
Il s’agit d’un phénomène en constante progression, aux conséquences souvent dramatiques : le « revenge porn » ou pornodivulgation non consensuelle. Pour y faire face, le président américain Donald Trump a promulgué une loi fédérale pionnière, le « Take It Down Act ». Ce texte de loi vise à criminaliser la diffusion d’images explicites réelles ou fictives sans le consentement des personnes concernées. Mais qu’en est-il à Maurice ? Que prévoient nos lois ? Quelles sont leurs limites et comment les renforcer ? Éléments de réponse avec Me Yuvir Bandhu.

Le constat de l’avocat Me Yuvir Bandhu

Il est triste de constater que les victimes sont souvent blâmées plutôt que soutenues. Par exemple, on leur demande : « Pourquoi avez-vous pris cette photo ? ». Si la victime fait partie de la population estudiantine, elle peut se retrouver dans l’incapacité de retourner dans son établissement face à la honte et aux moqueries ».
La législation en place suffit-elle pour contenir les dérives de l’ère numérique ?
Selon Me Bandhu, bien que certaines protections existent, le cadre légal reste insuffisant. Il manque notamment :
- Une définition claire et autonome du « revenge porn »
- Des procédures centrées sur la victime
- Une réponse rapide adaptée à l’ère numérique.
Les failles du système
- Pas de définition juridique claire de la pornographie non consensuelle, de la « sextorsion » ou des abus sexuels par l’image.
- Pas de service dédié : pas de ligne d’assistance, d’aide juridique gratuite ou de liaison pour les victimes.
- Absence de procédure rapide pour le retrait des contenus sur les plateformes ou les sites web.
Les moyens des autorités
- La brigade de lutte contre la cybercriminalité dispose de certaines compétences techniques : localisation IP, analyse d’appareils, récupération de données.
- Elle bénéficie de l’appui d’Interpol et d’accords de coopération internationaux.
Les lacunes
- Manque de personnel et de ressources pour faire face à l’ampleur et à la vitesse des abus en ligne.
- Pas de directives claires pour coopérer rapidement avec les plateformes comme Meta, TikTok ou X.
- Sensibilisation du public insuffisante sur ce qu’est le « revenge porn », ses conséquences et les moyens d’action.

