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Police-FCC : fin des enquêtes en double, cap sur l’efficacité

Une collaboration plus efficace entre la FCC et la police est envisagée.

Fin des doublons entre la police et la Financial Crimes Commission (FCC). Avec l’adoption du FCC (Amendment) Bill, place à une coopération renforcée et encadrée entre les deux instances. L’objectif affiché : mener des enquêtes plus efficaces dans les affaires de corruption, de fraude et de blanchiment, tout en fermant la porte aux failles exploitées par les réseaux criminels.

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L’Assemblée nationale a adopté, le mardi 15 juillet 2025, les amendements à la Financial Crimes Commission (FCC) Act. Cette décision historique met fin aux enquêtes en double et ouvre la voie à une collaboration renforcée entre la police et la FCC. Désormais, ce cadre légal permettra des investigations conjointes dans les affaires de fraude, de corruption et de blanchiment d’argent. Cette modernisation vise à combler les lacunes exploitées par les réseaux criminels.

Le Premier ministre, Navin Ramgoolam, a présenté ce projet de loi en soulignant l’importance des nouvelles techniques d’investigation. Il a détaillé trois situations où la collaboration sera obligatoire. Premièrement, si lors d’une enquête, la police découvre des éléments liés à des délits financiers, elle devra en informer la FCC rapidement. Celle-ci pourra exiger une enquête conjointe. Les deux institutions collaboreront alors de manière systématique.

Deuxièmement, si la FCC mène déjà une enquête et que la police identifie un délit criminel connexe, c’est-à-dire lié à l’affaire, le Commissaire de police pourra solliciter une investigation conjointe. Cette synergie évitera les doublons. Troisièmement, les deux organismes pourront initier des opérations conjointes dès le départ. Cette approche coordonnée renforcera l’efficacité des investigations.

Navin Ramgoolam a insisté sur la transparence du nouveau système. Selon lui, cette réforme éliminera les risques de fuite d’informations. « Lorsqu’il y a deux enquêtes distinctes, les réseaux criminels profitent des failles », a-t-il déclaré. Le Premier ministre a précisé que cette loi garantira qu’aucune des deux institutions ne pourra empiéter sur les investigations en cours. Cela vise à préserver l’indépendance de chaque organisme. 

Joe Lesjongard : « Cela créera une crise institutionnelle » 

Pour le leader de l’opposition, Joe Lesjongard, cette réforme risque d’engendrer une véritable crise institutionnelle en brouillant les frontières entre la police et une institution censée être indépendante, à savoir la FCC : « On nous propose une mainmise de la police sur une institution indépendante, en l’occurrence la FCC. » 

Selon lui, ce texte législatif risque d’ouvrir la porte à une ingérence directe du Commissaire de police dans les enquêtes de la FCC. Il a souligné qu’en vertu de l’amendement, le CP pourra initier une enquête sous la FCC Act, avec la possibilité de procéder à des arrestations en ne faisant que notifier la commission. « C’est extrêmement dangereux de permettre au CP d’intervenir dans la FCC », a-t-il dit. Selon lui, elle pourrait compromettre l’autonomie de la FCC.

De plus, il a rappelé que la FCC souffre déjà d’un manque criant de ressources humaines, tout comme la force policière. Il a cité une réponse parlementaire du Premier ministre indiquant que plus de 3 000 postes restent vacants dans la police. Joe Lesjongard a également dénoncé l’instabilité législative entourant cette institution : « Il s’agit du second amendement apporté à la FCC Act par ce gouvernement. C’est un acte d’amateurisme, d’autant plus que la nomination du directeur général de la FCC n’a toujours pas eu lieu à ce jour. »

Me Gavin Glover : « Une modernisation nécessaire »

L’Attorney General, Gavin Glover, qui a présenté ce projet de loi, a souligné que les amendements à la FCC Act s’inscrivent dans une vaste réforme de l’appareil judiciaire, conformément aux engagements du programme gouvernemental 2025-29. Objectif affiché : renforcer l’efficacité des enquêtes financières en éliminant les frictions institutionnelles entre la police et la Financial Crimes Commission (FCC). 

Ce texte de loi constitue également une étape transitoire en attendant la création de la future National Crime Agency (NCA), qui s’inspirera du modèle britannique. Cette agence est censée centraliser les efforts dans la lutte contre la criminalité financière.

Selon Me Gavin Glover, cette réforme permettra une utilisation plus rationnelle des ressources, en mettant fin aux enquêtes parallèles menées par la police et la FCC sur des affaires communes. Cette approche évitera les doublons, souvent sources de confusion, d’incohérences juridiques et de gaspillage de ressources.

« La réalité est que les crimes financiers sont vastes aujourd’hui. L’importance de la collaboration entre la police et la FCC ne peut être mise à l’écart », a-t-il dit en évoquant les dérives du système avant les amendements. « J’ai moi-même défendu des clients faisant l’objet de poursuites simultanément par la police et la FCC dans des procédures parallèles », a-t-il laissé entendre. 

