La pandémie de Covid-19 a mis à mal le système de santé. Certaines personnes en ont fait les frais et ont succombé à la maladie. Pendant presque une année, le personnel soignant a été malmené par de longs shifts. Ils ont risqué leur vie et celle des membres de leur famille. Pour cette raison, ils sont considérés par le public comme des héros.
« Le système de santé a été dépassé », avance le Dr Bhooshun Ramtohul, vice-président de la Government Medical Consultant in Charge Association. Le service la santé n’a jamais auparavant été autant sous pression. Pourtant le pays a connu d’autres épidémies comme le chikungunya de 2005 à 2006 et le H1N1 en 2009. Cependant le service de santé a pu y faire face sans trop de mal. La pandémie de Covid-19 est d’une autre catégorie avec ses nombreux variants, hélas !
Détecté à Maurice pour la première fois en mars 2020, le pays a su mener le combat contre la maladie. Mais la résurgence de la maladie en mars 2021 a été désastreuse et plus mortelle au point de chambouler le système de santé. Elle a mis à genou le personnel et a ôté la vie au passage à quelques membres. Les survivants sont, pour leur part, essoufflés et en deuil.
En fonction dans les centres de quarantaine dans les hôtels, dans les centres de vaccination, dans les Covid-19 Testing Centres, entre autres, le personnel médical et paramédical s’est montré résilient, explique Nasser Essa, président de la Nurses Union (NU). La fatigue a commencé à se faire sentir au fur et à mesure que le nombre de cas a augmenté.
La situation est alors devenue difficile d’autant plus que certains de leurs collègues devaient s’isoler parce qu’ils avaient été infectés ou parce qu’un de leur proche l’avait été. Ce qui a suscité des appréhensions au sein de nombreuses familles. Certains sont même stigmatisés, soutient le président de la NU. « Nos proches ont peur de nous approcher », explique-t-il
Au four et au moulin, engagé sur plusieurs fronts et dispersé dans les différents services, le personnel a été malmené. « Personne ne s’attendait à ce que la pandémie prenne une telle ampleur à Maurice. C’est la première fois que nous vivons une telle épreuve. Il a fallu s’adapter », ajoute le Dr Ramtohul.
Selon lui, le service n’était pas préparé à faire face à une telle pression. « Nous devons apprendre de l’expérience que nous avons vécue pour pouvoir mieux réagir si une autre situation de ce genre se présente », fait-il ressortir. Selon lui, il aurait fallu que chaque hôpital régional ait les moyens de s’occuper des cas difficiles au lieu de les centraliser au New ENT Hospital. Ce qui aurait mis moins de pression sur le service.
Les médecins et les autres membres du personnel ont travaillé sans relâche. Ceux qui ont été affectés au New ENT Hospital ont été loin de leurs proches pendant plusieurs jours, fait observer la Government Medical and Dental Officers Association. « La pandémie n’a pas épargné le personnel médical et les médecins, car plusieurs d’entre nous ont été contaminés. »
Tandis que certains subissent toujours des séquelles post-Covid-19, d’autres n’ont malheureusement pas survécu. Malgré tout, les médecins continueront à se consacrer à la réorganisation continuelle du service, afin de vaincre ce virus.
Situation inédite
La pandémie de la Covid-19 a aussi provoqué des situations inédites. Lasse d’attendre le retour de son épouse infirmière à l’hôpital Dr A. G. Jeetoo, un père de famille a débarqué à l’établissement un soir avec leurs deux enfants en bas âge. Il est allé directement au bureau de l’administration pour les y déposer. Il a dit au superviseur de s’en occuper, car il devait aller travailler. C’est ce que raconte Nasser Essa, président de la Nurses Union. L’infirmière qui devait terminer son service à 18 heures est restée bloquée à l’hôpital, car elle n’a pas eu de relève. Finalement, l’administration a dû faire des arrangements pour qu’elle puisse rentrer chez elle.
