Après une reprise laborieuse de la campagne de vaccination, celle-ci a décollé avec de nouveaux records battus durant la semaine écoulée. A jeudi, 413 473 personnes avaient reçu une première dose de vaccin contre la Covid-19.
L’objectif que s’est fixé le gouvernement est de vacciner 60 % de la population afin d’atteindre l’immunité collective d’ici fin septembre. Cela permettra une ouverture totale des frontières le 1er octobre. Reste que 60 % de la population représente environ 780 000 personnes. Ce qui signifie que les autorités ont donc un peu moins de trois mois et demi pour vacciner 365 000 personnes.
Après environ six mois de campagne — la vaccination ayant démarré le 26 janvier dernier —, le nombre de primo-vaccinés, à jeudi, était de 413 473. Mais, se réjouit-on au niveau du High Level Committee sur le Covid-19, le nombre de personnes se rendant à la vingtaine de centres de vaccination a littéralement explosé depuis fin mai. « Nous avons enregistré un record jamais atteint mardi, avec 16 000 vaccinés. La tendance depuis ces trois dernières semaines est que nous vaccinons 14 000 à 15 000 personnes quotidiennement », explique une source autorisée au ministère de la Santé.
La décision de placer en congé sans solde, à partir de ce lundi 21 juin, les employés non-vaccinés des hôpitaux, médicliniques, Area Health Centres, mais aussi cliniques privées, ainsi que les employés des écoles, collèges, universités et institutions de formation, qu’ils soient publics ou privés, a donné un véritable boost à la campagne de vaccination.
Pour pouvoir ouvrir, le personnel des crèches, des maternelles et des écoles préprimaires doivent impérativement avoir reçu deux doses de vaccin. Les étudiants de plus de 18 ans sont également concernés, tout comme les parents. En revanche, les patients et leur accompagnateur sont tout naturellement exempts de l’obligation de vaccination. Au niveau du personnel médical et enseignant, le taux de 75 % de vaccinés aurait été franchi.
275 médecins et infirmiers SUR contrat
Pour l’heure, la priorité au niveau de la vaccination est, outre le personnel médical, enseignant et non-enseignant, la catégorie du troisième âge qui compte 228 284 personnes, ceux ayant des comorbidités et qui se rendent à l’hôpital — Maurice compte environ 260 000 diabétiques —, 10 000 membres de la police, 52 000 travailleurs essentiels dans des catégories autres que médical, enseignant et non-enseignant, pompiers, employés de supermarchés, entre autres.
Cet engouement a obligé les autorités à embaucher du personnel supplémentaire. Au départ, 400 membres du personnel médical et paramédical avaient été formés. Lundi soir, au Parlement, le ministre de la Santé, Kailesh Jagutpal, a indiqué que son ministère « a recruté 275 médecins et infirmiers sur contrat durant la dernière période de confinement. Ajouté à cela, les services de 30 jeunes sous le Youth Employment Programme ont été retenus » dans le cadre de la campagne de vaccination.
Vaccins : en attente de nouvelles doses
Depuis le 2 juin, les équipes du ministère de la Santé puisent dans les 500 000 doses de Sinopharm reçues le 20 mai dernier. Mais cela ne sera pas suffisant pour atteindre l’immunité collective. D’autres cargaisons sont attendues. Sous la COVAX Facility, Maurice est en attente de 507 200 doses. De la Russie, le pays doit recevoir 1 250 000 doses. Les Émirats Arabes Unis se sont engagés à livrer plusieurs milliers de doses de son vaccin, le Hayat Vax, durant le mois de juin, alors que plusieurs milliers de doses de Pfizer sont attendues des États-Unis.
