
Malgré d’importants investissements, les acteurs sociaux questionnent l’efficacité des programmes de la National Empowerment Foundation. Ils pointent un manque d’évaluation et de suivi face aux réalités du terrain.
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Créée en 2008 avec pour objectif d’éradiquer la pauvreté extrême et de bâtir une société plus inclusive et équitable, la National Empowerment Foundation (NEF) peine à concrétiser ses ambitions. Pouba Essoo, militante engagée, s’interroge sur l’impact réel des nombreux projets mis en œuvre depuis la création de l’organisme.
« Il est difficile d’évaluer l’impact des projets de la NEF, compte tenu du grand nombre d’initiatives menées depuis sa création. Beaucoup de choses ont changé selon les présidents du conseil d’administration et les directeurs qui se sont succédé à la tête de l’organisme. Chaque ministre responsable a apporté son propre programme », explique-t-elle. « Sur le papier, la démarche semble prometteuse, mais dans les faits, rien de tangible ne se dégage », affirme-t-elle. Elle déplore la persistance d’une profonde injustice sociale malgré les ressources investies.
La vision de la NEF, lors de sa création en 2008, était d’éradiquer la pauvreté extrême et chronique, et de tendre vers une société plus inclusive et équitable. Sa mission consistait à soutenir et à autonomiser les groupes vulnérables, en favorisant leur intégration sociale et l’amélioration durable de leur qualité de vie. Pourtant, sur le terrain, cet objectif reste difficilement perceptible, selon la militante Pouba Essoo.
L’absence d’évaluation est l’une des principales faiblesses pointées du doigt. « On lance des programmes, on dépense de l’argent, mais il n’y a aucune évaluation par la suite », déplore-t-elle. « Des lacunes structurelles ou systémiques empêchent la NEF d’obtenir des résultats concrets, notamment à cause du manque de suivi. »
La militante souligne aussi que, malgré les séances de formation offertes pour autonomiser les bénéficiaires, le manque de suivi compromet l’évaluation de l’impact réel. « Le suivi aurait permis de mesurer, en regard de l’investissement consenti, les résultats obtenus. Il y a un manque de transparence », avance-t-elle.
Aucune continuité
Le manque de continuité constitue également un problème majeur. « À chaque changement de gouvernement, les programmes changent. Il n’y a pas de continuité », déplore la militante. Les fréquents changements à la tête de l’organisme ont conduit à une succession de projets sans véritable cohérence d’ensemble.
Edley Maurer, responsable de l’ONG Safire, partage ce constat. « La NEF dispose d’une très grosse structure, avec un grand nombre d’employés, mais son impact positif reste très limité, si l’on met de côté les aides financières accordées aux familles », évoque-t-il. Selon lui, l’organisme manque de suivi en vue de l’autonomisation des bénéficiaires. « On encourage davantage l’assistanat. »
Le travailleur social pointe aussi « un grand manque de travail en profondeur » et un déficit de synergies entre la NEF et les ONG, malgré la volonté affichée de collaboration à travers les ‘community working groups’.
Le registre social de Maurice (SRM), qui détermine l’éligibilité aux aides sociales, fait également l’objet de vives critiques. « Les critères du SRM doivent être revus. Certaines personnes sont rejetées sans explication plausible, tandis que d’autres, qui mériteraient d’y figurer, ne le sont pas », déplore Pouba Essoo.
Pour elle, l’essentiel est d’évaluer l’évolution des bénéficiaires de la NEF. Sont-ils toujours inscrits dans le SRM ou en ont-ils été retirés ? Et, dans ce cas, pour quelles raisons ? « Nous travaillons depuis des décennies dans des zones de grande pauvreté, mais beaucoup vivent encore dans les mêmes conditions », constate-t-elle.
Selon elle, le système est faussé par les critères du SRM. Des bénéficiaires potentiels en sont exclus en raison d’une « richesse apparente », comme la possession d’appareils électroménagers, souvent obtenus en cadeau, ce qui ne reflète en rien leur réelle précarité.
Edley Maurer ajoute que « l’accompagnement offert aux parents est dépassé et inadapté à certains cas véritablement authentiques ». Selon lui, bien que des aides financières soient prévues pour encourager l’autonomie des familles — comme les allocations pour les uniformes, le matériel scolaire et le bonus de présence scolaire — l’impact réel sur le long terme reste très limité.
Il souligne aussi l’absence d’une véritable évaluation individualisée pour établir un plan d’action adapté aux besoins spécifiques de chaque famille. « Bien souvent, celles qui ont le plus besoin de ces aides ne figurent même pas sur les listes. Elles sont mobiles et vivent isolées dans des zones d’exclusion », explique le responsable de Safire.
Pour améliorer l’efficacité des programmes, les intervenants avancent des pistes. « Un ‘impact assessment’ est nécessaire pour mesurer comment les bénéficiaires ont réellement été aidés. Évaluer un programme, c’est une chose, mais ce qui compte, c’est son impact sur le terrain », insiste Pouba Essoo.
Edley Maurer souligne, lui, que « le travail doit se faire là où vivent les familles, pas depuis un bureau ». Ce qui nécessite, selon lui, des formations spécifiques pour intervenir sur le terrain. Il reconnaît que les aides financières sont utiles, mais souligne qu’elles ne doivent pas durer indéfiniment. « Il faut des garde-fous pour que les familles comprennent que les allocations ne seront pas permanentes. »
Il plaide aussi pour une meilleure coordination. « Il faut évaluer les actions de la NEF et de la National Social Inclusion Foundation, pour éviter les doublons et assurer une utilisation efficace des fonds », dit-il. Il plaide en faveur d’une collaboration renforcée avec les ONG.
Enfin, Pouba Essoo déplore la politisation de la pauvreté et les « tamtams médiatiques » orchestrés par certains politiciens. « L’argent dépensé pour ces mises en scène aurait pu réellement aider davantage de familles », conclut-elle.

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