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Les sans domicile fixe : ces oubliés de la société...

Ils sont partout.

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Des hommes, des femmes, des personnes âgées, des jeunes et même des enfants de différentes couches sociales qui se retrouvent à la rue. Ces victimes de la vie ont chacune une histoire dont la morale est implacable : personne n’est à l’abri… de devenir un sans-abri.

J.M., ex-toxicomane, 50 ans : « Je dors sous un pont depuis 15 ans »

J.M., un visage connu des rues de Port-Louis, est un S.D.F. depuis une quinzaine d’années. « J’ai été marié, je suis père et j’avais une famille mais mes mauvaises fréquentations m’ont fait tout perdre. J’ai commencé à me droguer et à mal me comporter. Ma femme m’a abandonné et je me suis retrouvé à la rue. Depuis 15 ans, je dors sous un pont près de Pakistan à Port-Louis. Je suis seul, je n’ai rien ni personne... »

Il nous décrit les conditions dans lesquelles il évolue au quotidien. « Mon abri est un dépotoir et il y a une odeur nauséabonde qui provient des ordures et des restes de nourriture en état de décomposition. Le pont est infesté de rats et j’en suis un… N’ayant souvent rien à manger, je suis parfois contraint de me nourrir des restes qui se trouvent dans les poubelles. Je n’ai aucun endroit pour me doucher. Je sais que des fois je pue mais cela fait quand même mal au cœur quand les gens m’ignorent ou s’éloignent de moi », déplore J.M..

Se qualifiant d’ex-toxicomane et de repenti, il ne demande qu’à pouvoir vivre dans la dignité. « J’ai changé et depuis trois mois, je ne me drogue plus, confie le SDF. J’ai obtenu un emploi comme agent de sécurité et comme tout le monde, j’aurais souhaité, en rentrant du travail, trouver une maison et dormir dans un lit… J’ai cherché de l’aide chez différents organismes sociaux mais personne ne m’a tendu la main. Je lance un appel pour qu’on me trouve un toit. »

Sara C., 19 ans :  « Enceinte de jumeaux, je me suis retrouvée à la rue… »

Mise à la porte par son père à cause de sa grossesse, Sara vit aujourd’hui dans un centre d’accueil. « En janvier dernier, mon père m’a chassée car je suis enceinte. Je suis allée habiter chez mon copain dans une petite chambre, dans des conditions difficiles. Nous avons eu des problèmes de cohabitation et un jour il m’a giflée. Je suis partie et je me suis retrouvée à la rue. Des policiers m’ont dirigée vers un centre d’accueil où je vis depuis deux semaines. »

Elle affirme avoir l’esprit tranquille aujourd’hui. « Lors de mon premier mois de grossesse, il m’est arrivé de penser au suicide mais tout cela est loin maintenant. À présent, je pense avant tout à la naissance proche de mes jumeaux et à mon couple. Ma priorité est d’avoir enn ti kwin, où mon copain et moi, nous pourrions élever nos enfants dans de bonnes conditions. J’espère que les autorités nous aideront, toutes les autres femmes S.D.F. et moi, à réintégrer la société et à ne plus dépendre de personne. »

Seeven Veerasamy : rejeté de la société

S.D.F. depuis environ 15 ans, Seeven Veerasamy nous confie qu’il se sent rejeté par la société. Interrogé sur les raisons derrière sa situation, il nous fait le récit de son histoire. Seeven n’a pas eu une enfance facile. À l’âge de sept ans, il est victime d’un accident et il vit avec sa mère et son beau-père à Port-Louis jusqu’à leur mort. Après le décès de ses parents, il n’a d’autre choix que de quitter leur maison car ils étaient des locataires.

La vie ne fait pas de cadeaux à Seeven. Il cherche refuge auprès d’un abri pour S.D.F. mais il n’y reste pas longtemps. Même s’il travaille au marché Central de Port-Louis depuis 13 ans, il affirme ne pouvoir se payer un logement car il a juste de quoi acheter à manger. Entre un toit et de la nourriture, son choix est vite fait ! Il a élu domicile à la rue Pope-Hennessy, dans la capitale. Comment fait-il en hiver et pendant les cyclones ? « Je suis toujours là mais quand il pleut fort et que les trottoirs sont trempés, je ne peux pas dormir sur le sol et je reste debout en attendant le lever du jour. C’est dur ! »

Seeven lance un appel au gouvernement pour qu’il y ait un constat des conditions de vie déplorables des S.D.F. Même s’ils travaillent pour gagner leur vie, dit Seeven, ils n’arrivent jamais à trouver un toit. 