Nombre de personnes vaccinées
Ayant reçu la 1e dose | 413 473 (A jeudi après-midi) |
Ayant reçu la 1e et la 2e dose | 219 384 (A jeudi après-midi) |
Dans les cliniques Privées : forte demande, mais vaccins en manque
La demande des personnes voulant se faire vacciner dans les cliniques va crescendo. Tant et si bien qu’une liste d’attente s’échelonnant sur une semaine a été établie. La raison ? Le nombre de vaccins distribués par le ministère de la Santé aux quelque 10 cliniques privées qui participent à la campagne, est insuffisant. L’association des cliniques privées estime qu’un millier de vaccins par clinique, distribués sur une base hebdomadaire, pourrait pallier ce manque.
Selon des sources, « le quota de doses de vaccin distribuées par le ministère de la Santé s’épuise très vite ». Il s’avère que la majorité des cliniques privées administrent, en moyenne, une centaine de doses quotidiennement. « Mathématiquement parlant, chaque clinique privée aura besoin d’environ 800 à un millier de doses de vaccin par semaine afin de répondre à la demande du public », fait-on comprendre.
« Demande énorme »
Ce que confirme Doreen Chui Wan Cheong, de la City Clinic. « Le nombre de doses de vaccin dont nous disposons est insuffisant. Nous travaillons difficilement avec le quota que nous réceptionnons du ministère de la Santé. La demande est tellement énorme que nous avons été obligés de placer beaucoup de personnes sur une liste d’attente. » Devant cette situation, elle estime que le quota de doses distribuées aux cliniques privées doit augmenter pour passer à 600 voire 1 000 par semaine.
Clara Rondelle, Communications & Business Development Executive chez C-Care, groupe propriétaire de l’hôpital Wellkin et de la clinique Darné, entre autres, affirme, elle aussi, que le nombre de personnes voulant se faire vacciner augmente et que les responsables de ces institutions dépendent des doses de vaccin du gouvernement pour poursuivre la campagne. Elle recommande par ailleurs au public de réserver en ligne pour leur vaccination.
20 000 personnes vaccinées
Selon le Dr Dawood Oaris, porte-parole de l’association des cliniques privées, « le ministère de la Santé a été mis au courant de la situation ». Il se dit confiant que la demande des cliniques pour plus de doses de vaccin sera acceptée. « La vaccination de la population en moins de temps est dans l’avantage du ministère », fait-il ressortir. Le Dr Dawood Oaris précise également que d’ici la fin de la semaine, environ 20 000 personnes s’étant tournées vers le privé auront reçu leur première dose de vaccins.
Plus de 90 % du personnel de l’Éducation et de la Santé vacciné
À l’approche du 21 juin, date à laquelle les Covid-19 (Restriction of Access to Specified Institutions) Regulations 2021 entrent en vigueur, les choses se sont accélérées tant du côté du personnel du secteur éducatif que celui de la Santé. Les syndicats de ces secteurs affirment que plus du personnel a été vacciné. De ce chiffre, il faut aussi prendre en considération ceux qui ne sont pas éligibles à la vaccination. Ce qui fait, selon les dirigeants des différents syndicats, qu'il ne reste qu’une infime partie à être vaccinée. Les nouveaux règlements semblent avoir eu l’effet escompté, car même les plus réfractaires s’y sont pliés, selon nos renseignements. Mais aucun chiffre officiel n’était disponible à 17 heures, le vendredi 18 juin 2021.
Afin de respecter les nouveaux règlements, tout a été mis en œuvre afin que les « retardataires » puissent se faire vacciner durant le week-end, selon Ram Nowzadick, président de la Nursing Association (NA). « Un certain nombre d’infirmiers n’ont pu se faire vacciner, car ils sont sur le terrain en raison de la campagne de vaccination », dit-il. Ainsi, entre 80 % à 90 % d’entre eux ont été vaccinés jusqu’à présent, mais le nécessaire sera fait avant lundi, a-t-il affirmé. Selon lui, maintenant que les doutes ont été « dissipés », « tout le monde veut se faire vacciner afin de se protéger et protéger les patients. » l’employeur. C’est l’employé qui décide quand il va le prendre ». dit-il.
