étoffées à la prison afin que les prisonniers soient tout le temps occupés  pour ne pas se laisser tenter par la cigarette », dit-il. Il ajoute que tout est calme à la prison puisqu’ils ont pris la peine de leur expliquer les raisons de ces privations.


Nelvin Naiken – responsable par intérim à la prison de GRNO : «L’arrêt de la cigarette s’est fait avec l’accompagnement des différentes ONG»

« Il est vrai qu’il y a des mesures qui ont été prises au sein des prisons», explique le responsable. « Toutefois, les détenus peuvent toujours téléphoner à leurs proches selon un calendrier défini », lâche-t-il. « Je pense que, pour une île meilleure, il faut la contribution de tout un chacun. Ces mesures sont bonnes, car elles aideront à avoir un meilleur contrôle au sein des établissements pénitentiaires » dit-il.  « Par exemple, la cigarette permet de consommer des drogues telles que la marijuana ou les drogues de synthèse. Avec l’abolition des cigarettes, les drogues auront tendance à diminuer », certifie Nelvin Naiken. « De plus, cet arrêt ne s’est pas fait drastiquement comme l’avancent certains. Cela s’est fait graduellement et avec l’accompagnement des différentes Ong », a-t-il conclu.


«Enn prison roule ek cigarette…»

« Ek cigaret dan prizon enn dimoun lav ou linz, boukou travay  fer pou cigaret », explique Riyad Bissessur, ex- détenu pendant 24 ans. « Lorsqu’un nouveau détenu fait son entrée en prison, il n’a pas de cigarette, si je lui donne 3 cigarettes, il me le rendra avec un intérêt, c’est-à-dire 5, par exemple. Actuellement un paquet de cigarettes vaut Rs 4 000 en prison et une cigarette vaut Rs 200. Les cigarettes deviendront automatiquement plus cher avec ces nouvelles lois », explique Riyad Bissessur.


Me Rama Valayden, ex-Attorney General : «Un prisonnier peut changer avec la foi»

« Selon moi les nouvelles mesures implémentées en prison sont divisées en deux parties. Premièrement, les mesures répressives concernant le salaire et la nourriture des gardes-chiourmes  et les directives affectent le moral de ces employés et  créent un climat répressif au sein de la prison », lâche Me Rama Valayden.  Selon l’ancien Attorney General, cette situation est de plus en plus effrayante.

« Deuxièmement, il y a les conditions des détenus. On a supprimé les appels téléphoniques. Il se peut que le çommissaire des prisons pense qu’en implémentant des mesures drastiques, cela pourrait changer certaines personnes. Mais, selon moi, les droits humains ne s’arrêtent pas aux frontières de la prison. C’est seulement une déprivation de la liberté », lâche l’avocat.
« Un exemple pur et simple: les activités religieuses ont été supprimées à l’approche de des fêtes. Selon moi, il n’y a pas beaucoup de moyens pour changer quelqu’un incarcéré si ce n’est que par sa foi. En faisant de telles activités ils ont des chances de changer », dit-il.

 

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