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M. Poon, doyen de la presse mauricienne, n’est plus

M. Poon était un fidѐle des travaux parlementaires dont il faisait le compte-rendu pour des journaux en langue chinoise jusqu'à il y a quelques années

La presse mauricienne perd son plus ancien journaliste. Celui que tout le monde appelait Monsieur Poon, de son nom complet Poon Yune Lioung Poon Yow Tse, s’est éteint paisiblement dans son sommeil le 2 avril dernier à l’âge de 91 ans.

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Né le 21 novembre 1928, à Port-Louis, il a couvert les grands événements postindépendance du pays en tant que journaliste. Toujours humble et de nature effacée, M. Poon était un fidѐle des travaux parlementaires dont il faisait le compte-rendu pour des journaux en langue chinoise jusqu'à il y a quelques années.  

Il avait pris sa retraite en 2014, à l’âge de 85 ans, mais ne déposa pas la plume pour autant. Car il continua à écrire des articles pour diverses publications. 

En raison du confinement, la famille a créé une page FB - http://fb.com/PYLPYT - pour permettre à ceux qui l'ont côtoyé de lui dire un dernier au revoir virtuellement.

À ses proches, le Défi Media Group présente ses plus sincères condoléances.

L’article ci-dessous a été élaboré grâce aux entretiens de Géraldine Hennequin-Joulia avec M. Poon Yune Lioung POON YOW TSE. En 2016, l’article a fait l’object d’une publication dans le livre-album « Chinatown », publié aux Editions Vizavi dirigé par Pascale Siew. 

Suite au décès de M. Poon, survenu le 2 avril 2020, l’article a été mis à jour :

Le Visage et l’Ame de la Presse Chinoise

M. Poon, de son nom complet, M. Poon Yune Lioung POON YOW TSE, est sans doute un personnage incontournable dans le paysage médiatique en langue chinoise à Maurice. Sa vie et son histoire sont devenus quasi légendaires. De nature humble et plutôt effacé, l’homme laisse une image de quelqu’un qui a toujours la plume et le calepin en poche ou un fichier sous le bras. Il semble à tout moment prêt à couvrir les événements ou à noter les inspirations qui lui viendraient à la tête.

Il naquit à la rue Rémy Ollier, tout près de la croisée avec la rue Emmanuel Anquetil, en plein Chinatown à Port Louis.Tout le monde l’appelle affectuesement M. Poon. Il grandit dans une famille fort modeste. Son père, le premier M. 

Poon Yow Tse, était originaire de Meixian, donc de souche Hakka, et était arrivé par bateau-vapeur à Maurice dans les années 1920. Il ouvrit un salon de coiffure dans le quartier chinois qui permettait de faire bouillir la marmite, tout en aspirant à un avenir meilleur dans une Ile Maurice en pleine mutation. 

Les valeurs de base hakka qui ont guidé la vie de M. Poon Yow Tse, père, pourraient se résumer à travers les qualités suivantes: un train de vie frugal, une discipline de fer, une persévérance à toute épreuve et un attention particulière à l’éducation. N’ayant pas fait beaucoup d’études, mais néanmoins trempé dans ce bain culturel, le père remua ciel et terre pour que son fils puisse aller aussi que possible dans ses études.

Après ses études jusqu’à la Form III au Chinese Middle School au Chinatown, M. Poon Yune Lioung s’embarqua pour la Chine pour regagner le village ancestral à Meixian. Là-bas, il parvint à s’inscrire dans les classes préparatoires au fameux Lycée Dong Shan non loin du fleuve Meijiang. Ayant réussi l’examen d’entrée universitaire, il parvint à se faire admettre à l’Université Tsing Huaà Pékin, une des plus prestigieuses grandes écoles en Chine. Il s’enregistra dans la Faculté des Langues Etrangères avec comme ambition de devenir diplomate de carrière.

Malheureusement le destin en voulut autrement. Après ses études supérieures, la Chine traversait des moments difficiles et il décida de rentrer au bercail à Maurice. Il réintegra donc le Chinese Middle School en tant que professeur and grimpa graduellement les échelons jusqu’au poste de Directeur Adjoint. 

