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Padma Utchanah : la «Madame Sari» devant le Parlement 

Padma Utchanah dit avoir manifesté devant l'Assemblée nationale afin d’éveiller la conscience collective.

« Madame Sari », c’est ainsi que les internautes décrivent Padma Utchanah depuis sa manifestation pacifique du mardi 26 juillet dernier. Elle a été remerciée en maintes occasions, mais également insultée et menacée. Le même jour, elle a porté plainte aux Casernes centrales pour incitation au viol et à la haine raciale. Rencontre avec une femme, une voix et une force.

Se réveiller un matin et décider de se rendre seule devant le Parlement pour manifester. Il faut avoir du courage, direz-vous. Et du courage, Padma Utchanah, âgée de 46 ans, en a. Quand elle a quitté son domicile, à Rivière-du-Rempart pour se rendre à Port-Louis, elle a été motivée par ses convictions et l’amour de son pays. 

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 Je manifesterai à chaque fois que le besoin se fera sentir."

Ce petit bout de femme pourrait facilement se fondre dans la foule. Mais tel n’est pas le cas, quand elle sort de son sac sa petite pancarte pour manifester devant le Parlement. C’est avec beaucoup de surprise que les passants se retournent sur elle, mais pas ceux qui sont habitués à la voir à la Place d’Armes. Parmi, des journalistes, des manifestants et même des politiciens. Le mardi 26 juillet dernier, elle a attiré davantage l’attention sur elle. Sa photo a été partagée des milliers de fois sur les réseaux sociaux, peut-être à cause de son sari… 

En effet, ce jour-là, Padma Utchanah avait revêtu l’un de ses plus beaux saris pour se rendre à la manifestation. Ceux qui l’ont croisée en chemin ou dans l’autobus vêtue ainsi, étaient loin de se douter où elle se rendait. D’ailleurs, le port de ce sari était loin d’être anodin. La quadragénaire a voulu au contraire qu’il soit symbolique. 

L’Inde n’est pas une religion, mais un pays."

Elle a voulu passer le message suivant : « Je voulais d’abord que l’on sache que je n’ai pas renié mes origines. Plus important que tout, le port d’un vêtement traditionnel n’a rien à voir avec la religion. Il peut être porté par des personnes de toutes communautés. Je voulais aussi que les gens comprennent que l’Inde n’est pas un pays ami, mais un ennemi si elle s’ingère dans la politique de Maurice et dans la vie privée de ses habitants. Je voulais aussi faire comprendre que notre Premier ministre est complètement soumis à son homologue indien. C’est là que réside mon combat. Je veux que les gens puissent enfin faire la différence entre les traditions, la religion et la politique. L’Inde n’est pas une religion, mais un pays. Lorsque j’émets des critiques envers l’Inde, je ne critique pas les hindous et la religion. J’ai tout à fait le droit de critiquer un homme politique, qu’il soit ici à Maurice ou en Inde ». 

Vous l’aurez compris, Padma Utchanah est une femme de conviction. Mais où était-elle pendant toutes ces années ? Cette maman de trois enfants explique qu’elle a quitté le sol mauricien il y a 30 ans. « J’ai toujours suivi la politique locale, mais j’avais décidé de fonder une famille et je m’occupais de mes enfants. S’engager en politique, c’est s’y consacrer tous les jours de l’année », confie-t-elle. Vu que c’est une femme qui n’aime pas faire les choses à moitié, elle a pris la présidence du Ralliement Citoyen pour la Patrie (RCP) quand elle a senti qu’elle pouvait réellement s’engager totalement. « Je n’ai pas choisi de rejoindre les partis politiques existants, car ils n’étaient pas démocratiques. On ne peut pas parler de démocratie et l’exiger des autres si dans notre propre parti il n’y a pas d’élection démocratique. Il ne faut pas que les personnes comme vous et moi ne puissent s’imaginer devenir leader d’un parti, car ce sont des postes réservés », ajoute la quadragénaire.

Padma Utchanah continue à jongler entre sa vie professionnelle, ses responsabilités familiales quotidiennes et ses engagements politiques. Elle avance que rien ne l’arrêtera. « Je continuerai à manifester à chaque fois que le besoin se fera sentir. Parfois, je le ferai avec les autres de manière structurée.  Parfois, je prendrai la décision la veille ou le matin ou quand il se passe quelque chose qui fait du tort à mon pays », indique notre interlocutrice. Quand on lui demande quelles sont les pensées qui l’habitaient quand elle était seule devant le Parlement, sa réponse est simple : « Je pensais à mon pays ». 

Si elle est soutenue par ses proches, elle avance aussi être très touchée par tout le soutien qu’elle reçoit de partout. « On y arrive petit à petit. Je me dis que tout n’est pas perdu quand je lis tous ces messages ou encore quand les personnes m’ont approchée et qu’une ou deux d’entre elles sont venues me tenir compagnie devant le Parlement. Il faut se réveiller. Je crois fermement que les gens prendront conscience de l’importance de ne pas se taire. Il faut continuer à éveiller cette conscience collective et patriotique, même avec les plus petits gestes », indique Padma Utchanah. Et si par petit, elle parle de sa présence devant le Parlement, c’est qu’elle n’a sans doute pas encore vu les étoiles dans les yeux des nombreux Mauriciens qui la regardent avec admiration.

Incitation au viol et à la haine raciale

Si Padma Utchanah est habituée aux insultes et aux propos dégradants qu’elle reçoit régulièrement sur sa page Facebook, elle explique qu’elle ne s’y attarde pas longtemps. « Je les efface tout simplement, car je ne veux pas perdre mon temps. Cela ne me fait pas peur, car quand on a peur, on ne peut pas faire de la politique », dit-elle.

Cependant, il est hors de question d’accepter des propos incendiaires et criminels. C’est pour cette raison que le mardi 26 juillet, elle a décidé de porter plainte contre l’internaute Hans Ash K. Kangaleea en compagnie de l’avocate Me Lovena Sowkhee. « Il a appelé au crime, en l’occurrence au viol contre ma personne et au meurtre généralisé contre une communauté au nom de Pravind Jugnauth et d’une religion alors que je manifestais devant le Parlement », souligne-t-elle. 

Elle a porté plainte, car elle n’était pas la première personne visée. « C’est aussi pour toutes nos filles, nos étudiantes et nos femmes afin qu’elles puissent ne plus avoir peur d’avancer… », affirme Padma Utchanah. Elle prévoit déjà une autre manifestation avec la diaspora mauricienne en France le 28 août prochain.

 

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