
Conscient des difficultés que des descendants de Chagossiens naturalisés traversent au Royaume-Uni, le leader du Chagos Refugees Group se dit prêt à les soutenir. Cependant, il dénonce les « vendeurs de rêves » qui exploitent leur détresse, soulignant l’ampleur des injustices non résolues.
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Pourquoi le gouvernement mauricien accepte-t-il aujourd’hui ce qu’il dénonçait hier comme un legs colonial : une souveraineté amputée de Diego Garcia ?
La souveraineté est officiellement restituée, du moins sur le papier. Je ne suis pas là pour juger, mais les instances juridiques internationales – de la Cour internationale de justice (CIJ) à l’Assemblée générale des Nations unies – ont tranché en faveur de Maurice. La position de Port-Louis est donc légitime : l’archipel des Chagos lui appartient de droit. Reste à savoir ce que vaudra cette souveraineté face à la présence militaire américaine et à l’échéance fixée par ce jeu d’équilibriste diplomatique.
Comment expliquer qu’un accord aussi symbolique soit en passe d’être finalisé sans débat public ni consultation des premiers concernés, les Chagossiens ?
Le gouvernement britannique s’est retrouvé dans une impasse après l’avis consultatif de la CIJ et le vote des Nations unies en faveur de Maurice. Face à cette pression diplomatique, Londres n’avait d’autre choix que de négocier. Mais ces discussions, menées dans un cadre multilatéral impliquant des acteurs comme l’Inde et les États-Unis, ont laissé les Chagossiens sur la touche. Ce dossier dépasse désormais leur seule cause : il s’inscrit dans une logique d’intérêts stratégiques. Le silence autour de cet accord en dit long sur la place réellement accordée aux premiers concernés dans cette restitution.
Le versement d’une compensation est-il une reconnaissance des torts subis ou une tentative d’étouffer les revendications chagossiennes ?
Le montant exact n’a pas été officiellement dévoilé. Ce qui est certain, c’est que Londres assume enfin une part de responsabilité, aussi bien envers la communauté chagossienne que le gouvernement mauricien. L’objectif initial restait un droit au retour et une compensation. Le compromis trouvé parle de relogement et d’indemnisation. Maurice devra s’assurer que les déracinés soient réellement indemnisés.
Un travail est en cours, avec avocats et experts, pour chiffrer ces réparations et soumettre un cadre précis aux autorités.
Quid des descendants ?
Les natifs restent prioritaires, mais les enfants de Chagossiens pourraient aussi être concernés. Pour les descendants de défunts, une filiation sera établie. Une conférence prévue les 25 et 26 juin abordera ces questions, afin de clarifier les critères et d’assurer une reconnaissance juste des ayants droit.
Qu’en est-il de la réparation morale et historique ?
Aucune somme ne pourra réparer l’exil forcé des Chagossiens. Mais la compensation financière reste une première étape. La reconnaissance des torts doit aller au-delà de l’indemnisation. Une pension à vie et des compensations sont envisagées, mais tout dépendra des termes négociés.
La priorité sera donnée à ceux qui adhèrent à l’accord en cours. Reste à voir si cette réparation inclura un engagement officiel du Royaume-Uni reconnaissant l’injustice historique subie par les Chagossiens et garantissant leur droit au retour.
Peut-on réellement parler de restitution de souveraineté quand Diego Garcia reste une base militaire étrangère ?
La souveraineté mauricienne s’étendra bien à l’ensemble de l’archipel, y compris cette île stratégique. L’enjeu sera d’assurer un accès aux Chagossiens, non seulement pour visiter leurs terres ancestrales, mais aussi pour travailler sur la base, au même titre que les Sri-Lankais et Philippins déjà employés sur place.
Reste la question des sépultures et de l’héritage chagossien sur Diego Garcia : leur préservation est essentielle pour reconnaître l’histoire des exilés. Le défi sera d’imposer une cohabitation juste, dans le respect des droits des premiers habitants.
La base militaire de Diego Garcia serait-elle un bouclier stratégique ou une bombe à retardement pour la paix dans l’océan Indien ?