Témoignages
Krishnadev Boodia : «Beaucoup de sacrifices sur le plan familial»
Jamais auparavant les membres du personnel hospitalier n’ont eu à prendre autant de précautions fait remarquer Krishnadev Boodia. Selon le président de la Ministry of Health Transport Workers Union (MHTWU), ils ont eu également à surmonter leur frayeur pour assurer le transfert des patients positifs à la Covid-19. Ils ont fait leur possible pour donner satisfaction au public. « C’est notre gagne-pain, nous n’avons pas le choix. »
Cependant malgré tous les efforts fournis pour sauver la vie des patients, certains n’ont malheureusement pas survécu. « C’est triste pour nous et cela fait mal au cœur. » En tant que chauffeur ambulancier, il explique que jamais auparavant les ambulances n’ont effectué autant de transferts. Il y avait une vingtaine par jour contre moins d’une dizaine en temps normal.
Selon le président de la MHTWU, le personnel a consenti à beaucoup de sacrifices sur le plan familial. Il a cumulé de longues heures de travail en raison du manque d’effectif. « Il faut un moral d’acier pour tenir le coup », indique-t-il.
Bruno, Health Care Attendant : «C’est dur de tenir ses enfants à distance en rentrant du travail»
Quand il rentre du travail, après une journée de dur labeur, il est difficile pour Bruno de tenir ses enfants à l’écart. Comme beaucoup de membres du personnel hospitalier, il suit un rituel avant de rentrer chez lui. Il enlève ses vêtements dans le garage et se dirige directement dans la salle de main. « C’est difficile parfois de faire comprendre aux enfants que ce n’est pas possible de leur faire immédiatement un câlin en raison de la Covid-19. »
Son travail est devenu plus difficile avec la pandémie de Covid-19. Certains comme lui ont dû subir la pression de leurs supérieurs pour effectuer des tâches que ces derniers sont supposés faire, mais qu’ils confient à leurs subordonnées. « Nous n’avons d’autre choix que nous exécuter. » Cette pression supplémentaire est source de découragement. Ceux qui ont fait de la résistance ont été transférés, selon lui.
Les Health Care Attendant ont cependant bien assumé leur part de responsabilité. Leur travail consiste à s’occuper des soins et de l’hygiène des malades, entre autres.
Reshma, infirmière : «Mes proches ont peur de moi»
L’année 2021 a été « cauchemardesque » pour Reshma qui est infirmière. Elle a dû rester loin de ses proches et en particulier de ses nièces qu’elle adore pourtant. « En raison de la crainte d’être infecté par le virus, il y a une appréhension qui s’est installée dans la famille. Afin de les garder à l’abri de la maladie, je ne participe plus aux rencontres familiales. J’ai peur qu’une personne puisse éventuellement être infectée par moi. Mes proches ont peur de moi », relate-t-elle.
Elle vit cette situation très mal. Altruiste, elle se dévoue corps et âme pour un métier qu’elle aime. « Je suis serviable, mais les autres ont peur de me fréquenter. Ce qui m’affecte. Je suis considérée comme un paria. Je suis humaine et j’ai à cœur les personnes qui sont autour de moi », ajoute-t-elle.
Cette situation agace aussi son époux qui la soutient du mieux qu’il peut. « C’est lui qui me motive et c’est grâce à lui que je peux continuer à aller travailler, même si c’est dur par moment. Il sait à quel point j’aime mon travail. »
La Covid-19 a eu un impact négatif sur elle, sur ses collègues et ses confrères. Tout le monde a subi une pression extraordinaire et a connu le burn-out. Du jour au lendemain, elle a assisté impuissante aux décès des patients qu’elle avait soignés la veille. Ce qui lui a fait comprendre que cela peut arriver à leurs proches. Et c’est source de stress. « J’ai une famille qui m’aime, qui a besoin de moi et qui compte sur moi. »
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