Puis, une meilleure opportunité se présenta et il fit le saut pour embrasser sa vocation de journaliste au «New Commercial Gazette». Quand ce journal mit les clés sous le paillasson, il atterrit à l’hebdomadaire «The Mirror». Pendant une certaine période, il travaillait simultanément et au «The Mirror», et au «China Times», et aussi au «Sinonews». Parmi les quatre journaux en langue chinoise circulant à l’époque, seul le China Daily News, soutenu par le Kuomintang, ne fit pas appel pas à ses services. M. Poon était la force tranquille qui soutenait a lui seul pratiquement toute la presse chinoise à Maurice pendant un certain temps.

Ses écrits permettaient à ceux de la communauté sino-mauricienne qui ne maîtrisaient  pas le français ou l'anglais de prendre connaissance des dernières nouvelles importantes et de connaitre les nouveaux règlements ou politiques qui entreront en vigueur. Ainsi, en triant profit ce canal de communication par écrit, les commerçants chinois, installés à Chinatown et dispersés à travers le pays, prirent la mesure des dernières mesures budgétaires qui les concernaient. 
Donc, M. Poon joua un rôle prépondérant dans l'intégration de la communauté sino-mauricienne au sein de la société mauricienne. Il contribua aussi a un rapprochement entre Maurice et la Chine à travers une meilleure compréhension mutuelle parce que les journaux parvenaient même jusqu’à l’Empire du Milieu.

Jusqu’en 2012, il habitait toujours dans sa vieille maison en bois de style colonialà Chinatown. Dans son bureau à domicile, des livres et des documents sont empilés sur la table de travail alors qu’une collection impressionnante de publications ornaient les étagères. On décelait sans peine un goût prononcé pour la lecture et on ressentait que la culture et l’éducation occupent une place de choix dans cette demeure.

Sa vie était réglée quasiment comme une horloge. Tous les jours, il se réveille très tôt, parcourt les journaux avant de traduire ou de rédiger des articles. Ayant terminé son travail de journaliste, il part ensuite pour faire une marche ou escalader la Citadelle pour garder la forme. En cours de route, il dépose les articles dans les locaux des journaux chinois qui se chargent de la correction des épreuves, de la mise en page, de l’impression et de la distribution. Il achète quelques légumes ou un peu de viande à la foire sur la rue Sun Yat Sen ou au Marché Central avant de rentrer. Parfois, il passe à la Librairie Chinoise au Heen Foh pour bavarder avec ses camarades ou faire une partie d’échec chinois. Au besoin, il assiste aux conférences de presse ou autres événements touchant la communauté sino-mauricienne. Ses confrères et consoeurs le croisent aussi souvent dans la galerie de la presse quand le Parlement est en session.

Ce n'est qu'en 2014, à l'âge de 86 ans, qu'il prit enfin sa retraite du métier de journaliste. Mais il contribue encore de temps en temps des articles aux journaux et continue, à suivre l’actualité avec assiduité à travers les journaux et la radio. 

Avec l'ascension fulgurante de la Chine et l'intérêt grandissant pour la langue chinoise, il caresse l’espoir que les médias sauront trouver une nouvelle voie dans un monde numérique. Tout comme dans la légende, le Phénix renaîtra de ses cendres.

De temps à autre, ses enfants et petits-enfants lui rendent visite. Il ne rate pas une occasion pour leur rappeler les valeurs de base de la culture chinoise à travers des fables ou des contes. Il émet le souhait que la génération future puisse au moins préserver et transmettre ces éléments fondamentaux de la culture chinoise et hakka en particulier. Il est convaincu qu’il est essentiel de connaître ses origines pour pouvoir apprécier le long parcours ardu de nos ainés.

En effet, nos ancêtres ont su surmonter d’innombrables obstacles et défis pour contribuer au développement du pays. Ils ont su tant bien que mal développer un vivre-ensemble qui forme le socle de notre société multiculturelle. Cette jeune nation mauricienne en construction a tout de même su s’adapter aux aléas et a pu surmonter tous les handicaps pour avoir une vie meilleure. Comme dit une chanson hakka, malgré les pires difficultés, il faut toujours avancer tout tirant les leçons du passé.

“Les arbres sont ancrés par des racines; les rivières coulent de source et chacun se doit de ne pas oublier d’où il vient pour savoir où il va.”

 

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