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Mare-Chicose : Au-delà de la psychose du «gratte-ciel de déchets» 

La section illustrant les opérations et la construction à Mare-Chicose.
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Face à une saturation imminente, Mare-Chicose, le seul site d’enfouissement de l’île, se prépare à une transformation cruciale. Son expansion verticale est-elle la réponse audacieuse aux défis de gestion des déchets à Maurice ? Le Dimanche/L'Hebdo vous propose de le découvrir.

Le projet d’expansion verticale du site d’enfouissement de Mare-Chicose a suscité de vives critiques, certains la qualifiant de « gratte-ciel de déchets ». Mais qu’en est-il réellement ? Quels enjeux sous-tendent ce choix technique et pourquoi est-il nécessaire ? Bhaguthsing Beerachee, directeur de la division des déchets solides au ministère de l’Environnement, éclaire Le Dimanche/L’Hebdo.

 Il fait d’abord comprendre que le site d’enfouissement de Mare-Chicose a été optimisé pour assurer la continuité des opérations de gestion des déchets, avec quelques extensions verticales mineures. Cependant, face à l’épuisement des capacités d’accueil et à l’absence de terrains adjacents pour une extension latérale, les autorités ont dû envisager des solutions alternatives, explique-t-il. La seule option viable s’est avérée être l’expansion verticale.

Cette décision, prise après une étude approfondie menée par un consultant, garantit que l’infrastructure existante est dimensionnée pour supporter les charges supplémentaires liées à cette nouvelle configuration, précise-t-il. Le contrat de Rs 3,6 milliards (Rs 3 634 999 964) a été attribué au consortium Sotravic Ltée/Strata en juin 2024. 

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Bhaguthsing Beerachee, le directeur de la division des déchets solides.

L’expansion verticale d’un site d’enfouissement est une pratique courante dans de nombreux pays, dont les États-Unis, la Belgique, l’Inde et la Malaisie, lorsque les contraintes foncières limitent l’extension horizontale, rappelle Bhaguthsing Beerachee. À Maurice, l’extension verticale est une solution à court et moyen terme pour assurer une gestion adéquate des déchets, en attendant la mise en œuvre de stratégies plus durables de réduction, de réutilisation et de recyclage. 

Début juillet, les opérations ont commencé et des travaux de génie civil suivront pour créer de l’espace sur ce site pour les 10 à 15 prochaines années. À Mare-Chicose, les travaux consistent concrètement à construire trois nouvelles cellules et à ériger un mur de gabions incliné pouvant atteindre 15 mètres de hauteur sur une longueur de 750 mètres, sur deux côtés du site d’enfouissement. Cette solution technique a été privilégiée pour optimiser l’utilisation de l’espace disponible. Il précise que les hauteurs de conception ont été définies en fonction d’un équilibre entre les coûts de construction et la durée d’exploitation du site. L’objectif est d’optimiser l’investissement en créant un espace de stockage suffisant pour les prochaines années.

Les travaux seront déployés par phases géographiques successives. Chaque phase comprendra la suppression de la couche de recouvrement existante ; la mise hors service (désaffection) des installations locales de traitement des gaz de décharge ; le réacheminement des gazoducs ; l’élévation de la décharge par paliers, conformément aux hauteurs autorisées par l’ingénieur. Ce processus sera répété pour chacune des zones concernées.

Au sujet des études préalables à l’expansion verticale de Mare-Chicose, un rapport d’étude de faisabilité détaillé a été réalisé par un consortium formé des sociétés danoise COWI et luxembourgeoise Luxconsult, avance Bhaguthsing Beerachee. Ce rapport a fourni les justifications techniques et économiques nécessaires pour appuyer la décision d’étendre le centre d’enfouissement en hauteur. « Des investigations géotechniques approfondies ont été menées afin d’évaluer la capacité portante du sol et de s’assurer que la fondation existante pouvait supporter les charges supplémentaires liées à l’expansion », dit-il. Un plan conceptuel détaillé de l’extension verticale a été proposé dans ce rapport dès janvier 2020.

