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Les agents secrets mauriciens pendant la Seconde Guerre mondiale

Les résistants agissaient dans la clandestinité. Les résistants agissaient dans la clandestinité.
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Le mois de juin reste un mois fatidique dans l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, avec la capitulation de la France en juin 1940, le débarquement des Alliés le 6 juin 1944 et l’appel à la résistance du général De Gaulle, le 18 juin 1940.

Cet appel, au départ peu entendu, va prendre de l’ampleur, notamment grâce au soutien des Britanniques, qui envoient un grande nombre d’agents secrets derrière les lignes ennemies. Parmi eux, des Mauriciens, 13 au total, des hommes et des femmes d’exception.

Alix d’Unienville est initiée à l’action sur le terrain et on lui apprend aussi quoi faire en cas d’interrogatoire de la Gestapo

Dans la France occupée par l’armée allemande, sous le contrôle du gouvernement de Vichy, l’appel du general De Gaulle, lancé de Londres le 18 juin 1940 et qui incite à ne pas cesser le combat, est perçu comme l’acte fondateur de la Résistance. Au début, les actions sont isolées et rares. Peu à peu, avec l’appui des Britanniques, le mouvement s’amplifie. Une unité est créée : le Special Operations Executive (SOE). Très vite, des Mauriciens en font partie. Choisis par les Britanniques à cause de leur origine française, de leur religion, de leur bilinguisme, ils sont déclarés aptes à former les résistants à la guérilla et au sabotage, mais aussi au renseignement.

Le premier Mauricien à faire partie du SOE est Percy Mayer, né à Vacoas le 25 avril 1903. Sa famille émigre à Madagascar, alors colonie française, et quand la guerre éclate en 1939, il propose ses services aux autorités anglaises, basées à Durban. Celles-ci lui fournissent un émetteur radio, faisant de lui le premier agent secret mauriçien à opérer sur un territoire français.

Avec l’aide de ses frères Richard et Andrew, il effectue des missions de renseignements et de liaison. C’est son épouse Berthe qui se charge des transmissions radio. Leur contribution est déterminante lors de la libération de Madagascar, en novembre 1942. Les trois frères sont ensuite envoyés à Londres pour intégrer la F Section du SOE, département franco-anglais de l’organisation.

Les jeunes Mauriciens, surtout ceux d’origine française, sont sensibles à cet effort de guerre. C’est le cas d’Amédée Maingard. Etudiant en Angleterre depuis 1938, il se lie d’amitié avec deux autres Mauriciens, Jean Larcher et Marcel Rousset. Jean Larcher était lui aussi arrivé en Angleterre en 1938, pour étudier l’agronomie à l’université de Reading. Marcel Rousset, né en 1911 à Curepipe, a grandi en France, où ses parents se sont établis en 1919. Tous trois acceptent d’entrependre des missions secrètes en France et entrent eux aussi dans la F Section.

Des Mauriciennes aussi

Le SOE arme la Résistance et l’initie aux actions de sabotage.
Le SOE arme la Résistance et l’initie aux actions de sabotage.

Peu de femmes faisaient partie du SOE. De ce nombre restreint, l’on comptait deux Mauriciennes. L’une d’elles est Alix d’Unienville. Née le 8 mai 1919, elle a passé sa petite enfance à Maurice, avant d’émigrer avec sa famille en France, qu’elle fuit au moment de la débâcle de 40. Recrutée par les services spéciaux, elle passe rapidement à la F Section. Avec d’autres camarades, elle est initiée à l’action sur le terrain (tir, sabotage), au saut en parachute et on lui apprend aussi le comportement à adopter en cas d’interrogatoire de la Gestapo.