L’Attorney General a alors mis en garde contre les conséquences de ces chevauchements, notamment le risque de jugements contradictoires et la fragilisation des poursuites. Pour lui, ces failles profitent directement aux réseaux criminels, qui savent exploiter les zones grises du système : « Ce sont les réseaux criminels qui exploitent cela. »

Pour Gavin Glover, cette réforme marquera une modernisation dans la manière de mener les enquêtes. Il a insisté sur le fait que le cadre de collaboration prévu préserve l’indépendance et l’autonomie de chaque institution. Ce projet de loi vise donc à renforcer l’efficacité, la rapidité et la cohérence des enquêtes complexes, tout en visant à restaurer la confiance du public dans le système de justice pénale mauricien.

Adrien Duval : « Le rôle de la commission sera réduit dans la lutte anticorruption » 

Adrien Duval a, lui aussi, exprimé des réserves à l’égard du FCC (Amendment) Bill. Il déplore le fait que le comité parlementaire de la FCC, qu’il a qualifié de « farce institutionnelle », n’ait pas été consulté. Selon lui, cette précipitation à faire passer ce projet de loi soulève des interrogations quant aux véritables intentions du gouvernement. 

« Le rôle de la FCC sera réduit dans la lutte contre la corruption », a-t-il dit. Pour le député, loin de renforcer la commission, cette réforme affaiblira son rôle dans ce combat, en la plaçant dans une position subordonnée. 

Il a aussi mis en doute le modus operandi des futures enquêtes conjointes, se demandant notamment où auront lieu les interrogatoires : « Ce sera aux Casernes centrales ou au siège de la FCC ? » 
Adrien Duval a également mis en lumière les contradictions budgétaires de cette réforme. Alors que la FCC a vu son budget augmenter de 38 % cette année, il déplore un manque de résultats tangibles dans les grandes affaires. Parallèlement, il a souligné que les ressources allouées à la force policière ont été réduites.

Reza Uteem : « Cela permettra d’enquêter sur les malversations de l’ancien GM » 

Pour Reza Uteem, ce projet de loi marque une avancée majeure dans la lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent. Il a affirmé que les critiques formulées par l’opposition découlent d’une crainte que les nouvelles dispositions permettent de rouvrir des dossiers sensibles de l’époque de l’ancien régime. « Cette loi donnera du pouvoir aux institutions d’enquêter sur les malversations, sur des cas lorsque l’ancien régime était au pouvoir. C’est pourquoi ils s’y opposent », a-t-il déclaré lors de son intervention. 

Répondant aux critiques sur la lenteur dans la mise en place de la National Crime Agency, Reza Uteem a souligné que le précédent gouvernement avait mis huit ans à instaurer la FCC. « Nous sommes là depuis huit mois », a-t-il souligné. 

Reza Uteem a également rappelé que la réputation de Maurice avait été ternie après avoir été placée sur la liste noire de l’Union européenne, conséquence d’un manque de contrôle et de coordination dans la lutte contre le blanchiment d’argent. Le ministre a insisté sur le besoin urgent d’un partage d’informations entre la police et la FCC, qu’il jugeait jusqu’ici quasi inexistant. 
Il a défendu la disposition permettant au Commissaire de police d’engager des enquêtes conjointes avec la FCC. « Il ne s’agira ni d’un monopole de la police, ni d’un monopole de la FCC, mais d’une véritable collaboration dans les cas nécessaires. » 

Enfin, Reza Uteem a mis l’accent sur la nécessité pour la police de référer les cas de blanchiment dans un délai de 72 heures. « C’est un moyen d’enlever le pouvoir à la police. Nous restaurons les pouvoirs pour permettre de mener des enquêtes de manière adéquate. » Il a également reconnu le manque de moyens dont dispose la FCC, contrairement à la police, plaidant pour un rééquilibrage via la coopération interinstitutionnelle. 

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Rouben Mooroongapillay : « Une synergie potentiellement bénéfique, mais à encadrer » 

Dans une déclaration publiée sur sa page Facebook, l’avocat Rouben Mooroongapillay a salué l’amendement comme une avancée vers une meilleure coordination entre la police et la FCC. Il a souligné « le potentiel d’une synergie bénéfique dans les enquêtes sur les crimes économiques ».

Il a néanmoins appelé à la prudence, insistant sur l’importance de garde-fous solides pour éviter les dérives observées par le passé. Selon lui, si cette réforme est bien encadrée, elle peut renforcer la transparence et l’efficacité des enquêtes conjointes, en combinant les expertises des deux institutions. 

L’avocat Mooroongapillay a aussi mis en garde contre les risques de rivalité institutionnelle, de dilution des responsabilités et de conflits de juridiction. Il a plaidé pour un cadre de collaboration clair. Pour lui, il est primordial de veiller à ce que cette coopération ne devienne pas un moyen de se décharger des responsabilités qui incombent à l’une ou l’autre des parties. Il insiste enfin sur la nécessité de définir les modalités de collaboration et de partage d’informations.

 

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