Notre combat s’est toujours inscrit dans la non-violence et la diplomatie, comme en témoigne notre victoire devant les instances internationales. Mais pouvons-nous réellement imposer un départ aux Américains ? Leur présence résulte d’un accord avec Londres, non avec nous. Tant que cette réalité persiste, nous devons éviter un affrontement stérile et concentrer nos efforts sur la reconnaissance de nos droits, sans compromettre notre engagement pour la justice et la paix dans l’océan Indien.
Ce traité marque-t-il l’aboutissement d’un combat diplomatique ou le début d’une crise de confiance entre Port-Louis et les communautés chagossiennes ?
Ce traité est un précédent historique. De nombreux peuples déplacés – Palestiniens, Syriens, Kanaks – observent le combat des Chagossiens. La reconnaissance de la CIJ va au-delà de l’archipel : c’est la voix de l’Afrique qui s’est exprimée. Reste à voir si Port-Louis saura maintenir la confiance des exilés.
Comment réagissez-vous à la colère qui monte à Londres ?
Cette colère est, selon moi, alimentée par ceux qui refusent de voir la réalité en face. La majorité des Chagossiens soutient l’accord actuel, car il représente une avancée concrète après des décennies de lutte. Ceux qui s’opposent au deal sont souvent des victimes de faux espoirs. Ils ont été manipulés par ceux qui placent l’Angleterre au-dessus de tout, oubliant que les racines et les droits des Chagossiens sont ici, à Maurice. Bien sûr, il existe des défis à Maurice, mais aucun Chagossien ne dort dans les rues ici, contrairement à la situation dans d’autres parties du monde.
La naturalisation et l’obtention du passeport britannique ont été perçues comme une opportunité. Pourtant, certains, aveuglés par des promesses, n’ont pas réalisé les difficultés qu’ils rencontreraient. Il est grand temps d’arrêter de véhiculer de fausses informations. Le droit au retour, à la dignité et à la réparation des torts historiques passe par des décisions concrètes et éclairées.
Je suis prêt à fournir des preuves que de nombreux descendants de Chagossiens font face à des défis sous l’influence de ces « vendeurs de rêves ».
Ne croyez-vous pas que les Chagossiens ont aussi leur part de responsabilité ?
Vous avez raison de le souligner. Tout repose sur des questions de procédures en Angleterre. Il est crucial de comprendre ce cadre pour avancer dans la réparation.
Êtes-vous disposé à aider ?
Je suis tout à fait disposé à aider. Nous sommes avant tout une seule famille chagossienne, au-delà des divergences. Avec nos contacts en Angleterre, si des actions concrètes sont possibles, nous les envisagerons. L’unité et la solidarité restent notre priorité pour avancer ensemble.
Vous êtes conscient que votre nom est synonyme de rejet à Londres ?
À ceux qui me rejettent, principalement les troisième et quatrième générations, je réponds : je n’ai jamais compris la source de leur haine. Pourtant, ils doivent reconnaître mon impact et ma contribution. Mon nom incarne une empreinte, malgré leur rejet.
Le combat des Chagossiens semble aujourd’hui divisé entre ceux établis au Royaume-Uni et ceux restés proches de l’archipel. Cela traduit-il une fracture générationnelle, géographique, ou une évolution des revendications selon les lieux et les générations ?
Je respecte tout le monde. Mais il y a des personnes, notamment de la nouvelle génération, qui ne s’intéressent pas à leurs racines. Sinon, ils seraient en faveur d’un retour. Je connais la réalité. Les descendants doivent lever leurs mains sept fois au ciel, car c’est grâce aux natifs qu’ils ont le passeport britannique.
Agaléga montre les limites de la souveraineté mauricienne sur un territoire isolé. Pourquoi les Chagos échapperaient-ils au même sort ?
Si Agaléga peut bénéficier d’une gestion autonome, pourquoi les Chagos en seraient-ils exclus ? Paul Bérenger a évoqué un Agalega Council ; une démarche similaire doit être appliquée aux Chagossiens, dont la voix doit être entendue.
Le gouvernement mauricien affirme que la souveraineté sur les Chagos bénéficiera à toute la nation. Mais au-delà du symbole, que gagnera réellement la population mauricienne dans ce nouvel accord ?
En une phrase : la rétrocession des Chagos viendra parfaire l’indépendance de Maurice.

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