Centre Lakaz A : redonner à l’homme sa dignité

Le centre Lakaz A, à Cassis, ouvre ses portes à tous ces rejetés et oubliés de la société. Le centre œuvre dans l’unique but de redonner à l’homme sa dignité. « Nous offrons à ces S.D.F. la possibilité de prendre une douche, de la nourriture et un toit. Nous les aidons aussi à se refaire une identité et nous les écoutons d’une oreille attentive.

L’éducation est aussi à l’ordre du jour dans notre programme. » Lakaz A obtient des dons divers dont certains à travers le CSR et d’autres, des citoyens. « Pafois, des marchands de dhollpuri viennent nous faire un don, quand ils n’ont pas tout vendu », souligne Ragini Rungen.

Lindsay Cybele : « Nous considérons que notre mission est réussie si... »

Le responsable de l’abri de nuit de  Port-Louis, Lindsay Cybele, connaît bien les SDF. Il les côtoie quotidiennement. Pour lui, l’accompagnement est important. 

En quoi consiste votre mission?  
La mission des abris de nuit de Port-Louis et de St-Jean, sous l’égide de Caritas Ile Maurice et du diocèse de Port-Louis, consiste à donner aux sans-abris un bain, un repas chaud, un lit pour la nuit et un petit-déjeuner le matin. Cette prise en charge comprend aussi l’autre aspect de notre mission : l’accompagnement qui est assuré par les gérants et la collaboration des généreux bénévoles qui donnent de leur temps précieux. L’accompagnement, c’est tout le suivi qu’il faut faire auprès des résidents pour les faire sortir de leur problème de désocialisation et aller vers l’autonomie.

Selon vous, quelles sont les raisons qui poussent les gens à devenir SDF ?
Il y en a plusieurs. Certains, heureusement très peu, n’ont pas de famille, ils ont été malchanceux et mal encadrés. depuis leur enfance. D’autres sont rejetés par leur famille. Ils sont devenus indésirables dans leur foyer parce qu’ils sont tombés  dans le gouffre de la drogue ou de l’alcool. D’autres encore préfèrent vivre dans la rue que sous une quelconque forme d’autorité. Il y en a qui ne veulent pas vivre dans une famille.

Quel est le nombre de SDF dans vos abris ?
Ils sont une soixantaine pour les deux abris de Port-Louis et de St-Jean. Le plus jeune a 19 ans et le plus vieux, 64 ans. L’âge moyen de nos visiteurs tourne autour de 35 à 38 ans.

Qu’attendez-vous des autorités ?
De mon point de vue, les autorités ont des sous mais elles ne font rien !

Elena Rioux, responsable de l’ONG Passerelle : « Notre centre abrite 17 femmes et 22 enfants… »

Actuellement, Passerelle offre un abri à 22 enfants et 17 femmes dont des jeunes filles et des mères célibataires. La plus jeune a 19 ans et la plus âgée, 52 ans. Le centre Passerelle est la seule ONG qui s’occupe des femmes S.D.F. dans toute l’île. Elena  Rioux explique : « Les cas reposent sur des réalités différentes mais la misère est la raison principale qui fait que les femmes deviennent des sans-abri. S’il y a 52 % de femmes à Maurice, combien sont au chômage et donc dépendantes ?

La violence domestique conduit aussi les femmes à se retrouver à la rue. » Elle souligne le danger et la peur de ces femmes. « Être S.D.F. est une chose, être femme S.D.F. en est une autre. En plus de se retrouver à la rue, la femme, souvent accompagnée de ses enfants, a peur d’être agressée.»

Elle regrette le manque d’implication des autorités concernant les femmes S.D.F. « Il n’y a aucune considération pour elles contrairement aux femmes battues, affirme-t-elle. Ce sont des ONG qui les découvrent et nous en avons tous les jours. Je lance un appel au gouvernement pour qu’il nous rende visite afin de faire un constat. Si les autorités ne nous aident pas, qui le fera ? »

 

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