La santé mentale est de plus en plus liée à notre bien-être au travail. C’est pourquoi l’épuisement professionnel est devenu une vraie préoccupation pour les experts. A l’occasion de la Journée mondiale de la santé mentale, observée le 10 octobre, Lekshailee Elliah, psychologue du travail, nous donne quelques pistes pour mieux comprendre le burn-out professionnel.
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Comment définir le burn-out professionnel ?
Le burn-out est décrit par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme étant « un sentiment de fatigue intense, de perte de contrôle et d’incapacité à aboutir à des résultats concrets au travail ». L’épuisement professionnel découlerait d’un stress chronique au travail qui peut se transformer en dépression. Le burn-out est un trouble psychique qui se développe progressivement.
Les causes du burn-out peuvent être multiples : fatigue, sentiment d’échec, difficultés de concentration, entre autres. Ces sentiments négatifs s’accumulent et pèsent sur le bien-être du salarié qui bascule progressivement dans un état dépressif.
L’un des premiers symptômes du burn-out, en plus du mal-être ressenti par le salarié, est de chercher à toujours travailler plus pour essayer de trouver une satisfaction, sans y parvenir, jusqu’à atteindre un niveau de surmenage grave.
Quelles sont les tendances actuelles en matière de prévalence du burn-out au travail et de la dépression dans le monde ?
À l’heure actuelle, le nombre de burn-out grave a augmenté de 25 % par rapport à mai 2021. Environ 2 managers sur 10 (18 %) seraient actuellement en épuisement professionnel.
L’OMS estime que 3,8 % de la population souffre de dépression, dont 5 % des adultes (4 % des hommes et 6 % des femmes) et 5,7 % des personnes de plus de 60 ans. À l’échelle mondiale, environ 280 millions de personnes souffrent de dépression.
Quels sont les facteurs de risque les plus courants associés au burn-out et à la dépression, et comment pouvons-nous les identifier ?
Les facteurs de risque les plus courants sont : être surchargé de travail, subir une pression pour travailler plus vite, manquer de contrôle sur son travail, être peu récompensé ou reconnu, souffrir d’inéquité, recevoir des demandes contradictoires, se voir imposer des objectifs peu clairs, disposer de moyens insuffisants ou en décalage avec les objectifs exigés, affronter un conflit de valeurs, subir une insécurité de son emploi.
Plusieurs signes peuvent alerter un chef d’équipe qu’un de ses collaborateurs fait ou présente de grands risques de faire un burn-out. Par exemple, le fait qu’il aligne les heures supplémentaires tout en étant de moins en moins efficace. Ou encore que son taux d’erreurs et d’oublis augmente, et qu’il paraît irritable. La personne qui se trouve en début de burn-out est généralement dans le déni, affirmant haut et fort qu’elle va arriver à assumer toutes ses tâches, ce qui complique la détection. Or, plus il est pris en charge tard, plus l’épuisement professionnel est difficile et long à soigner.
Les contraintes économiques et financières bousculent les conditions de travail, imposent des mobilités multiples et dénigrent les facteurs humains pourtant indispensables à l’atteinte des objectifs»
En quoi le contexte professionnel peut-il contribuer au développement du burn-out et de la dépression chez les individus ?
Dans le contexte actuel des transformations profondes du travail et des entreprises, les contraintes économiques et financières bousculent les conditions de travail, imposent des mobilités multiples et dénigrent les facteurs humains pourtant indispensables à l’atteinte des objectifs. Les salariés vivent une nouvelle ère du travail dominée par les mutations technologiques et les logiques financières.
Comment pouvons-nous sensibiliser davantage les employeurs et les employés aux questions de santé mentale au travail ?
La sensibilisation au burn-out doit commencer par une prise de conscience de la part des employeurs et des travailleurs. Les employeurs doivent comprendre que le burn-out peut avoir des conséquences néfastes sur la santé et la performance de leurs employés, ainsi que sur leur propre entreprise. Les travailleurs, de leur côté, doivent être conscients des signes et des symptômes du burn-out, afin de pouvoir réagir rapidement en cas de besoin.
Quelles sont les principales stratégies de prévention du burn-out au travail que vous recommandez aux entreprises ?
