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Pesticides : deux kilos de poison dans le corps de chaque Mauricien

Pesticides 2 384 tonnes de pesticides ont été importées en 2016 contre 2 194 tonnes en 2014, selon le ministère de la Santé.

Une personne ingère en moyenne deux kilos de pesticides involontairement chaque année, selon Anwar Husnoo, le ministre de la Santé. 136 personnes ayant ingurgité ce poison ont été hospitalisées en 2017. Les spécialistes de la santé estiment, pour leur part, que les effets sont bien plus graves.

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Cent trente-six cas d’intoxication par les pesticides ont été traités dans les hôpitaux en 2017. Deux patients sur trois étaient des hommes, a révélé Anwar Husnoo, au Parlement le mardi 3 juillet. Pour cause, une personne ingère en moyenne deux kilos de pesticide involontairement par an à travers les fruits et légumes qu’elle consomme. Et le phénomène ne fait qu’empirer. Selon le ministère de la Santé, de 2 194 tonnes de pesticides importées en 2014, le chiffre est passé  à 2 384 tonnes en 2016.

Toutefois, « ce n’est que le sommet de l’iceberg, car l’intoxication par pesticide est souvent sournoise et ses effets peuvent se faire sentir des années plus tard », affirme Dr Ishaq Jowahir, vice-président de la Private Medical Practioners Association.

« Les pesticides chimiques ont un effet sur le système nerveux avec des risques d’épilepsie et de paralysies, ajoute le généraliste. Ils sont aussi la cause de certains cancers, des malformations du fœtus ou de l’infertilité. »

Selon Dr Pierrot Chitson, spécialiste en médecine interne, la présence de résidus de pesticides provoque aussi des nausées, vomissements, douleurs abdominales et des problèmes neurologiques chez les enfants.

Au Parlement, le ministre Anwar Husnoo a aussi évoqué le risque d’intoxication par voies occulaire, respiratoire et cutanée. Fort de ce constat, Mahen Seeruttun, ministre de l’Agro-industrie, a expliqué au Défi Quotidien que son ministère se devait de prendre des mesures appropriées. D’où le projet de loi sur l’usage des pesticides. « Depuis plusieurs années, on évoque des problèmes de santé, dont certains cancers qu’on associe aux résidus de pesticides. » Selon le ministre, le Use of Pesticide Bill permettra un meilleur contrôle de la production des fruits et légumes afin que des produits contenant des résidus de pesticides ne se retrouvent pas dans les rayons.

« Des rapports du ministère de la Santé et de l’United Nations Development Program ont indiqué qu’il y avait un problème dans l’utilisation des pesticides dans le secteur agricole, ajoute Mahen Seeruttun. Dans certains cas, des planteurs ont fait usage de produits contrefaits ou ont effectué des mélanges de divers produits, les rendant plus toxiques. » Selon les analyses, 5 à 10 % des produits, mis en vente, contenaient des résidus de pesticides supérieurs à la norme autorisée.

Avec le projet de loi sur l’usage des pesticides, il estime qu’il y aura un meilleur contrôle et une meilleure utilisation. « Nous avons aussi pensé à la formation des agriculteurs et particulièrement ceux qui font l’épandage des champs. » En parallèle, il explique que son ministère a mis en place des mesures afin de réduire l’usage des produits chimiques dans les champs avec des mesures incitatives pour favoriser l’utilisation des fertilisants et pesticides bio ainsi que la pratique d’une agriculture raisonnée. « Si nous ne prenons pas des mesures aujourd’hui, nous risquons d’avoir des sols complètement arides et infertiles. »

Alors que le ministre Seeruttun affirme que des sanctions seront prises à l’encontre de ceux qui ne respecteront pas la nouvelle loi, Dr Jowahir se dit sceptique. « C’est une bonne chose de venir avec de telles mesures car la population doit être au courant des risques qui existent dans la consommation de produits agricoles qui contiennent des résidus de pesticides, dit-il, mais je suis sceptique. Qui veillera que la loi est bien respectée quand on sait qu’il y a déjà de nombreuses lois qui sont transgressées à Maurice ? »


Poison pour l’homme, poison pour la nature

Un meilleur usage des pesticides et l’agriculture bio ne sont pas uniquement bons pour la santé. Il est aussi bénéfique pour l’environnement. Selon Aurore Rouzzi, fondatrice de SensiBio, les pesticides chimiques ne ciblent pas que les nuisances des champs mais tous les autres insectes qui font partie de l’écosystème. « Les fertilisants chimiques nourrissent les plantes et non le sol, explique-t-elle. Les autres organismes sont aussi détruits et cela déséquilibre l’écosystème. » Des propos auxquels adhère le ministre Seeruttun. « Les vers de terre et les papillons sont de plus en plus rares alors qu’ils ont un rôle dans l’écosystème, dit-il. En réduisant l’usage des pesticides, c’est la sécurité alimentaire et l’environnement qui sont préservés. »


Comment bien laver ses fruits et légumes ?

Dr Jowahir exhorte la population à laver convenablement leurs fruits et légumes afin diminuer au maximum la présence des résidus de pesticide. Pour les en débarrasser, il faut les mettre à tremper dans de l’eau vinaigrée ou salée pendant une dizaine de minutes et les laver à grande eau. On peut aussi utiliser la poudre de bicarbonate de soude, ajoute le médecin. La nutritionniste, Yoshinee Dhunnoo, recommande cependant de ne pas trop les laisser tremper car ils vont perdre leurs vitamines. Pour diminuer les risques d’intoxication par les pesticides, elle conseille de consommer des produits bio.


La lente procession vers le Label Bio

La transition de l’agriculture conventionnelle vers le bio est un processus qui prend du temps, selon le ministre Seeruttun. À travers les Mauritius Good Agricultural Practices (MauriGap), le pays va entrer de plain-pied dans l’agriculture bio et les agriculteurs pourront avoir leur Label Bio. Le processus a déjà été enclenché et se fait par étape. Les champs doivent au préalable être débarrassés des pesticides – ce qui peut prendre deux à trois ans – avant de pouvoir relancer la production agricole et obtenir le Label Bio.

Conscient que les produits bio ne sont pas à la portée de toutes les bourses, le ministre Seeruttun souligne que sous le Small Farmers Welfare Fund, le Bio Farming Support permet à ceux qui se lancent dans ce type d’agriculture de pratiquer un prix raisonnable. Ils bénéficient de 60 % de subvention sur l’achat de fertilisants et pesticides bio.


Toxique

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les pesticides peuvent avoir des effets sanitaires chroniques et aigus selon le niveau et la voie de l’exposition. L’organisme passe en revue des données et met au point des limites maximales de résidus pour les pesticides internationalement acceptées afin de protéger les consommateurs de leurs effets nocifs dans les aliments. La toxicité d’un pesticide dépend de son mode de fonctionnement et d’autres facteurs. Le même produit chimique peut avoir des effets différents selon la dose. Sa toxicité peut aussi dépendre de la voie que l’exposition est susceptible d’emprunter (ingestion, inhalation ou contact direct avec la peau).

Source : OMS

 

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