Parallèlement, des évaluations environnementales détaillées ont permis d’identifier et de minimiser les impacts, ainsi que les espèces sensibles et les habitats à protéger. « Des zones tampons et des barrières végétales sont mises en place pour limiter la dispersion des déchets et réduire l’impact sur la biodiversité. Des programmes de réhabilitation sont également prévus à la fermeture des cellules du site d’enfouissement », fait ressortir Bhaguthsing Beerachee.

Une analyse coûts-bénéfices rigoureuse a été réalisée pour assurer la viabilité économique du projet. La consultation des parties prenantes et le respect des normes internationales de gestion des déchets ont, de plus, été des considérations clés. 

« Des experts du consultant COWI sont mobilisés pour superviser les travaux de construction et l’opération du site d’enfouissement technique », indique-t-il.

Impacts environnementaux

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Une série de contrôles environnementaux sont réalisés.

Concernant les impacts environnementaux, Bhaguthsing Beerachee souligne que le site d’enfouissement de Mare-Chicose est conçu et exploité selon les normes internationales. Un processus rigoureux, comprenant des études géotechniques approfondies, une conception ingénieuse et une surveillance continue, garantit la sécurité environnementale du site, affirme-t-il. « La Division de la gestion des déchets solides a, tout au long, nommé des contrats de consultation en ingénierie successifs avec des experts étrangers pour atteindre les objectifs liés à la conception sûre, la mise en œuvre robuste des travaux, ainsi que les opérations et le contrôle environnemental », ajoute-t-il. 

Bhaguthsing Beerachee assure que des mesures de contrôle rigoureuses seront mises en place tout au long du projet d’expansion verticale. Des analyses régulières des eaux de surface et de l’air seront effectuées conformément aux exigences techniques spécifiées dans le cahier des charges. Du reste, un rapport d’évaluation des impacts environnementaux est soumis à l’avis des parties prenantes et est pris en compte dans la conception et l’exploitation du site, poursuit-il. De plus, un suivi environnemental indépendant est réalisé par le Laboratoire national de l’environnement sur une base mensuelle. « Jusqu’à présent, tous les paramètres testés sont dans les limites permises », affirme Bhaguthsing Beerachee.

La profondeur des fouilles pour les cellules du site d’enfouissement à Mare-Chicose varie, et peut atteindre jusqu’à 10 mètres en fonction des besoins en stockage et des caractéristiques du sous-sol, indique Bhaguthsing Beerachee. Ces excavations sont réalisées en tenant compte des contraintes géotechniques et hydrogéologiques spécifiques du site, précise-t-il.

Pour prévenir toute contamination des sols, des eaux souterraines et des nappes phréatiques, les métaux et autres déchets dangereux sont triés à leur arrivée et gérés selon des procédures adaptées. Un système de protection multicouche est mis en place au fond de chaque cellule. Ce système comprend notamment un liner primaire composé de deux couches de géomembrane en polyéthylène haute densité (HDPE) de 2 mm d’épaisseur chacune, ainsi qu’une couche d’argile compactée, explique-t-il. 

Un système de détection des fuites est également installé dans le liner. « Ces liners empêchent les lixiviats (liquides polluants résultant de la décomposition des déchets) de pénétrer dans le sol. Des systèmes de drainage collectent les lixiviats » qui sont ensuite transportés et traités au centre de traitement de la Wastewater Management Authority (WMA) à Roche-Bois. En outre, « des puits de surveillance des eaux souterraines sont aussi implantés autour du site pour détecter toute contamination potentielle », fait-il savoir. 

En cas d’intempéries, des systèmes de gestion des lixiviats sont activés pour diriger les surplus vers des bassins de rétention ayant une capacité totale de 3 000 m³, afin de les empêcher de se mélanger aux eaux pluviales. « Des digues et des fossés de drainage sont construits autour des cellules du site d’enfouissement pour contenir les déchets et les eaux contaminées, empêchant ainsi la pollution des cours d’eau environnants. » Il ajoute que des drains périphériques sont construits pour le captage et l’évacuation des eaux de pluie provenant de l’extérieur du site. Et afin de prévenir la dégradation des sols et de limiter les émissions de gaz à effet de serre, les déchets sont recouverts de matériaux d’étanchéité et de matériaux de couverture adaptés pour empêcher les infiltrations de lixiviats. 

