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Mieux comprendre : l’escroquerie et l’arnaque en ligne décortiqués

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Avec l’avènement de la technologie et une précarité exacerbée par l’impact de la Covid-19, tous les moyens sont bons pour soutirer de l’argent. D’ailleurs, l’arnaque en ligne a pris de l’ampleur de nos jours. Que doit-on savoir pour mieux se protéger. Deux juristes abordent le sujet.

Les différents visages de l’arnaque 

La créativité des fraudeurs est sans limite, dit d’emblée Me Eassen Soobramanien. On trouve de tout sur Internet, de la fausse photo de profil sur une application de rencontres au faux site créé pour récupérer vos identifiants bancaires… On peut cependant distinguer quelques grandes tendances : le « phishing » (hameçonnage), le faux support informatique, les faux profils sur les sites de rencontres et les réseaux sociaux, l’arnaque « à la nigériane », les faux organismes de charité.

L’arnaque en ligne

Ce délit, souligne Me Eassen Soobramanien, est commis en utilisant Internet. L’escroquerie en ligne n’est pas considérée comme un crime distinctif, mais couvre une série d’actions illégales et illicites qui sont commises sur le web. Elle se différencie toutefois du vol puisque, dans le cas d’une escroquerie en ligne, la victime fournit volontairement et en connaissance de cause les informations, l’argent ou les biens au fraudeur.

L’avocat Eassen Soobramanien.
L’avocat Eassen Soobramanien.

Que l’arnaque soit en ligne ou pas, à la base, il y a une escroquerie, soutient Me Vedbahu Dudhee. La seule différence, dit-il, c’est que cette escroquerie se passe en ligne. Ce type de délit, observe-t-il, prend de plus en plus d’ampleur ces jours-ci, avec le nombre d’utilisateurs. 

Il cite notamment le hameçonnage (phishing). Par exemple, l’escroquerie à la loterie, l’arnaque à la nigériane, le kidnapping de disque dur, l’escroquerie à l’offre d’emploi, l’arnaque sur les sites de rencontres, entre autres. C’est le domaine de la cybercriminalité. 

« Très fréquent, le phishing consiste à vous envoyer un message ressemblant à celui que vous pourriez recevoir d’un site reconnu et fiable, qui vous met tout de suite en situation de confiance. Par exemple, site d’e-commerce, banque, organisme gouvernemental, entre autres. Le but recherché est de vous amener à communiquer vos infos confidentielles (mot de passe, numéro de carte bancaire, entre autres) pour les récupérer », explique Me Eassen Soobramanien.

Le faux support informatique, poursuit-il, est très malsain. Cette technique vise en particulier un public peu à l’aise avec l’informatique. Quant à l’arnaque « à la nigériane », qui émane de l’Afrique de l’ouest, celle-ci peut désormais surgir de n’importe quel coin du globe. Par exemple, indique Me Eassen Soobramanien, un pseudo-ministre, prince ou autre fils de bonne famille cherche à faire sortir clandestinement une très grosse somme d’argent de son pays mais ne peut le faire lui-même, pour x raisons techniques. Il compte donc sur vous et a besoin de vos informations bancaires pour pouvoir vous soutirez de l’argent. Une variante consiste à vous solliciter pour que vous lui envoyiez de l’argent afin de débloquer la situation. 

« Durant la pandémie de Covid-19, les arnaqueurs ont essayé de nouvelles ruses pour exploiter la vulnérabilité des gens. Il y a l’arnaque de prêt d’argent au taux préférentiel, carte de crédit, l’arnaque de sites de rencontres, vente de produits en ligne jamais livrés. Le mode opératoire de l’escroc est de duper la victime, en la forçant à effectuer un paiement ou un transfert d’argent sans qu’elle réalise qu’elle agit sous son influence », précise, de son côté, Me Vedbahu Dudhee.

L’arnaque…

Une arnaque, selon Me Eassen Soobramanien, désigne une escroquerie ou un vol, c’est-à-dire le fait d’obtenir quelque chose par une manoeuvre frauduleuse. C’est une tromperie qui consiste à obtenir un bien ou la fourniture d’un service au moyen d’un faux nom, d’une fausse qualité, de l’abus d’une qualité ou de manœuvres frauduleuses.

