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Monde du travail : pourquoi la jeune génération boude certains secteurs

Certains jeunes préfèrent rester à la maison jusqu’à ce qu’ils décrochent le job idéal.

C’est un véritable casse-tête pour les patrons : de plus en plus, la jeune génération montre une certaine réticence à travailler dans certains secteurs comme la manufacture, la construction, voire l’hôtellerie. Pourtant, les emplois sont disponibles dans ces industries. Qu’est-ce qui explique ce phénomène ? La solution réside-t-elle dans la main-d’œuvre étrangère.

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« La nouvelle génération qui intègre le marché du travail, soit les jeunes qui ont entre 22 ans voire jusqu’à 30 ans, ne veulent pas travailler », affirme Yusuf Sambon, directeur de l’hypermarché Lolo. Ces jeunes ne veulent pas travailler les week-ends et faire des heures supplémentaires bien qu’ils sont payés le double les dimanches. « Ils ne souhaitent pas travailler sur un système de shift, soit de midi à 20 heures. Certains postes comme employés de rayon ou caissier/ères ne les intéressent également pas », fait-il ressortir. Pour Yusuf Sambon, le phénomène s’est accentué depuis la pandémie et est en train de s’aggraver.

Eric Ng, directeur du Cabinet PluriConseil, est du même avis. « Il y a pas mal d’emplois dans le secteur économique privé comme la construction, le tourisme, manufacture ou encore l’agriculture où les employeurs n’arrivent pas à trouver des gens. Le problème est en train de se généraliser », soutient-il.

White collar jobs

Pour la syndicaliste, Jane Ragoo, il faut s’appesantir sur le fond du problème. « Dans les cas où les employeurs n’arrivent pas à trouver des employés, il faudrait analyser les raisons », souligne-t-elle. Les jeunes, dit-elle, ne veulent pas travailler dans la boulangerie, le Seafood Hub, la zone franche où c’est 45 heures de travail plus 10 heures supplémentaires obligatoires et recherchent surtout des white collar jobs. « Les Mauriciens préfèrent travailler 40 heures et profiter du week-end pour être avec sa famille. Et s’ils doivent travailler le week-end, ils souhaitent bénéficier de deux week-ends chaque mois », explique Jane Ragoo. La syndicaliste met le point également une autre réalité : plusieurs Mauriciens s’enregistrent comme chômeurs en espérant décrocher un emploi dans le secteur public alors qu’ils travaillent déjà dans le secteur informel. Ce qui vient donc fausser les données sur le nombre réel de chômeurs que compte le pays.

Pour Adilla Diouman-Mosafeer, directrice de Talent Lab, il y a surtout un problème de « mismatch » entre l’offre et la demande. « Ceux qui recherchent de l’emploi cherchent des conditions de travail et des types d’emplois que les employeurs n’arrivent pas à fournir. Or, il faut savoir que nous sommes toujours dans une crise avec la flambée des prix qui perdure et tout se passe au niveau international. Les employeurs sont affectés par cela », explique-t-elle. Aujourd’hui, poursuit-elle, on est en « survival mode ». « Beaucoup d’entreprises n’ont pas encore sorti la tête hors de l’eau. Parallèlement, les chercheurs d’emploi recherchent un travail qui réponde à leurs responsabilités familiales, leurs aspirations et leurs ambitions », soutient-elle.

Adilla Diouman-Mosafeer ajoute que la génération Z et les « lates Millennials » ne vont pas prendre n’importe quel poste et accepter n’importe quel salaire. « Quand on fait des entretiens, ces jeunes ne veulent pas des emplois avec un système de shift, des horaires ardus ou des jobs qui requièrent beaucoup de déplacement. Ils préfèrent rester à la maison plutôt que de faire un travail avec le salaire minimal pour démarrer leur carrière. Ils ne vont pas accepter un emploi avec un salaire en dessous des Rs 15 000 », fait-elle ressortir.

Les jeunes ne veulent pas d’emplois avec un système de shift ou des horaires ardus"

Ces 3 solutions pour renverser la vapeur 

Il y a toute une campagne de sensibilisation et conscientisation à faire auprès de la jeune génération, recommande Adilla Diouman-Mosafeer. « Quand on démarre sa carrière, ce qui compte, c’est de gagner en expérience et le salaire souhaité suivra par la suite », ajoute-t-elle.

Qui sont ces jeunes et où sont-ils ? se demande Jane Ragoo. D’où sa recommandation pour qu’un « special desk » soit créé au ministère du Travail. « Ce qui permettra d’évaluer le profil de ces jeunes, ce qu’ils recherchent comme emplois et salaires. On pourra ainsi brosser un tableau réel de la situation et savoir véritablement s’il faut effectivement avoir recours à des travailleurs étrangers pour certains postes », avance la syndicaliste.   

Il faudrait de meilleures conditions de travail et de meilleurs salaires, mais cela dépendra de la reprise économique, avance Eric Ng. Or, le tourisme n’a pas encore trouvé sa vitesse de croisière, souligne-t-il. « Mais, une fois que ce sera le cas, il faudrait revoir les salaires et les conditions de travail », ajoute l’économiste. Adilla Diouman-Mosafeer est du même avis. « Malgré les défis actuels, les entreprises doivent prendre du recul et revoir leurs offres. Depuis la pandémie, les employés ont réalisé la fragilité de la vie et ont revu leurs valeurs. Ils privilégient la sécurité au travail, le work life balance, le mental well being. Ils recherchent des emplois qui leur permettront d’avoir un bon équilibre entre vie professionnelle et vie familiale. Il faut donc développer des modèles de travail hybride et flexible », recommande-t-elle.

Le recours inévitable à la main-d’œuvre étrangère

Face au peu d’intérêt des jeunes, Yusuf Sambon dit n’avoir pas eu d’autres choix que d’avoir recours à des travailleurs étrangers pour certains postes. « La conséquence de cette situation est que l’importation de la main-d’œuvre étrangère devient inévitable », souligne Eric Ng.

 

 

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