Au niveau du gaz du site d’enfouissement, un suivi régulier permet de contrôler les émissions de méthane qui sont maintenues en dessous des seuils réglementaires. Le méthane produit par la décomposition anaérobie des déchets est une ressource énergétique valorisable. Un système de collecte de biogaz est installé au sein même des cellules du site d’enfouissement de Mare-Chicose. Ce gaz est ensuite acheminé vers des unités de cogénération où il est transformé en électricité, fournissant ainsi au Central Electricity Board l’équivalent de la consommation électrique de 10 000 foyers. 

Pour garantir la sécurité des opérations et prévenir tout risque d’incident, des dispositifs de détection des fuites sont installés sur l’ensemble du réseau de collecte et de distribution du biogaz. Des inspections régulières sont effectuées pour vérifier l’étanchéité des installations. « Le contrat prévoit également  l’installation de réseaux de tuyaux d’eau pour combattre les incendies », souligne-t-il.

Résidents : évaluations en continue des risques sanitaires 

Le directeur de la division des déchets solides explique que le village de Mare-Chicose comptait 38 foyers. « La plupart des familles ont été relogées à Marie Jeannie, Rose-Belle, sauf une qui a choisi de ne pas déménager. La surveillance de l’air et de la poussière est régulièrement effectuée et aucune plainte n’a été enregistrée à cet égard », informe-t-il.

Historique de Mare-Chicose 

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Le centre d’enfouissement de Mare-Chicose.

Dans les années 1990, Maurice comptait 20 dépotoirs à ciel ouverts, posant de graves menaces pour l’environnement et la santé. Notamment en raison de la prolifération de rats et de moustiques etc., dans de nombreuses régions habitées proches de ces sites, explique Bhaguthsing Beerachee.
« Le gouvernement a donc décidé qu’il était urgent de supprimer ces dépotoirs et d’identifier ainsi que de sélectionner des sites d’enfouissement pour l’élimination des déchets. Cette recommandation a été faite par un consultant britannique en 1989 », dit-il. 

Des exercices de sélection des sites ont été réalisés par une équipe de consultants sur un certain nombre de sites potentiels. À savoir : Reunion Maurel, Bois-Pignolet, Plaine-des-Roches, La Chaumière, Camp Carol, Ka Hine, Mare-d’Australia, Mare-Chicose et Camp-Diable. Après des investigations détaillées menées sur cinq sites – Ka Hine, Mare-d’Australia, Mare-Chicose, La Chaumière et Reunion Maurel –, seuls Mare-Chicose et Mare-d’Australia ont été retenus. Cependant, les terres de la région de Mare-d’Australia appartenaient à un certain nombre de planteurs qui n’étaient pas prêts à les céder pour une utilisation comme un site d’enfouissement. En revanche, un accord a été conclu avec les propriétaires fonciers du site de Mare-Chicose pour la construction d’un site d’enfouissement. 

« Plusieurs paramètres sont pris en compte lors du choix d’un endroit pour un site d’enfouissement », fait comprendre Bhaguthsing Beerachee. Parmi ceux-ci, on retrouve la sensibilité environnementale générale, le potentiel de pollution des eaux souterraines, les impacts visuels, la distance par rapport aux habitations et les caractéristiques du sol existant. Le sol argileux de Mare-Chicose s’est avéré particulièrement intéressant grâce à ses propriétés de barrière naturelle, assurant ainsi une protection efficace des ressources en eau souterrain. 

Saviez-vous que…

  • La quantité de déchets générée augmente annuellement de 2 %.
  • Selon cette tendance, la quantité de déchets générée atteindra environ 65 000 tonnes d’ici 2030. 
  • Les travaux d’extension verticale fourniront suffisamment d’espace d’enfouissement en attendant la mise en service des unités de compostage et de tri. 
  • D’autres projets en ligne avec l’économie circulaire incluent le développement d’unités de digestion anaérobie pour les déchets organiques, et la gestion des déchets de construction et de démolition. 
  • Le cadre de la biomasse encourage l’utilisation des déchets de bois pour la production d’électricité. 
  • Ces projets permettront de détourner davantage de déchets du centre d’enfouissement de Mare-Chicose. 
 

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