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L’enjeu de l’identification précoce des jeunes à risque

Caroline Grenade, facilitatrice certifiée en discipline positive pour la classe et les parents. Credit photo : Simon Fuller

«L’indiscipline scolaire peut souvent être un indicateur précoce de comportements problématiques chez les jeunes », souligne d’emblée Caroline Grenade, professionnelle de l’écoute et facilitatrice certifiée en discipline positive pour la classe et les parents. Elle indique que les élèves qui manifestent des comportements d’indiscipline peuvent être plus susceptibles de s’engager ultérieurement dans des actes de délinquance juvénile. 

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Selon une étude menée en 2019 par le ministère de l’Éducation, environ 30 % des incidents disciplinaires dans les écoles primaires et secondaires impliquaient des comportements agressifs ou délinquants parmi les élèves, ajoute-t-elle. Cependant, précise Caroline Grenade, « bien que certains comportements d’indiscipline scolaire puissent être des indicateurs précoces de risque de délinquance, tous les élèves indisciplinés ne se livrent pas nécessairement à des actes de délinquance juvénile ».

Que comprend-on par le terme « délinquance juvénile » ? « La délinquance juvénile désigne les actes criminels commis par des mineurs, incluant des infractions de vol, vandalisme, agression, et trafic de drogue », répond-elle. 

La vulnérabilité à la délinquance juvénile, poursuit-elle, peut varier entre les sexes et est souvent influencée par des facteurs tels que l’environnement familial, les influences sociales et les pressions externes. 

« Selon les données de la police, les garçons représentent une majorité écrasante des jeunes impliqués dans des activités délinquantes. En 2023, par exemple, 85 % des cas de délinquance juvénile signalés concernaient des garçons, tandis que les filles représentaient seulement 15 %. Cela suggère que bien que les filles puissent être vulnérables, les garçons sont statistiquement plus susceptibles d’être impliqués dans des comportements délinquants. » 

Pour elle, la délinquance juvénile est « souvent le reflet des souffrances et des difficultés rencontrées par les jeunes, telles que la pauvreté, les dysfonctionnements familiaux, les troubles de santé mentale et le manque d’opportunités ». Ainsi, insiste Caroline Grenade, plutôt que de les marginaliser, il est essentiel de soutenir et encadrer ces jeunes. 

L’indiscipline scolaire, voire la délinquance juvénile, sont souvent imputées à la « démission » des parents. Pour Caroline Grenade, c’est un raccourci quelque peu réducteur. « Les parents qui ‘démissionnent’ sont très souvent des parents qui sont à bout et à court de moyens pour encadrer leurs enfants. » Pour elle, ils ont besoin « de soutien et d’être guidés dans leur parentalité afin d’apprendre à être des modèles pour leurs enfants, plutôt que d’être eux aussi victimes de jugements et de critiques. Des sessions parents-enfants, où la parole circule et où chacun est respecté, menées par des professionnels de l’écoute peuvent être une solution pour remédier à ces manquements ».

Il est indispensable, précise-t-elle, d’offrir un soutien familial solide, en proposant une éducation parentale axée sur la discipline bienveillante et encourageante, plutôt que punitive. « Ils doivent bénéficier de formations sur l’éducation positive, la gestion des comportements à la maison et l’importance d’une communication ouverte et bienveillante avec leurs enfants. » 

Qu’entend-elle par éducation positive ? « Je fais référence à une éducation sans violence (cris, coups, punitions) car toute forme de violence a une répercussion néfaste sur le développement de l’enfant et de l’adolescent. »

Dans la foulée, Caroline Grande avance que la participation active et l’implication des parents dans la vie scolaire peuvent véritablement changer les choses. Il s’agit, pour elle, de facteurs déterminants pour la réussite académique, le bien-être global, ainsi que le développement comportemental et social positif des jeunes.

En parallèle, dit-elle, un climat scolaire inclusif et respectueux, où les comportements négatifs sont découragés et les relations positives encouragées, est également nécessaire, incluant un accès à des services de soutien psychologique pour les élèves. « L’identification précoce et le soutien des jeunes à risque, combinés à des programmes de réhabilitation, sont essentiels pour prévenir et réduire la délinquance juvénile de manière efficace. » 

Pour Caroline Grenade, une approche holistique et intégrée est nécessaire pour guider les jeunes vers des comportements plus positifs. « C’est une responsabilité collective, nous sommes tous concernés. » 

Justement, les établissements scolaires sont-ils en mesure d’encadrer suffisamment les jeunes qu’ils accueillent ? Des défis persistent en termes de ressources et de formations du personnel pour gérer efficacement les comportements déviants parmi les élèves, reconnaît Caroline Grenade. « En 2023, le gouvernement a alloué des fonds supplémentaires pour le renforcement des services de conseil scolaire et pour l’amélioration de la sécurité dans les écoles, mais cela ne semble pas suffisant. »

Cependant, elle est d’avis que la formation continue pourrait être une des réponses pour améliorer la discipline scolaire de manière efficace. « Pour les enseignants, cela implique l’acquisition de techniques avancées de gestion de classe, de communication empathique et de résolution de conflits, ainsi qu’une compréhension approfondie du développement de l’adolescent. » 

Les éducateurs qui adoptent une approche de discipline positive favorisent un environnement où les élèves se sentent soutenus, soutient-elle. « Être un modèle de discipline positive va au-delà de la simple gestion des comportements ; c’est inspirer et guider les jeunes vers des choix positifs et responsables qui les préparent à réussir non seulement à l’école, mais aussi dans leur vie future. » 

Manque de psychologues et de travailleurs sociaux

À Maurice, il existe des structures d’écoute et de suivi dans certaines écoles, sous la responsabilité de « Konekte ». Elles donnent aux jeunes l’occasion de parler en toute confidentialité de leurs difficultés. Malheureusement, le nombre de psychologues et de travailleurs sociaux n’est pas suffisant pour accompagner au mieux les jeunes à risque, explique Caroline Grenade. En 2024, il existe seulement l’« Educational psychologist/Educational social worker » pour 4 704 enfants dans 1 299 écoles publiques, pré-primaires, primaires et secondaires, dit-elle. 

« Konekte » a pour objectif principal de promouvoir et d’améliorer le bien-être émotionnel, social et psychologique de la personne humaine, dès le plus jeune âge. En ce sens, un service d’écoute psychologique gratuit et confidentiel au 5450 8888 est disponible jusqu’à fin décembre 2024. 

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