Quelles solutions pour renforcer nos lois ?
- Adopter une législation spécifique, à l’image du Royaume-Uni ou des États-Unis surtout avec l’arrivée de l’intelligence artificielle.
- Mettre en place un mécanisme de retrait numérique rapide pour les contenus non consensuels.
- Créer un service d’aide aux victimes avec une ligne téléphonique, un protocole policier clair et un accompagnement juridique.
- Lancer des campagnes de sensibilisation durables impliquant tous les acteurs (établissements scolaires, médias, plateformes, associations...).
Les implications de l’IA
Pour Me Yuvir Bhandhu, l’intelligence artificielle (IA) a considérablement amplifié les dangers liés au « revenge porn », en rendant les abus plus faciles à produire, plus réalistes, plus viraux et plus difficiles à contrôler. En outre, l’IA permet de superposer le visage d’une personne sur des vidéos pornographiques existantes, créant ainsi des contenus ultraréalistes, sans que la victime n’ait jamais posé ou participé à ces scènes. Quelques photos extraites des réseaux sociaux suffisent pour générer ces montages.
L’impact, affirme-t-il, est tout aussi destructeur que celui du véritable « revenge porn », bien que la vidéo soit falsifiée.
Comment lutter contre ce phénomène ?
Légiférer sur les « deepfakes » à caractère sexuel ou diffamatoire, en tenant compte de la création numérique d’images ou de voix d’une personne sans son consentement.
Prévoir des circonstances aggravantes quand l’auteur utilise des outils d’IA pour altérer la réalité (« deepfakes »), ou lorsque les actes visent à nuire à la réputation de la victime.
Former les enquêteurs aux technologies de manipulation d’images et de vidéos, y compris aux mécanismes de preuve numérique.
Ce que font les autres pays
Royaume-Uni
La Online Safety Act 2023 impose aux plateformes de mettre en œuvre des systèmes pour prévenir et retirer les contenus préjudiciables.
États-Unis
Le Take It Down Act, récemment signé, oblige les plateformes à supprimer les contenus explicites non consensuels dans les 48 heures suivant une demande de retrait.
Nouvelle-Zélande
Le Deepfake Digital Harm and Exploitation Bill, présenté en mai 2025, élargit la définition des contenus préjudiciables aux « deepfakes » et renforce les droits des victimes à l’ère de l’intelligence artificielle.
Trump promulgue une loi contre le «revenge porn» et les faux nus créés par l'IA
Le président américain Donald Trump a promulgué lundi une loi criminalisant le partage sans consentement d'images pornographiques réelles ou créées par l'intelligence artificielle, notamment à des fins de vengeance ("revenge porn"), un phénomène en pleine croissance.
Ce texte nommé "Take It Down Act", soutenu par la Première dame Melania Trump, avait été précédemment adopté par le Sénat américain et la Chambre des représentants, où il avait recueilli un large soutien des deux partis.
« Il s'agira de la toute première loi fédérale visant à lutter contre la diffusion d'images explicites et fictives sans le consentement de la personne », s'est félicité le président républicain.
« Quiconque diffusera intentionnellement des images explicites sans le consentement d'une personne encourra jusqu'à trois ans de prison », a-t-il détaillé, évoquant également des "responsabilités civiles" pour les réseaux sociaux et sites internet qui hébergent ces images mais « refusent de retirer ces images rapidement », c'est-à-dire dans un délai de 48 heures.
La diffusion non consentie d'images à caractère sexuel, parfois créées grâce au concours de l'intelligence artificielle (IA) est un phénomène qui touche majoritairement les jeunes filles et femmes - dont certaines célébrités comme la chanteuse Taylor Swift ou l'élue démocrate Alexandria Ocasio-Cortez.
Avec la popularisation des outils d'IA, la fabrication de ces montages photo ou vidéo hyperréalistes s'est simplifié et a ouvert la voie à leur utilisation massive à des fins de harcèlement ou d'humiliation, prenant de cours les législateurs du monde entier.
"Arme légale"
« Cette législation constitue une étape décisive dans nos efforts pour garantir que chaque Américain, en particulier les jeunes, puisse se sentir mieux protégé contre les atteintes à leur image ou à leur identité par le biais d'images non consenties », s'est félicité Melania Trump aux côtés de son époux, lors d'une rare apparition publique.
La Première dame, mobilisée sur ce dossier, avait pour l'occasion invité à la Maison Blanche des jeunes filles victimes de telles pratiques.
Parmi elles, une adolescente texane qui avait découvert fin 2023 des montages hyperréalistes (deepfakes) à caractère sexuel d'elle et de plusieurs de ses camarades, fabriqués sans leur consentement par un élève de son collège puis partagés sur le réseau Snapchat.
« Les filles ne faisaient que pleurer, et pleurer à ne plus en finir, elles avaient honte », avait à l'époque confié à l'AFP sa mère, Anna Berry McAdams, qui s'inquiétait que ces images ne resurgissent dans le futur.
« Cela pourrait les affecter toute leur vie », alertait-elle, pointant du doigt l'impuissance des victimes à agir et faire défendre leurs droits.
« J'ai désormais une arme légale à ma disposition (pour défendre ma fille) », s'est réjoui lundi auprès de l'AFP Dorota Mani, mère d'une autre jeune victime, saluant une législation « très puissante ».
Risque de "censure"
Seuls quelques Etats américains, dont la Californie et la Floride, disposaient jusqu'à présent de lois criminalisant la fabrication et la publication de fausses images à caractère sexuel.
Cette loi fédérale représente donc un "pas significatif" dans la lutte contre ce phénomène, estime auprès de l'AFP Renée Cummings, criminologue et chercheuse en intelligence artificielle à l'Université de Virginie.
« Mais son efficacité dépendra de sa mise en oeuvre rapide et fiable, de sanctions sévères à l'égard des auteurs de ces actes et de son adaptabilité en temps réel face aux menaces numériques émergentes », a-t-elle insisté.
Et de prévenir: « nous devons veiller à ce que les mesures législatives protègent la société et punissent les auteurs, sans pour autant éroder par inadvertance le cryptage ou étouffer l'expression légitime » sur Internet.
Un risque pointé par plusieurs associations de défense des libertés publiques, qui se sont inquiétées d'un risque de censure.
« Si la protection des victimes face à ces invasions odieuses de l'intimité est un but légitime, les bonnes intentions seules ne suffisent pas à faire une bonne loi », a ainsi estimé l'Electronic Frontier Foundation, dénonçant des « définitions vagues et le manque de garde-fous » qui pourraient mener à la censure.
Source : Agence France-Presse

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