L’hélicoptère militaire Dhruv MK III : quelle utilité de cet appareil qui a coûté Rs 1 milliard ?

L’hélicoptère militaire Dhruv MK lll aura pour but d’effectuer des missions de haute facture, car les trois hélicoptères actuellement en opération ne seraient pas suffisamment performants. Le gouvernement mauricien fait-il une bonne affaire en faisant cette acquisition auprès de l’Hindustan Aeronautics Ltd (HAL) pour apparemment plus d’un milliard de roupies ? 

Le contrat a été signé le 19 janvier dernier. Le Deputy Commisionner of Police (DCP) Krishna Jhugroo, ainsi que le secrétaire aux affaires intérieures, Om Kumar Dabidin, présents lors de la signature du contrat pour l’achat de l’appareil, ont été sollicités au téléphone par Le Défi Plus jeudi dernier. Mais aucune information n’a filtré quant au montant injecté dans l’acquisition de l’hélicoptère ou encore les raisons qui motivent le gouvernement à avoir recours à un tel appareil. C’est ce qui nous pousse à mener une enquête afin d'éclaircir les dessous de cette acquisition.

Missions périlleuses 

Selon des renseignements, le gouvernement envisage de renforcer la flotte à travers un appareil ultrapuissant permettant d’effectuer des missions de sauvetage et des fouilles dans nos eaux territoriales ou encore dans les pays avoisinants, sans aucun problème. D’ailleurs, il y a de fortes possibilités que le modèle introduit, soit un « skid type helicopter ». L’appareil pourrait être opérationnel vers mi-2023. L’hélicoptère militaire Dhruv MK lll comprend, indique-t-on, un système électronique très avancé, « Avionics », conçu pour les avions. Mais pourquoi ce type d’appareil ? Sera-t-il d’une réelle utilité à Maurice ? Il semblerait que tel est le cas, car les hélicoptères actuels ne sont plus performants, en l’occurrence le « cargo load » et l’endurance des Chetaks, du Fennec ou encore de l’actuel Dhruv, dont l’acquisition a été effectuée en 2009. 

L’actuel Dhruv est un hélicoptère reconditionné 

« L’actuel hélicoptère Dhruv n’est pas suffisamment performant pour effectuer les longs parcours, de Maurice à Agaléga, par exemple. De plus, l’appareil qui a été acheté il y a environ 13 ans de cela a été revisité à plusieurs reprises », fait-on comprendre. Nos sources policières indiquent que le Dhruv serait en fait un hélicoptère reconditionné. Deux ans plus tard, souligne-t-on, le moteur de l’appareil a été remplacé. Depuis l’hélicoptère est sujet à une maintenance constante après chaque mission. La crainte d’une panne en pleine mer, fait-on remarquer, est réelle. « C’est la raison pour laquelle le Dhruv n’a jamais effectué de vols vers Agaléga », indique-t-on. Les pilotes, qui forment partie de l’« helicopter squadron » de la force policière, seraient réticents à effectuer des missions à bord de l’appareil. 

Aucune formation additionnelle

Cette unité policière se compose de sept pilotes mauriciens (un Assistant Commissionner of Police (ACP), deux Superintendants of Police (SP), trois Assistant Superintendants of Police (ASP), deux Deputy Assistant Superintendant of Police (DASP) et un Cadet officer. L’escouade comprend également deux pilotes indiens, à savoir le Group Captain (au rang équivalent de Deputy Commissionner of Police) et le Wing Commander (au rang équivalent d’ACP). « Le pilotage du Dhruv MK lll ne nécessitera aucune formation additionnelle. La technique de pilotage reste la même. C’est juste que les manœuvres sont automatisées à travers un mécanisme électronique dernier cri », fait-on remarquer.  

L’acquisition 

Pour comprendre les tentants et aboutissants de cette acquisition, il faut remonter à février 2021. À cette époque, Subrahmanyam Jaishankar, ministre des Finances de l’Inde, est en visite officielle pour deux jours (22-23 février). Lors de son passage, Maurice signe une ligne de crédit spéciale de défense de 100 millions US$ (Rs 4,38 milliards au taux de change du jour). Après avoir signé l’accord, le Grand Argentier indien devait indiquer qu’avec cet argent, Maurice achètera, entre autres, un hélicoptère Dhruv pour la police et un avion Dornier pour « améliorer sa capacité de patrouiller et gérer son domaine maritime plus efficacement ». En septembre dernier, la National Coast Guard de Maurice a accusé réception de l’avion, un Dornier Do 228, qu’il loue jusqu’à 2022 lorsqu’elle recevra le Dornier Do 228 commandé.

Contrat

Le 19 janvier dernier, Om Kumar Dabidin, Secrétaire aux Affaires intérieures, attaché au Bureau du Premier ministre mauricien, a signé en Inde, le contrat d’achat pour un Dhruv Mk III. Cela en présence, entre autres, de BK Tripathy, directeur-général de la division hélicoptère de Hindustan Aeronautics Ltd (HAL), constructeur du Dhruv. Krishna Jhugroo, Commissaire de police adjoint, était aussi présent à la cérémonie de signature.

L’achat de l’hélicoptère remis en question

Mais  pour Xavier-Luc Duval, leader de l’opposition, trois problèmes se posent. « Avons-nous vraiment besoin d’un tel hélicoptère alors que le Dhruv que nous possédons depuis 2009 est largement sous-utilisé ? », se demande-t-il.

Selon lui, le Dhruv acquis 13 ans de cela, plus précisément le 7 septembre 2009, ne vole que quelques heures par mois. Acquis pour 9,75 millions USD (Rs 426,58 millions), son financement provenait déjà d’une ligne de crédit avec l’Inde. L’accord pour la ligne de crédit, d’une valeur de 100 millions US$, agrémentée d’un don de Rs 25 millions US$, avait été signé en octobre 2005 lors d’une visite d’État effectuée par Navin Ramgoolam, fraichement élu Premier ministre.

Le montant pose problème

Xavier-Luc Duval se demande aussi pourquoi une étude comparative n’a pas été faite avec d’autres hélicoptères avant de finaliser le choix du Dhruv. « On a utilisé une fois de plus un accord de gouvernement à gouvernement pour ne pas faire d’appel d’offres. Pourtant, il y a d’autres hélicoptères très valables et beaucoup moins chers ». La Réunion utilise un Airbus (ex-Eurocopter) H145. Cet appareil a un prix de base de 10,2 millions US$ (Rs 445,2 millions au taux du jour). L’autre question que pose le leader de l’opposition porte sur le coût de ce Dhruv Mk III. « Un peu plus de 10 ans de cela, on a acheté un Dhruv à environ Rs 450 millions. Pourquoi est-ce que le second Dhruv coûte-t-il presque Rs 700 millions plus cher ? », demande-t-il.

Selon un article publié le 3 décembre dernier par eurasiantimes.com, le Dhruv Mk III coûte l’équivalent de Rs 408 millions. Mais avec des équipements additionnels, le prix peut grimper à environ Rs 800 millions. À titre comparatif, un avion commercial de modèle A320neo peut être acheté auprès d’Airbus pour approximativement Rs 2,2 milliards après négociations, car les réductions consenties par les constructeurs aux compagnies et loueurs s’échelonnent de 47,5 à 62,7 %. Son prix catalogue est de Rs 4,7 milliards.