Narendranath Gopee estime que cette démarche de mettre en congé sans solde les non vaccinés est illégale,
« L’employeur sera dans l’illégalité s’il force un employé de prendre un congé qu’il n’a pas demandé », dit le syndicaliste. Ajouté à cela, obliger une personne à se faire vacciner est « anticonstitutionnel », tonne Narendranath Gopee.
À partir de ce lundi 21 juin : la carte vaccinale essentielle pour avoir accès aux écoles et dans les hôpitaux
La date butoir approche. À partir de ce lundi 21 juin, la carte vaccinale sera obligatoire pour certaines personnes afin d’accéder aux centres de soins, notamment les hôpitaux, médicliniques, dispensaires, cliniques privées, cabinets médicaux et cabinets dentaires. Sont concernés le personnel médical et paramédical mais aussi tout autre personne voulant notamment rendre visite à un patient.
Au niveau des établissement scolaires, préscolaires et les institutions d’enseignement supérieur, le même principe s’applique. Ceux qui ne sont pas vaccinés n’y auront pas accès.
En l’absence de la carte vaccinale, il faudra avoir sur soi un certificat médical détaillé, issu du panel de deux médecins du gouvernement certifiant que le patient ne peut recevoir le vaccin contre la Covid-19 pour des raisons de santé.
Ces personnes devront présenter un test PCR négatif ne dépassant pas sept jours. C’est ce qu’on peut lire dans l’annexe 1 de la Covid-19 Regulations Act 2021 datée du 2 juin 2021.
Ceux qui commettent une infraction à ces règlements risquent une amende de Rs 500 000 et une peine de prison de 5 ans. Il nous revient que le gouvernement n’a pas l’intention de reculer sur sa mesure. D’ailleurs, dans une circulaire officielle émise le mardi 15 juin, il est rappelé que si un fonctionnaire « ne peut avoir accès à son lieu de travail pour la raison spécifiée dans la 'regulation', cette absence sera sans paie ».Ces conditions ne s’appliquent toutefois pas aux malades qui doivent se rendre dans les établissements de santé pour se faire soigner ni à leur accompagnant (un par patient). Une dérogation est faite également pour ceux qui doivent s’y rendre pour se procurer des médicaments. « Regulation 4 shall not apply to a person who has to avail himself of medical treatment from that institution and one other person accompanying him, if any », peut-on lire dans le document en question.
Dans les centres de vaccination : entre sentiment d’impuissance et satisfaction
Malgré les allergies dont elle souffre, une assistante maître d’école a dû faire le vaccin anti-Covid-19 pour être sûre de pouvoir reprendre le travail. Mais au fond, elle n’est toujours pas convaincue de l’efficacité du vaccin. Surtout, elle a un sentiment d’avoir été forcée.
« Je ne peux quitter mon épouse des yeux au cas où elle ferait de nouvelles réactions », explique l’époux de l’assistante maître d’école, qui est, lui, fonctionnaire et souhaite garder l’anonymat par peur de représailles. « Toute cette affaire de vaccination anti-Covid-19 nous bouleverse », lance-t-il.
Il explique qu’ils se sont présentés devant la panel de médecins, la semaine dernière. « Nous leur avons expliqué que ma femme a des réactions allergiques, surtout avec des médicaments. Mais ils n’ont rien voulu entendre en nous disant qu’elle doit se faire vacciner. » Du coup, elle l’a fait. Or, raconte son époux, « le jour de la vaccination, elle a eu une réaction dans le centre et a dû être placée sous observation pendant deux heures. On lui a donné du sérum et du piriton ».
Notre interlocuteur raconte qu’à leur grande surprise, « ils ont mis NIL dans la partie Adverse event following immunisation ». « On a dû y retourner pour qu’ils fassent le changement. Depuis la vaccination, on est sur nos gardes, on n’est pas rassuré du tout », ajoute-t-il.