Pour Me Vedbahu Dudhee, l’arnaque (swindling en anglais) est régie par l’article 330 du Code pénal mauricien, inspiré de article 405 du droit pénal français. « Par l’usage d’un faux nom, le but ultime est de tromper une personne. Par le biais de cette tromperie, la personne arnaquée remet des fonds, des valeurs ou un bien à l’arnaqueur. À noter que la remise doit être volontaire de la part de la victime. »

L’escroc en question

Au dire de Me Vedbahu Dudhee, les arnaqueurs sont souvent des beaux parleurs. Ils se servent de la vulnérabilité, des émotions, de la solitude, de la peur, de la vanité et de l’appât du gain d’une victime afin de lui soutirer de l’argent, directement ou indirectement. Ils donnent l’impression qu’ils vous veulent du bien. 

L’avocat Vedbahu Dudhee.
L’avocat Vedbahu Dudhee.

Tout d’abord, l’escroc gagne votre confiance. Ensuite, il vous propose des « soi-disant solutions à vos problèmes ». Il utilise souvent l’intermédiaire non-bancaire afin de recevoir de l’argent par transfert électronique, tel que le Western Union.

Malheureusement, les victimes découvrent trop tard l’arnaque. « Par exemple, les produits achetés en ligne ne sont jamais livrés alors que le paiement a été effectué par carte bancaire (des faux sites) ou contre fausse promesse que vous avez remporté une grosse somme d’argent. Il y a également le chèque en bois, entre autres », énumère Me Vedbahu Dudhee. 

La règle d’or, selon lui, c’est que si c’est trop beau pour être vrai, ce n’est probablement pas vrai. Les questions de base à se poser, évoque Me Vedbahu Dudhee, sont : est-ce que je connais cette personne ?, est-ce que cette offre est réaliste ?, cette transaction financière est-elle sûre ?, l’histoire que me raconte cette personne a-t-elle un sens ?

Si l’offre qu’on vous fait est invraisemblable, poursuit Me Vedbahu Dudhee, il faut vérifier les coordonnées de votre interlocuteur, ne jamais dévoiler aucune donnée personnelle, telle que votre numéro de carte bancaire, numéro de carte d’identité, adresse. Il faut toujours vérifier si le site est sécurisé avant d’effectuer un paiement par voie électronique.

Quant à ceux qui ont été victimes d’arnaque à l’amour, dépendant des cas, l’homme de loi leur conseille de couper tout lien avec la personne en question, de changer de lieu de résidence si possible et aussi de numéro de téléphone.

> Si l’arnaque est commise à l’étranger, c’est la loi étrangère qui s’applique.

Actions à entreprendre 

Me Eassen Soobramanien conseille à une victime de contacter immédiatement la police. Si cela concerne des chèques, virements, achats par carte bancaire, la banque doit être alertée dans les plus brefs délais. Cette démarche permet de faire annuler l’opération, si ce n’est pas trop tard, et d’éviter une nouvelle escroquerie.

« La Cybercrime Unit de la police est une unité spécialisée qui enquête sur les plaintes liées à la cybercriminalité. Cette unité est située au quartier général de la police, aux Line Barracks, Port-Louis », renchérit Me Vedbahu Dudhee. À Maurice, il y a aussi « The Mauritian Cybercrime Online Reporting System » (MAUCORS), plateforme où les victimes peuvent déposer leurs plaintes. Les autorisées concernées les contacteront par la suite pour démarrer une enquête. 

Eventuellement, s’il s’agit d’une arnaque bancaire, la banque doit être avertie et les numéros de comptes et le code des cartes bancaires doivent être changés, selon le cas.

Et pour les délits commis à l’étranger ?

« C’est là où ça se complique. Bien souvent, il est quasi impossible de retracer l’auteur de la fraude vu qu’il est à l’étranger et qu’il est bien masqué derrière son écran », affirme Me Eassen Soobramanien. Dans ce cas, la police, après enquête, devra référer l’affaire aux autorités concernées dans le pays étranger en question, « en espérant que l’auteur du délit pourra être arrêté ». 

Si l’arnaqueur est arrêté, « il faudra le poursuivre en prenant en considération les frais pour instruire une affaire dans le pays étranger. Bien souvent, les victimes sont démotivées et ne poursuivent pas l’affaire malheureusement », poursuit l’homme de loi. 

