Interview

Lindsay Thomas, recteur : «Le collège du St-Esprit a lancé un cri du cœur»

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Il a osé le dire haut et fort ce que beaucoup pensent tout bas. La drogue dans nos écoles est devenue gangréneuse. Lindsay Thomas, recteur du collège du St-Esprit, le reconnaît, car il en fait face presque tous les jours. Il a lancé son cri du cœur au nom de nos jeunes.

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Le Cedec a soumis un rapport récemment. Qu’en ont fait les collèges ?
On a constitué un groupe de réflexion et de travail sur toute la problématique de la drogue. Ce groupe, composé d’educateurs et de recteurs, a fait un bout de chemin déjà et continue avec détermination ses travaux en vue de formuler des propositions concrètes d’ici le début de la prochaine année scolaire. Le collège du St-Esprit est partie prenante de cette très louable initiative.

On dénonce que les PTA sont trop endormies. Le sont-elles ?
Je ne peux répondre pour les PTA d’autres écoles. La PTA du CSE est un partenaire des plus précieux. Ses membres sont omniprésents sur le terrain et le président est membre du Board of Governors du collège. Ils sont pleinement impliqués dans notre lutte contre la délinquance sous toutes ses formes. La PTA se réunit régulièrement et le recteur participe aux délibérations du conseil d’administration de l’association.

Le ministère de l’Éducation a commandité un rapport sur l’indiscipline à l’école. Est-ce un sérieux problème ?
L’indiscipline est croissante dans les collèges. Elle devient très complexe et s’exprime sous des formes variées. L’école, étant la société en miniature, reproduit les mêmes travers que l’on y retrouve. Le ministère semble être très conscient du problème et les responsables nous assurent qu’eux aussi prennent le taureau par les cornes. L’éducation et les problèmes de l’heure sont trop graves et complexes pour que l’on s’enferme dans un blame game néfaste pour toutes les parties concernées. Une approche est devenue une absolue nécessité. L’heure n’est pas aux querelles partisanes, mais à une véritable coalition d’idées et de ressources au nom de l’enfant mauricien.

Il y a eu des cas d’étudiants qui s’en prennent aux véhicules des profs ou d’autres choses. Que se passe-t-il ?
Permettez-moi de rappeler que l’école n’est ni un tribunal, ni un centre de réhabilitation. L’école œuvre à la croissance intégrale de l’enfant par le biais de la transmission des connaissances et des valeurs universelles et l’acquisition de compétences. Comme toute entreprise humaine, elle se dote de règles et de normes et s’assure de la réalisation des objectifs fixés. Elle se dote donc d’un code de conduite, met en place des checks and balances et prévoit des mesures correctives si un des membres du collectif arrive à déraper. Mais le devoir de l’école est de s’assurer que les dysfonctionnements soient l’exception et non la règle. Nous avons donc un système de sanction gradué. Même les sanctions participent à l’œuvre éducative d’une école.

L’heure n’est pas aux querelles partisanes, mais à une véritable coalition d’idées»

Hormis le rapport commandité, le ministère semble ne pas réagir. Explications ?
Cette question devrait être posée aux autorités.

Ils sont nombreux les jeunes étudiants à manquer de respect envers les autres dans les bus, matin et après-midi, en se livrant à des gestes obscènes en public. Y a-t-il un manque d’éducation de la part des parents ou est-ce un laisser-aller ?
L’education commence à la maison….je ne fais pas le procès des parents, car je suis pleinement conscient que les mutations socioculturelles et technologiques nous laissent, nous adultes, parents et profs, à la traîne de nos enfants. La situation empire, car à peine commençons-nous à comprendre certaines causes et à développer certaines solutions que nous constatons que le fossé s’est davantage creusé entre notre jeunesse et nous. Nous devons revoir nos paradigmes et ne plus nous fier à notre prétendue expérience, qui nous plombe plus qu’elle ne nous aide.

La drogue circule facilement dans les collèges et même dans le primaire. Que se passe-t-il ?
L’alcool, la cigarette, les gadjets électroniques, la pornograhie, les cyber-activités ont envahi l’école au même titre que la drogue. Le système traditionnel de surveillance, de policing, etc est désuet. Plutôt que de blâmer et de réprimer à outrance, le monde des adultes doit se réinventer.

Et les parents dans tout ça ?
Excusez mon optimisme qui pourrait vous sembler déplacé, voire malvenu. La profession n’a jamais été aussi challenging et exaltant. Je regrette de ne plus avoir 25 ans. Les défis sont multiples. Il faut aimer les enfants et les jeunes. Il faut croire en eux. Cela ne veut nullement dire qu’il nous faut leur manger dans les mains. L’autorité parentale et celle des profs sont formatrices et cruciales pour la croissance des jeunes. Il s’agit juste de la mettre au diapason de la modernité. N’essayons pas en tant qu’adultes de jouer aux copains des enfants... De copains, ils en ont plein  ! Ils ont besoin de papas, de mamans, de profs et de recteurs qui jouent pleinement leurs rôles d’adultes.

Quel est votre regard sur notre système d’éducation avec l’abolition du CPE et l’introduction du Extended Programme ?
La réforme était long overdue. D’excellentes propositions de réforme avaient été formulées par d’anciens ministres de l’Éducation mais ont toutes échoué aux mains d’obscurantistes à l’œuvre. Je note une quasi-unanimité en faveur du besoin de réinventer notre système éducatif. Les moyens pour y parvenir sont sujets à débat et les stakeholders de l’éducation nationale semblent avoir tous des propositions fondées sur du solide. Même si les décisions de réforme ne peuvent être que politiques, j’invite à soustraire le débat de l’emprise politicienne et communalo-casteiste. L’avenir intellectuel, matériel et spirituel de nos enfants et le type de société qui répondrait le mieux à nos légitimes aspirations sont des enjeux capitaux.

Pour revenir à votre question – je suis enclin à faire confiance à la réforme actuelle qui mériterait cependant un certain nombre d’ajustements. Que le ministère continue de se laisser interpeller par les observations et critiques des travailleurs de terrain.  Le CSE a lancé un cri du cœur et la direction est éminemment satisfaite des retours positifs. L’heure de passer à l’action de manière concrète a sonné et nous comptons en aviser nos partenaires dans les meilleurs délais. Nous ne sommes pas insensibles aux marques d’appréciation des membres de la société civile et du monde politique. Mais permettez-moi de souligner le soutien indéfectible du cardinal Piat dont l’engagement en faveur de l’enfant mauricien est connu. Comment passer sous silence les bons mots du président de la République à notre égard. M. Vyapoory nous a fait une fleur.

 

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