Sentiment d’impuissance également pour Sonia, de Plaisance, qui a été refoulée au centre de vaccination de Rose-Hill, au Plaza, la semaine dernière. Cette mère de famille ne sait pas vers qui se tourner pour pouvoir se faire vacciner alors que les règlements changent à partir de lundi et qu’elle va devoir emmener ses enfants à l’école lorsque les classes reprendront en présentiel. « On m’a fait comprendre que priorité est donnée aux seniors et aux employés qui se sont enregistrés et que si je veux me faire vacciner, je dois attendre sur place que toutes ces personnes aient terminé. Et là encore, s’il reste des vaccins », s’exaspère-t-elle.
En revanche, chez les seniors, la satisfaction est de mise pour nombreux d’entre eux. De 9 heures à midi, ils peuvent se faire vacciner dans les 16 centres de vaccination à travers le pays. Pushpawantee Beeroo a, elle, fait son vaccin au centre SVICC, à Pailles, et se dit satisfaite. « Je n’ai pas beaucoup attendu et surtout on était à l’intérieur où on pouvait s’asseoir. » Idem pour Deolall Ramdany, qui estime que l’exercice a été facilité pour les personnes âgées.
La campagne actuelle prend fin le 26 juin 2021
Le stock de 500 000 doses de Sinopharm devrait être épuisé le 26 juin. La campagne actuelle de vaccination prendra alors fin, en attendant de réceptionner une nouvelle cargaison. C’est ce que fait comprendre le Dr Sudhir Kowlessur, responsable de la coordination de la campagne vaccinale contre la Covid-19.
Pour cette campagne de vaccination, 26 équipes comprenant 700 personnes, dont environ 300 médecins déployés dans les 16 centres de vaccination, sont mobilisées à travers le pays, mais aussi dans les six équipes mobiles. Cinq sont situées dans les hôpitaux régionaux où les personnes ayant des comorbidités peuvent se faire vacciner et cinq autres équipes sont postées dans les établissements éducatifs comme l’université de Maurice, l’université de Technologie, l’université des Mascareignes, l’Open University, à Curtin Mauritius et à la MITD à Ebène.
« Il y a eu un rush début juin à l’annonce des nouvelles mesures, c’est ce qui a créé de longues files d’attente. Les gens pensaient qu’ils n’auraient pas de vaccin mais la situation s’est calmée. C’est pourquoi on a voulu décentraliser nos services en optant pour les cinq équipes mobiles dans les centres éducatifs. Cela soulage les centres de vaccination où nous mettons l’accent sur la vaccination des seniors et ceux concernés par les nouvelles mesures », précise le Dr Sudhir Kowlessur.
La numérisation des données
L’attente dans les centres de vaccination peut aller d’une à quatre heures dans certaines régions et dans certains cas. Pour un médecin qui a travaillé dans une des équipes de vaccination, les procédures sont longues et c’est ce qui retarde les choses. Pour aller plus vite, il suggère la numérisation des données.
« Il y a des milliers de gens dans chaque centre et pour la deuxième dose, les procédures peuvent tarder quand il faut chercher manuellement le dossier de chaque personne alors que cela aurait pu se faire en un clic sur un ordinateur et mettrait moins de pression sur les équipes mobilisées », fait-il valoir.
Ce médecin parle aussi de triage car tout le monde ne peut rester debout pendant des heures. « C’est pourquoi on voit certains malaises, qui sont originalement liés à une hypoglycémie survenue quand un patient diabétique n’a pas pris son repas à temps. Ces symptômes sont alors malencontreusement associés aux effets secondaires du vaccin et effraient les gens », ajoute-t-il.
Avec la carte vaccinale devenue obligatoire dans certains cas, ce professionnel de la médecine estime qu’il aurait dû y avoir plus de centres de vaccination, notamment dans chaque région, afin de faciliter tout le système. « Les gens n’auront pas à se rendre loin de chez eux pour se faire vacciner et cela mettra moins de pression sur les équipes qui doivent vacciner plusieurs milliers de gens dans un endroit par jour », souligne-t-il.
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