Elles sont sans doute les seuls conseillers ruraux à s’émouvoir pour l’avenir de la musique classique indienne à Maurice.
Priscilla Bignoux, conseillère de district de Savanne, et Faranaz Islam, conseillère de village de Camp-Diable, ont pris le pari d’initier les jeunes et moins jeunes du Sud de l’île au chant carnatique durant un atelier musical qui se tiendra le 15 septembre au village Hill de Rivière-des-Anguilles. À l’affiche, Sharvan Bhoyjoonauth, le maitre mauricien de la tradition carnatique.
L’initiative revient à Faranaz Islam, qui fait ses vocalises dans les cours de chant Boyjoonauth, où se croisent toutes les générations et communautés. « En fait, je me suis inscrite parce que je crois que le registre carnatique peut perfectionner ma voix », explique la sémillante trentenaire. C’est elle qui a soufflé à Sharvan Boyjoonauth l’idée d’aimer un atelier musical dans la région dans le Sud de l’île. « Il y a un tel désert culturel et une absence de loisirs que j’ai pensé que cette activité remplirait une double fonction : d’abord initier les Sudistes à la musique classique du sud de l’Inde et, ensuite, éloigner les jeunes des tentations des fléaux sociaux », renchérit-elle.
La proposition plaît illico à Priscilla Bignoux, conseillère du village de Souillac, qui, elle aussi, redoute la perspective d’un Sud ravagé par la drogue et l’alcool mais plutôt que de faire appel au Conseil de district, elle part solliciter le centre de jeunesse qui, lui, tombe sous l’égide du ministère de la Jeunesse et des Sports. Et c’est son sens inné de la débrouillardise et une bonne communication qui vont emporter l’adhésion des hauts cadres régionaux. Car, il a bien fallu passer par l’étape des procédures administratives.
« D’abord, il a fallu présenter le projet devant le comité consultatif, puis au vice-président du Conseil de district », indique Priscilla Bignoux, qui reconnaît que la tâche n’était pas des plus aisées. « C’est la première fois qu’on cherchait à organiser un atelier musical dans le Sud et, plus est, consacré à la musique carnatique, qui est un registre méconnu à travers Maurice », fait-elle valoir.
Prévention sociale
Mais son argumentation de prévention sociale fait mouche, d’autant que l’atelier vise large en s’étendant aux familles, que la conseillère entend associer pour s’ériger en rempart contre les fléaux sociaux. L’endroit qui abritera l’atelier est d’une capacité d’accueil d’une centaine de personnes, une affluence qui suffit à ce type d’activités. « Le Conseil de district compte 32 conseillers représentant les 17 villages de Savanne, fait ressortir Priscilla Bignoux. Cela fait déjà beaucoup de monde, et avec Faranaz, nous faisons déjà un gros exercice de communication. »
Déjà familier de ces types d’activités, dans son école, durant les concerts publics, dont ceux à l’Alliance française et à Ébène et ses prestations étrangères, à Dubaï et Malaisie, Shravan Boyjoonauth se plaît à l’idée de diffuser la culture carnatique hors du cercle des initiés. « Ce challenge me plaît, dit-il, car c’est la première fois que je vais quitter mes cours pour animer un tel atelier de travail. C’est très ambitieux, car il sera question de musique, des discussions et de questions-réponses, dans une ambiance familiale. »
Salem, le fils de Ras Natty Baby
Mais l’objectif des organisateurs ne s’arrêtera pas à la seule musique carnatique car le chanteur, accompagné de huit musiciens, sera flanqué de Salem, le fils de Ras Natty Baby, qui pratique plusieurs instruments musicaux traditionnels africains, sans oublier le percussionniste Sivaramen Marday. « À côté du chant purement carnatique, nous jouerons aussi des morceaux fusion, ce qui permettra à l’assistance de se rendre compte de la variété de styles possibles à Maurice », dit Sharvan Boyjoonauth.
Cette journée, commencée avec du thé et des gueuletons, sera répartie en thématiques, avec un hommage à Fanfan, chanteur de sega traditionnel disparu récemment. Pour Priscilla Bignoux, cette initiative doit servir de prise de conscience culturelle aux conseillers. « Certes, reconnaît-elle notre priorité doit se focaliser sur les attentes des villageois, mais nous pouvons aussi mettre en valeur le riche héritage culturel du Sud.
Nous souhaitons faire de cet atelier la rampe de lancement pour d’autres activités culturelles. » Une réflexion que Sharvan Boyjoonauth espère voir émuler dans d’autres régions, en mettant à profit les espaces qui sont parfois laissés à l’abandon. « Mais, nuance-t-il, il faut aussi réfléchir à la décentralisation des espaces comme le Centre Sivanananda de Pailles et construire des lieux culturels dans les régions rurales afin de rendre visibles leurs activités culturelles. Pour y arriver, il faut une véritable impulsion de l’État avec le soutien du secteur privé. »
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