Exigences des temps modernes pour certains, exploitation de la main-d’œuvre pour d’autres, la polyvalence trouve de plus en plus sa place au coeur des entreprises.
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Employé comme chauffeur au sein d’une compagnie de transport par autobus, Anand (nom modifié) agit aussi comme receveur. Dans le jargon, c’est connu comme le « one man bus operator ». À chaque arrêt, il distribue lui-même les tickets d’autobus et recueille l’argent. Une tâche qui est généralement entreprise par un receveur. Mais on laisse entendre que graduellement ce sont ces types d’autobus qui opéreront sur nos routes. Les passagers pourront payer directement au chauffeur/receveur ou par carte. Il bénéficie d’une allocation financière.
« Au début c’était difficile mais petit à petit, on s’y habitue », explique Anand. Il est d’avis que les compagnies d’autobus vont graduellement introduire le « one-man bus operator », surtout dans le sillage de l’introduction du Métro Express. « On ne peut pas empêcher le progrès », dit-il.
Le polyvalence ne s’applique, toutefois, pas qu’au secteur du transport. C’est une tendance qui a tissé sa toile dans quasiment toutes les industries. Il n’est donc pas étonnant de voir un employé assumer à lui seul deux ou trois métiers à la fois. À titre d’exemple, dans certaines entreprises, une secrétaire porte également la casquette de réceptionniste ou de
« clerk ».
Point de vue patronal
Pour Shabnam Esmael, directrice de CQ-Tech, compagnie de sécurité spécialisée dans la sécurité à distance, la polyvalence est devenue cruciale dans le monde du travail où la compétition fait rage.
« Aujourd’hui, on fait de plus en plus appel aux personnes qui peuvent non seulement effectuer plusieurs tâches, mais qui produisent aussi un travail de qualité », dit-elle.
Selon la directrice de CQ-Tech, on vit dans un monde où on doit « adapt or perish ». Elle estime qu’être polyvalent et flexible au travail dépend de l’état d’esprit de la personne. « Tout le monde est polyvalent dans le quotidien », fait-elle ressortir. « Je suis à la fois directrice d’une compagnie, formatrice et maman et au bureau, si la femme de ménage est absente, je n’hésite pas à nettoyer moi-même mon bureau. Ça ne me diminue pas de le faire », ajoute-t-elle.
Point de vue syndical
« Certes, on ne peut pas empêcher le progrès, mais on ne peut pas exploiter les travailleurs non plus », martèle, pour sa part, Wakill Lalloo, principal négociateur de l’Union of Bus Industry Workers (UBIW). Il cite l’exemple des travailleurs polyvalents dans l’industrie du transport. Selon lui, ce système peut marcher sur les courts trajets. Il estime que cela comporte plusieurs inconvénients sur les longs trajets. Il fait notamment état du temps pendant lequel le chauffeur doit ramasser les recettes. Ce qui occasionne parfois des embouteillages. Le dirigeant syndical évoque aussi l’aspect de sécurité d’autant plus que l’employé en question doit se concentrer non seulement sur son travail de chauffeur mais aussi de receveur.
Wakill Lalloo trouve que ce système de « one man bus operator » est contraire à ce que stipule la « Road Trafic Act ». « Comment peut-on obliger les vans scolaires à employer un aide-chauffeur alors qu’on autorise les autobus à opérer sans un receveur ? », se demande-il.
Économies
Pour lui, le patronat n’utilise la polyvalence que comme un moyen de faire des économies sur la tête des travailleurs. Il estime que ce système se fait au détriment du travail des receveurs.
Un sentiment que partage Atma Shanto, président de la Fédération des travailleurs unis (FTU). Il dénonce le fait que des entreprises dont des compagnies de textile et des établissements hôteliers contraignent leurs employés à effectuer plusieurs tâches.
Pour lui, la polyvalence démotive les travailleurs, car ils ne se spécialisent plus dans un corps de métier. Il cite ainsi le cas des machinistes qui sont transférés dans d’autres départements où ils devront tout recommencer de zéro. Atma Shanto ne comprend pas comment on peut demander à un chauffeur d’effectuer certaines tâches durant ses heures libres. Pour lui, la polyvalence est un système qui exploite davantage les travailleurs sur leur site de travail.
Si la polyvalence est décriée par les syndicats, mais mise sur un piédestal par les employeurs, les employés, eux, semblent s’être adaptés, pour la plupart, à ce phénomène qui prend de l’ampleur jour après jour.
Les avantages de la polyvalence…
… pour le salarié
Le salarié peut, grâce à la polyvalence, développer de nouvelles compétences professionnelles. Il a ainsi l’opportunité d’apprendre de nouvelles pratiques, par des formations internes ou externes. Plus qu’une formation continue, il s’agit une véritable évolution. Il a la possibilité d’endosser plusieurs casquettes selon les besoins, et lors de périodes de forte sollicitation générale. Il pourra plus facilement trouver un emploi alternatif si jamais l’entreprise où il travaille ferme ses portes.
…pour l’employeur
Les entreprises font face à une concurrence de plus en plus féroce sur le marché. Et La polyvalence les aide à se renouveler. Faire preuve de polyvalence permet de maintenir un cap et de bénéficier d’une grande flexibilité des collaborateurs. La polyvalence permet également de motiver les employés, notamment en les incitant à se fixer dans de nouveaux objectifs, ou d’entreprendre des missions complémentaires. Au-delà de l’aspect « brise-routine », elle permet aussi aux employés d’obtenir une promotion. On peut également, grâce à une formation en contexte de polyvalence, déceler de nouveaux talents et apprécier certaines compétences. L’entreprise peut aussi facilement faire face à des situations où leurs employés sont absents, ou sont en congé de maladie ou de maternité.
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