- Établir des limites claires
- Offrir des programmes de soutien aux collaborateurs
- Favoriser une culture de bien-être au travail
- Encourager le développement professionnel
- Encourager le travail d’équipe
- Former les managers à identifier les signes de burn-out
- Encourager la communication
- Recevoir la visite d’un psychologue du travail régulièrement
Quels sont les signes et symptômes clés du burn-out et de la dépression ?
- Une lassitude liée à une perte de sens dans son travail
- Une fatigue excessive et chronique (liée à des troubles du sommeil)
- Un cynisme marqué, des attitudes distantes envers ses collègues de travail
- Une dévalorisation de ses compétences professionnelles, une perte d’estime de soi
- Un sentiment de perte de contrôle
- Des difficultés à se concentrer et à enregistrer les informations
- Une tendance au repli sur soi et à l’isolement social
- Des conduites addictives (tabac, alcool, drogues)
- Des douleurs physiques (maux de tête, vertiges, tensions musculaires)
Quels sont les traitements et les approches thérapeutiques efficaces pour les personnes souffrant de burn-out au travail et de dépression ?
Il est essentiel pour une personne souffrant de burn-out de prendre ses jours de congé pour se reposer. Le repos est important puisque les réserves d’énergie sont à plat chez les victimes d’épuisement professionnel. Cependant, c’est insuffisant pour régler le problème et éviter les rechutes. En effet, le repos ne guérit pas le burn-out.
Il faut aussi mettre en place de réels changements pour retrouver un sentiment de contrôle sur sa vie : il peut s’agir du milieu de travail, du mode de vie, du sens accordé au travail, des façons d’être moins atteint par des sources de stress, etc. La solution passe donc aussi par le changement.
Mais avant d’amorcer des changements, on doit prendre conscience des raisons qui ont mené à l’épuisement. Pour ce faire, la consultation d’un psychologue est primordiale. Il s’agit de découvrir ce qui cause le stress et de trouver des solutions pour s’y attaquer.
Il existe plusieurs types de psychothérapies. La thérapie cognitivo-comportementale est la plus couramment employée. D’autres types de thérapies peuvent être appropriés, comme l’approche systémique, qui se penche sur les interactions avec l’entourage.
Lorsque, dans un milieu de travail, plusieurs personnes sont touchées par l’épuisement professionnel, un psychologue du travail (psychologue organisationnel) peut aider à faire les changements nécessaires qui rendront l’environnement de travail plus sain pour tous.
Comment pouvons-nous encourager une culture de soutien et de bien-être mental dans nos lieux de travail ?
Promouvoir le bien-être en entreprise ne se fait pas du jour au lendemain. C’est le résultat de choix concrets, de changements organisationnels et hiérarchiques, de concertation avec les salariés et leur management. Rome ne s’est pas faite en un jour ! Mais voici quelques stratégies qu’il est possible de mettre en place dans une entreprise :
- Impliquer le personnel dans le dialogue et la prise de décision
- Créer un programme pour favoriser le bien-être
- Une culture d’ouverture
- Encourager le work-life balance
- Promouvoir l’apprentissage et le développement
- Des relations de travail positives et activités sociales
- Encourager les équipes à se soutenir et s’entre-aider ou même faire du mentoring
- Pratiquer le « two-way communication »
Comment les récentes évolutions de la société, telles que la pandémie de Covid-19, ont-elles affecté la prévalence du burn-out et de la dépression ?
La Covid-19 n’a pas conduit à une redéfinition du burn-out mais il l’a certainement aggravé ainsi que les formes de détresse au travail qui y sont liées. De nombreuses personnes constatent une intensification extrême de leur charge de travail et éprouvent des difficultés émotionnelles croissantes et un sentiment d’injustice.
Le travail à distance a peut-être été une aubaine pour les introvertis, les personnes qui s’épanouissent grâce à de longues périodes de travail ininterrompues et celles qui détestaient leurs longs trajets. Mais pour la plupart des gens, perdre le contact avec leurs collègues et leur routine quotidienne était en soi pénible, les exposant à un risque plus élevé d’épuisement. Passer à de nouveaux modes de travail et de communication – par exemple être soudainement obligé de donner un cours en ligne – peut également affaiblir le sentiment d’efficacité d’une personne.
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