À 17 ans, Ben Dimba ressent le besoin irrépressible de fumer un joint. S’il le fait d’abord par curiosité, il finit par y prendre goût. Pour fuir son mal-être, il passe du cannabis à l’héroïne. Il s’enfonce dans un enfer qui le mène tout droit aux portes de la prison de Beau-Bassin. Aujourd’hui, il est parvenu à s’extirper de ce maelström, mais la route aura été longue…
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Ben Dimba est en Form IV au collège John Kennedy lorsque son père, gardien de profession, décède. Ses deux sœurs s’envolent vers de nouveaux horizons et font leur vie à l’étranger. Pour épauler sa mère Ignesse, qui est femme au foyer, le jeune Ben quitte les bancs de l’école pour devenir maçon. Il ne perçoit que Rs 35 par jour.
Il change de boulot et se fait embaucher comme serveur dans le restaurant d’un parc de loisirs. Il exercera ce métier durant dix mois, avant de retourner à la maçonnerie. Son maigre salaire est utilisé pour acheter de quoi se nourrir. Il lui sert aussi à se procurer des cigarettes et de l’alcooln qu’il avoue ne prendre aucun plaisir à consommer.
En revanche, lorsqu’il goûte au cannabis pour la première fois, il aime la sensation d’euphorie qui s’empare de tout son être. Il est alors âgé de 17 ans. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, il devient accro au gandia.
La curiosité de Ben ne s’étanche pas. À 20 ans il découvre la sensation de plaisir que procure l’héroïne de base (Brown Sugar). Ses quatre amis et lui en achètent deux doses pour Rs 400 à Plaisance. Novice dans le domaine, il fait confiance aux grands pour s’injecter ce mal raffiné dans les veines. Ben raconte que c’est tout un rituel pour se droguer : « Bann-la ti met lapoud-la dan enn bouson rom. Apre met vineg dan enn lot. Sakenn pran so sering, ris so kantite vineg. Met li dan so kantite lapoud ek sof bouson la ziska li bwi. Apre pran enn coton mego sigaret. Kas li tibout. Plas li kot rebor bouson-la. Ris melanz-la pou evit impirte avan inzekte li dan lavenn. »
Ben affirme que l’effet est immédiat. Une chaleur torride l’envahit de la tête aux pieds. Les doses se multiplient au fil des jours et l’argent lui fait défaut. Il commence à dealer. « Mo pa dan bann larout kokin mwa. Monn koumans deal. Dan enn not 25 doz, mo ti pe gagn 6 doz pou mwa. » Il révèle que ses clients étaient à la fois des jeunes et des personnes plus âgées. En 2003, il se fait chopper par la police pour possession de Rs 3 500 soupçonnées de provenir de la vente de drogue.
Incarcéré, il apprend sa séropositivité
Il se remémore ce vendredi matin où les limiers de la brigade antidrogue éventrent les portes de son domicile, à l’avenue Surat. Face à cette descente inattendue, Ben capitule. Il est conduit à la New Wing de la prison de Beau-Bassin. On le soumet à un test de dépistage du VIH. Le résultat est positif. Ben tombe des nues. Il comprend qu’il a contracté le virus lors des échanges de seringues. C’est le coup de massue pour lui. « Enn koulev mari dir pou avale », confie-t-il.
Gouvernnma bizin rod enn stratezi ou solisyon pou tir depandans metadonn avek bann droge ki anvi sorti dan sa lanfer-la.»
Ben continue à se droguer en prison. Pour se procurer ses doses d’héroïne, il troque des paquets de cigarettes. « Mo ti pe atas 4 pake sigaret. Apre mo avoy li depi New Wing dan prizon Beau-Bassin. Apre bann-la ravoy mwa bann ros ki zot ti pe atas la drog-la, swa lor blok ou dan lakour. » Pour les injecter, il achète une seringue contre 15 cigarettes. Il échange aussi des psychotropes contre quelques cigarettes. Ce sont dans des sacs de nourriture ou de poisson que la drogue est dissimulée avant d’être balancée dans la cour de la prison, raconte Ben.
Ce sont les prisonniers « dealers » qui les récupèrent pour les distribuer. « Dan prizon, pou sak faver sakenn ti bizin donn kitsoz an retour. » Puis Ben est appelé à aider un infirmier à l’hôpital de la prison. Une opportunité pour lui de faire main basse sur des comprimés et des seringues neuves, qu’il dissimule avec tact, afin de ne pas se faire prendre.
Douze mois précédant sa libération, Ben intègre le Mauritius Prison Service Residential Rehabilitation Lotus Centre. « Enn linzistis ki mo pa merite. Me monn bizin aksepte mo erer. Monn zwe dan dife, monn brile », regrette-t-il. Il décide de s’occuper de sa santé et de changer le cours de sa vie.
Le 7 juillet 2007, il recouvre la liberté. Il est accueilli par ses sœurs. Mais un locataire occupe la maison que Ben a construite. Ce dernier se retrouve à la rue. Sa famille entame des démarches pour qu’il intègre des centres de soutien, mais en vain. « Monn viktim bann diskriminasyon akoz mo seropozitif, mo enn ex-prizonie ek mo ti pe droge. »
Ne sachant où aller, il recontacte son ex-compagne qui lui donne un refuge à Curepipe. « Li ti fini refer so lavi. Me li kontan mwa. Apre nou finn revinn ansam. Linn aksepte mwa kouma mo ete. » Parallèlement, Ben entame des rénovations dans sa maison à Quatre-Bornes. Mais en 2008, il fait une rechute. Il est arrêté pour possession de quelques milligrammes de Subutex. Cette fois, il est incarcéré pour un mois et demi. « Mo ti pe fer bann session dan enn sant Vacoas. Mo pa ti pe anvi perdi remission. »
La décision de s’en sortir
En 2009, Ben complète ses sessions de réhabilitation et retrouve sa copine. Cette fois il est clean. Il intègre le programme gouvernemental de la méthadone, un traitement de substitution pour les personnes dépendantes des opiacées. Il prend sa dose quotidienne au poste de police de sa localité, afin de le soulager des douleurs atroces qu’il ressent. Ben intègre ensuite AILES (Aide, Infos, Liberté, Espoir et Solidarité), qui a pour mission de réduire la transmission du VIH à Maurice, à travers des actions et des stratégies de réduction des risques, de soutien et d’accompagnement chez les usagers de la drogue et de leurs familles.
Après deux ans, Ben devient Peer Educator pour AILES. « Mo finn gagn lokazion partaz mo bann konesans ek ed bann dimounn. Kan mwa mo ti pe droge, pa ti ena personn pou ed mwa… »
Drogues synthétiques
« Bann zenes-la kan koz ar zot zot reponn : ‘Be ou pann fer sa kan ou ti zenn’ », confie Ben Dimba. Commentant la prolifération de la drogue synthétique auprès des jeunes, il affirme qu’il faudrait que l’État lance, en collaboration avec des organisations non gouvernementales spécifiques, une campagne de sensibilisation dans les établissements scolaires. Ben avoue qu’il a essayé la drogue synthétique. Il explique que celle qu’il a consommée était un mélange de « lapaille dithe », de benzine, d’acétone et d’un produit chimique originaire d’Asie. Pour la fumer, il l’a mélangée au contenu d’une cigarette. L’effet, dit-il, dure quatre heures. « Monn res imobil dan nwar san konpran ki pe deroule. Ladrog sintetik pa pou mwa sa. »
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