De son côté, Me Vedbahu Dudhee fait ressortir que le pouvoir de qualifier pénalement un fait et de le réprimer relève de la souveraineté nationale. « Chaque pays définit ce qu’il considère comme constituant une infraction et les peines y relatives. Pour autant, un certain nombre de grands principes de protection de la personne se retrouvent dans les diverses législations. »

Si l’arnaque est commise à l’étranger, selon Me Vedbahu Dudhee, c’est la loi étrangère qui s’applique en se basant sur le principe de territorialité de la loi pénale. De même, les effets d’une condamnation sont limités au territoire de l’État où elle a été rendue. 

Mais le problème, précise Me Vedbahu Dudhee, c’est que très souvent la plainte est faite à Maurice. Alors que l’arnaqueur opère d’un autre pays. Dans ce cas, dit-il, il faudra l’intervention d’Interpol pour aider la police mauricienne dans l’enquête. 

L’homme de loi évoque notamment la « Mutual Legal Assistance », dépendant des accords bilatéraux, multilatéraux ou divers autres arrangements entres les pays. Ce qui, dit Me Vedbahu Dudhee, permettra des échanges de preuves, de documents, d’identifications, des recettes des crimes, réquisition ou gel des avoirs ou même dans certains cas, l’extradition des « suspects », à la requête de l’État mauricien. 

Toutefois, souligne Me Vedbahu Dudhee, des poursuites peuvent être menées sur notre territoire, mais dans la pratique, c’est très difficile d’identifier le suspect ou l’arnaqueur.

L’arnaque en ligne est entrain de prendre de l’ampleur  avec la pandémie Covid-19.
L’arnaque en ligne est entrain de prendre de l’ampleur avec la pandémie Covid-19.

Obtenir justice

Une victime peut récupérer son argent, soutient Me Eassen Soobramanien, si elle réussit à traîner l’auteur du délit devant une cour de justice et qu’il est condamné. La victime recevra alors une compensation pour la fraude commise. Donc, il se peut qu’il y ait une affaire déposée au civil. Cependant, précise l’homme de loi, le Directeur des poursuites publiques (DPP) peut aussi déposer une affaire au pénal contre l’auteur du délit si la victime a fait une déclaration à la police.

Me Vedbahu Dudhee insiste sur le fait qu’il est important de porter plainte auprès de la police de la région où l’arnaque a été commise. Dans ce cas, la qualification pénale du fait sera fixée par la loi nationale. L’étendue des droits de la victime, en termes d’information sur l’évolution de la procédure, de statut à l’audience et d’indemnisation dans le cadre de la procédure pénale, est également fixée par la législation nationale, applicable dans le pays où les faits ont été commis.

« Si l’argent ou d’autres biens sont éventuellement récupérés par les forces de l’ordre, ceux-ci seront restitués à la victime. Mais dans la plupart des cas, soit l’argent a été utilisé soit les biens ont été vendus. Cela rend difficile, même parfois impossible toute restitution », fait ressortir Me Vedbahu Dudhee.

Pour toute réparation de son préjudice et des dommages et intérêts, soutient-il, la victime devra poursuivre l’escroc au civil devant une cour de justice. Mais le problème principal concernant l’arnaque en ligne, c’est qu’il faut tout d’abord identifier l’arnaqueur en question. Cela pose une très grande difficulté, même aux enquêteurs.

Les Sanctions

L’arnaque

Selon Me Vedbahu Dudhee, c’est l’article 330 du Code pénal mauricien qui s’applique. Cet article prévoit une peine n’excédant pas 20 ans d’emprisonnement et une amende ne dépassant pas Rs 150 000. 

L’arnaque en ligne 

«  Les mêmes dispositions de l’article 330 du Code pénal mauricien sont valides pour l’arnaque en ligne. On peut également envisager l’article 10 de la Computer Misuse And Cybercrime Act 2003 concernant la fraude électronique qui prévoit une amende n’excédant pas  Rs 200 000 et une servitude pénale n’excédant pas 20 ans. The Electronic Transaction Act 2000 prévoit à l’article 47, des amendes n’excédant pas Rs 100 000 et des peines d’emprisonnement ne dépassant pas cinq ans », indique Me Vedbahu Dudhee.

Réforme

Au dire de Me Vedbahu Dudhee, face au taux élevé de cas de cybercriminalité, il existe des lois adéquates à Maurice. Le bureau du DPP a une unité qui traite des cas de cybercriminalité, indique-t-il. Sans compter la Cybercrime Unit de la police. 

Cependant, fait valoir l’homme de loi, il manque une instance de justice spécialisée en cybercriminalité. Il propose ainsi la création d’une Cybercrime Division au sein de la cour intermédiaire (division criminelle).

 

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