L’autre Mauricienne s’appelle Lise de Boucherville-Baissac. Lise et son frère Claude sont des Français de l’île Maurice, comme on les appelait à l’époque… Lise de Baissac intègre le SOE en 1942. Son frère, lui, s’était engagé dans l’armée française en 1939. Puis, il intègre le SOE en février 42. Il est parachuté dans la nuit du 30 juillet 1942 dans la région de Nîmes. Lise est parachutée, elle, dans la nuit du 24 septembre dans le Loiret. Elle a pour mission de créer, à Poitiers, un centre d’accueil pour les agents arrivant sur le terrain. Elle joue un rôle d’agent de liaison entre différents réseaux, dont celui d’un autre Mauricien, France Antelme.

Parachuté en France le 18 novembre 42, France Antelme fonde le réseau Bricklayer, dont l’ordre de mission est de nature politico-financière. Il négocie des emprunts et lève des fonds pour les réseaux clandestins, notamment celui de Claude de Baissac.

Des missions périlleuses

En janvier 1943, Amédée Maingard est, à son tour, parachuté en France avec son chef de réseau, Maurice Southgate. Ils vont mettre en place un nouveau réseau, Stationer, pour armer les résistants et les former à l’utilisation d’explosifs. Marcel Rousset est parachuté à l’aveugle en mars 43 et Jean Larcher fait partie d’une opération dont la mission est de détruire l’usine et la raffinerie de schiste bitumineux des Thelots, près d’Autun. Mais cette mission échoue et Larcher est rapatrié à Londres en septembre.

Le 7 septembre 1943, Rousset et ses camarades déjeunent chez une résistante, quand 12 agents de la Gestapo font irruption et arrêtent tout le monde.
Au début de 1944, Claude de Baissac est chargé d’une autre mission, avec un compatriote, Maurice Larcher, comme radio. Né en janvier 1922, à Rose-Hill, Maurice Larcher sert dans les forces mauriciennes avant de rejoindre l’Angleterre en mai 1943. Claude et Maurice sont parachutés dans le Gers dans la nuit du 10 février 44. La mission de Claude tient en cinq mots : « Créer une organisation en Normandie », jusqu’au Débarquement.

France Antelme et deux autres camarades sont, eux, parachutés non loin de Chartres, dans la nuit du 29 février 1944. Mais ils sont trahis et tombent dans un piège. Les Allemands attendaient les trois infortunés qui sont immédiatement capturés et emmenés à la prison de Fresnes.

Les trois frères Mayer sont eux aussi parachutés en France, au début de 44, Andrew le premier, le 11 février 1944, puis Percy et Richard dans la nuit du 7 au 8 mars. Andrew organise des réceptions de parachutages, forme les maquisards au maniement des armes, et planifie les sabotages. Sa chance tourne le 10 mai 1944, quand il est arrêté et emprisonné à Angoulême, avant d’être transféré à la prison de Fresnes.  Selon des témoignages de prisonniers, il a été déporté le 15 août et exécuté par pendaison à Buchenwald, en Allemagne.

Une évasion rocambolesque

Maurice Larcher tombe sur deux allemands dans la ferme qui les abrite. Il tente de fuir, mais il est tué après une courte lutte

Le jour du débarquement des Alliés, le 6 juin 1944 au matin, Alix d’Unienville tombe dans un guet-apens à Paris et est immédiatement incarcérée à la prison de Fresnes, puis au camp de Romainville, en transit vers l’Allemagne. Mais lorsque le convoi de prisonniers s’arrête pour franchir la Marne sur un pont routier, après le bombardement du pont de chemin de fer, elle profite de la confusion générale pour s’éclipser et revenir à Paris, bientôt libérée.   

En juillet 44, alors qu’il se prépare à quitter le poste de commande de Saint-Clair pour rejoindre Claude de Baissac en Mayenne, Maurice Larcher tombe sur deux sous-officiers allemands à la recherche d’un logement, dans la ferme qui les abrite. Maurice est intercepté. Il tente de fuir, mais est tué après une courte lutte.

