Bernard Maigrot avait sollicité l’expertise de deux scientifiques pour examiner les rapports du Professeur Christian Doutremepuich du laboratoire d’hématologie médicolégale de Bordeaux, mandaté par la police mauricienne. Cela s’inscrivait dans le contexte du procès intenté à l’homme d’affaires pour le meurtre de Vanessa Lagesse en mars 2001, devant la cour d’assises.
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Les experts de la défense, le Dr Susan Pope, et le Professeur (Pr) Christophe Champod, ont analysé les rapports du Pr Christian Doutremepuich dans le procès de Bernard Maigrot. Si le Dr Pope a donné son avis sur les méthodes d’analyse ADN, le Pr Champod a, lui, souligné les limitations de telles preuves dans l’affaire.
Le Dr Susan Pope, titulaire d’un PhD en biochimie, est aujourd’hui consultante et directrice de Principal Forensic Services Ltd. Elle a souligné que l’ADN est devenu crucial dans les affaires criminelles, expliquant qu’elle apporte son expertise pour analyser les rapports tant pour la poursuite que pour la défense.
Répondant aux questions de Me Gavin Glover, Senior Counsel, le Dr Pope a indiqué que Christophe Champod avait sollicité son expertise en juillet 2014 pour cette affaire. Elle avait examiné en détail trois rapports du Pr Doutremepuich. Selon elle, les analyses ADN devraient répondre à deux questions : à qui appartient l’ADN en question, et quand et comment cet ADN a-t-il atterri à cet endroit. Elle a noté que l’analyse du Pr Doutremepuich se concentrait uniquement sur la première question, l’identité de l’ADN.
Le témoin soulignera également qu’elle n’a pas pu obtenir plus d’éléments malgré plusieurs demandes au Pr Doutremepuich. Néanmoins, elle reconnaît que les analyses de ce dernier ont été réalisées selon des normes accréditées. « I agree with all the findings of Professor Christian Doutremepuich, » a affirmé le Dr Pope, en particulier en ce qui concerne la présence de l’ADN de Vanessa Lagesse et de Bernard Maigrot, ainsi que sur les profils d’ADN inconnus retrouvés sur les pièces à conviction.
Toutefois, elle remet en question la méthode utilisée par le Pr Doutremepuich concernant un des pièces à conviction, un « large square cloth ». Sur une partie prélevée entachée de sang, le professeur avait conclu à la présence d’ADN de Bernard Maigrot. Parfois, a-t-elle expliqué, du sang peut être présent sans ADN. En conséquence, elle a souligné que l’extraction aurait dû être effectuée sur une zone plus large.
Le Dr Pope a conclu que, en raison de la faible quantité d’ADN recueillie et des éléments limités obtenus, les conclusions ne permettent pas d’établir l’heure et les activités qui ont eu lieu sur la scène de crime. De même, elle a souligné que ces résultats ne permettent pas de déterminer comment l’ADN a été transféré avant ou au moment du crime.
Répondant aux questions de Me Darshana Gayan, Senior Assistant Director of Public Prosecutions, le Dr Susan Pope a expliqué qu’elle ne possédait pas de connaissance personnelle de l’affaire, mais que les avocats de la défense l’avaient quelque peu mise dans le contexte afin qu’elle puisse réviser les rapports du Pr Doutremepuich. Elle a soutenu qu’il n’était pas nécessaire de faire la requête pour qu’elle analyse de nouveau les pièces à conviction, car les parties utilisées « were already consumed »
« Les preuves ADN sont neutres »
Pour sa part, le Pr Christophe Champod, expert en ‘Forensic Science’ enseignant à l’Université de Lausanne, a été mandaté par la défense de Bernard Maigrot pour contre-expertiser les preuves ADN de l’affaire. Il a d’emblée affirmé que les preuves ADN sont neutres et ne peuvent pas fournir d’indications sur le mode de leur transfert.
Pour le Pr Champod, l’ADN ne peut pas indiquer l’heure de la présence de Bernard Maigrot sur les lieux, ni ses activités au moment du meurtre, ni s’il a été déposé plus tôt ou au moment du crime. En raison de la très faible qualité de l’ADN de Bernard Maigrot, il est d’avis qu’il est impossible de déterminer les actions de ce dernier. Il a, par ailleurs, indiqué, qu’il est « très difficile » d’éradiquer l’ADN par un lavage normal, tout en ajoutant que l’ADN adhère à des endroits comme les fissures. Le nettoyage, affirme-t-il, « n’est pas suffisant pour éradiquer l’ADN ».
Concernant l’expérimentation menée à Maurice en 2011, notamment l’examen du lavage d’un drap, le Pr Champod a déclaré qu’il n’était pas au courant de l’objectif de cet exercice ni de l’existence d’un protocole lorsqu’il rédigeait son rapport de contre-expertise.
L’affaire a été ajournée à ce vendredi 21 juin 2024. L’audience reprendra avec le contre-interrogatoire du Pr Champod par la poursuite.
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