Quant à France Antelme, déporté en Allemagne avec 19 autres agents du SOE, il est transféré au camp de concentration de Gross Rosen. Là, il retrouve le plus jeune agent mauricien du SOE, Philippe Duclos, né en 1923. Le jeune Duclos avait intégré la F Section en février 1944 et avait été parachuté en France avec d’autres camarades pour établir un nouveau réseau. Mais les Allemands les avaient cueillis immédiatement et ils avaient été déportés en Allemagne.

Coïncidence macabre, Philippe Duclos et France Antelme avaient été parachutés le même soir et ont tous deux été victimes d’agents doubles. Le dimanche 30 juillet 1944, un dimanche, à 5 heures du matin, Philippe Duclos, France Antelme et leurs camarades du SOE sont menés à côté du four crématoire et alignés en deux groupes contre le remblai.  Humiliation suprême, ils sont fusillés nus…

Amédée Maingard, de son côté, a pris le commandement du réseau Stationer peu de temps avant le 6 Juin 1944. Après le Débarquement, Maingard accompagne les SAS (forces spéciales) britanniques et lance des attaques sur les lignes de chemin de fer et les cibles ennemies pendant tout le mois de juin.

Le 8 juin au matin, dans la prison où il est détenu, son camarade Marcel Rousset est de corvée. Pendant qu’il balaie un escalier, il réussit à s’enfuir après avoir assommé un gardien. Aidé par les résistants, il se fond dans Paris, où il se cachera jusqu’à la Libération.

Le débarquement, enfin !

A la Libération, les résistants sont parmi les premiers à célébrer.
A la Libération, les résistants sont parmi les premiers à célébrer.

De la fin juin à mi-juillet 44, Amédée Maingard fournit des renseignements inestimables aux Alliés. Après que les derniers soldats allemands eurent quitté Poitiers dans la soirée du 4 septembre 1944, les maquisards entrent dans la ville en triomphe, dirigés par le colonel Chêne, avec Maingard à ses côtés. Le 12 août, ce dernier reçoit la Croix de Guerre avec palmes. Puis, le 16 octobre 1945, il sera investi du Distinguished Service Order (DSO) par le roi George VI lors d’une cérémonie à Buckingham Palace. Il est démobilisé le 20 décembre 1945.

Les actions de Percy et Richard Mayer sont elles aussi déterminantes dans le mouvement de libération. Les deux frères rentrent en Angleterre en octobre 1944. Richard reçoit le MBE et Percy la Croix de Guerre et la Military Cross. Rattrapé par l’avancée américaine le 15 août 44, Claude de Baissac rentre, lui, en Angleterre le 17, où il retrouve Lise, qui avait déjà été évacuée.

De son côté, Jean Larcher termine la guerre sur le front asiatique. Il a pris part, contre les Japonais, à la fameuse bataille de la Colline 170, entre Chaung et Kangaw, en Birmanie. Cette bataille, qui se termine au corps à corps, dure du 22 janvier au 1er février 1945. Le 5 février 45, il reçoit la Military Cross.

Opérations d‘infiltration

Le treizième Mauricien à avoir fait partie des SOE est Guy Labauve d’Arifat, né le 20 mai 1919 à Curepipe et lui aussi un ancien du collège Royal. à la déclaration de la guerre, il se porte volontaire dans l’infanterie britannique et participe aux offensives de Monte Cassino en Italie.

C’est en mai 1944 que Guy d’Arifat est recruté par le SOE. Agent de liaison auprès de l’armée américaine, il participe à des opérations d’infiltration en territoire ennemi pour le compte de la résistance française, jusqu’en novembre 1944. Il est démobilisé en mai 1945.

La Seconde Guerre mondiale prend fin sur le théâtre d’opérations européen le 8 mai 1945 par la capitulation sans condition du Troisième Reich, puis s’achève définitivement sur le théâtre d’opérations Asie-Pacifique le 2 septembre 1945.

Sources : Alain Antelme, Thierry Montouroy, Paul McCue et « Printemps Fragiles », d’Alix d’Unienville.

Histoire Mauriciennes

 

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